samedi 27 avril 2013

On a bien dit "mariage pour tous"?




La "politique de l'immigration" de la France est accrochée au chiffre 30000. Chaque année, 30000 expulsions, 30000 régularisations, et 30000 mariages mixtes envers et contre tout. Trois formes de la souffrance infligée à nos voisins de palier. Si la régularisation répond à des années de galère organisée par une loi très restrictive, le mariage avec un-e étranger-e peut être pour le-la conjoint-e français-e le début d'un cauchemar administratif.
"Mariage mixte"? Wikipedia, reflet de son époque, y perd son latin: mariage transnational, interethnique, interreligieux? Avec le mariage pour tous, on nous annonce même des mariages pas mixtes, au sens intergenre. Pour le mot tout nu, mot sans qualificatif, il reste le mariage à l'ancienne, entre une femme et un homme, sous-entendu français. Si vous ajoutez "mixte", alors l'un des deux est étranger, l'autre français. Et la loi sur le séjour des étrangers s'ingénie à compliquer la vie de tels couples, allant même jusqu'à la pourrir dans certains cas.
Combien sont-ils, ces couples cibles? Selon l'INED, ces mariages concernent un sur sept ou huit mariages célébrés en France chaque année. Et dans une étude de 2008, l'ex-ministère de l'Immigration, aujourd'hui réintégré dans le ministère de l'Intérieur, développait une typologie généalogique à partir de 2762 couples franco-étrangers dont le membre étranger a été admis au séjour en 2006. Il s'agissait donc de couples récemment formés. On apprend que dans les 2/3 des cas le conjoint français a au moins l'un de ses parents nés à l'étranger (surtout si le conjoint étranger a une nationalité du Maghreb, immigration ancienne), et dans 1/3 des cas ses deux parents sont nés en France (surtout pour les autres nationalités du conjoint étranger). Sous ces chiffres un peu rébarbatifs, un brassage progressif entre arrivants et autochtones de la vague d'avant ou d'une vague plus ancienne, puisque c'est ainsi que se renouvelle depuis longtemps la population française.
Le modèle sous-jacent à la loi sur le droit au séjour des étranger-e-s ayant épousé un-e français-e est insidieusement machiste-colonial: un monsieur français voyage, tombe amoureux d'une belle étrangère et veut la ramener dans ses bagages, pour en faire une mère de futurs Français. Formalités: la belle n'obtient pas illico le droit de vivre en France avec son époux; on va commencer par un visa d'un an, les vrais titres de séjour de durée plus longue ne venant que petit à petit. Mais beaucoup de gens se mêlent d'avoir de tout autres façons de se rencontrer et de se marier. Des façons normales et habituelles à notre société, ce que loi ignore délibérément. Et pour un étranger, enfreindre la loi, c'est risquer le bannissement et l'abandon forcé du ou de la français-e qui l'a choisi-e.
Le jeune couple breton-tunisien dont nous avons raconté il y a un an le mariage saccagé s'est finalement marié, et puis le garçon est reparti il y a plusieurs mois en Tunisie pour demander au consulat de France ce fameux visa de long séjour pour rejoindre son épouse. Visa qu'il attend toujours. Ah! Bien sûr, s'ils s'étaient pacsés cela aurait été plus simple, grâce à une disposition européenne plus favorable que la loi française. Mais la jeune femme voulait un mariage, un vrai, pas un PACS. Et le jeune homme ne veut pas vivre avec sa femme en dehors de la légalité. Du coup, chacun se morfond de son côté en attendant le bon vouloir du ministère de l'Intérieur (le maître des visas). Tous finira certainement par s'arranger, mais quelle utilité y a-t-il à retarder d'un ou deux ans le début d'une vie normale?
D'ailleurs, tout cela est de la faute de ce garçon qui, quelques années plus tôt, était entré en France sans visa! La vengeance de la loi l'attendait au tournant: comment, ayant passé la frontière sans l'autorisation du pouvoir, ce garnement prend l'une de nos filles et s'apprête à élever des enfants français! Sans visa, vous rendez-vous compte: sans visa!...
Cette histoire n'a rien d'exceptionnel. Au contraire, elle se reproduit encore et encore, à des degrés divers de cruauté, pour ces jeunes gens qui ont eu le tort de vivre dans la société française telle qu'elle est: ouverte, quoi qu'on cherche à nous faire croire. Et les parents qui avaient accueilli l'autre choisi-e par leur enfant, découvrent abasourdis la réalité crue de la loi.
La politique d'immigration apaisée sans cesse vantée par la communication du pouvoir oublie de s'occuper de ces couples, comme elle continue à entraver la vie de beaucoup d'autres personnes.
Le mariage pour tous, oui, mais la vie ensemble, cela dépendra du "premier flic de France".
Martine et Jean-Claude Vernier

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