dimanche 21 juillet 2013

Les Français ne sont pas une race "pure"? Tant mieux pour eux.




Faisant une pause dans la chronique des excès d'inhumanité de la dite "politique apaisée de l'immigration", reprenons courage avec la vision généreuse d'un monde de savoureux échanges d'emprunts et de dettes que nous proposent François Rabelais et Lucien Febvre.

Qui dit migration dit adaptation réciproque permanente dans une production commune de la société à venir. Dans un livre écrit en 1950, mis sous le boisseau puis retrouvé bien des années plus tard, et finalement publié en 2012 sous le titre "Nous sommes des sang-mêlés", qu'un voisin médiapartien nous a fait découvrir. Lucien Febvre, l'historien novateur du siècle passé, et François Crouzet nous lancent: "Les Français ne sont pas une race "pure"? Tant mieux pour eux".

Aujourd'hui, on parle moins de race pure qu'au sortir des désastres du nazisme, mais plutôt d'identité nationale, de Français "de souche". Les auteurs s'adressent "A un petit Français": "Tu sais ce qu'on appelle les terrains d'alluvions. Ce sont les terrains qui constituent les dépôts terreux qu'abandonne une rivière sur ses bord et qui ne cessent de grossir avec le temps. La population française est ainsi le fruit d'un grossissement alluvionnaire poursuivi pendant des millénaires. Et ne crois pas que le mouvement se soit ralenti dans les derniers siècles. De fortes colonies étrangères n'ont cessé de s'établir sur le sol de la France".


"Qu'est-ce qu'un Français? Le Français n'est pas un espèce morte; le Français continue de vivre, c'est-à-dire de changer et de se transformer. C'est le résultat, le produit d'une prodigieuse suite de métissages ethniques dont nous ne saurons jamais ni mesurer l'ampleur, ni fixer la succession, ni doser exactement les éléments. C'est l'artisan laborieux d'un perpétuel travail de remaniement, d'adaptation, de synthèse - qui d'une somme disparate d'individus de provenance diverse, d'habitudes contractées une fois pour toutes, mais aussi d'idées et de croyances venues, parfois, du bout du monde, réussit à forger, à reforger, à maintenir une unité perpétuellement changeante elle aussi, mais toujours marquée d'une marque connue. Et cela, vraiment, est un grand miracle."

L'UNESCO, peu après sa création en 1946, avait eu le projet de "fournir aux hommes, et tout d'abord aux jeunes, les données qui leur permettront d'accéder à la conscience de la solidarité humaine", selon Jaime Torres Bodet, Directeur Général de l'UNESCO, en décembre 1949. C'est à sa demande qu'avait été rédigée cette description d'une civilisation locale en constant échange avec les autres, préfigurant une histoire déseuropéanisée, libérée des enjeux politiques de la puissance. La pensée de Lucien Febvre était trop novatrice et, surtout, trop dangereuse pour les vainqueurs du moment, qui ont fait dériver le projet de l'UNESCO vers "une histoire qui était avant tout celle de l'Europe actrice des transformations du monde depuis les temps de la civilisation grecque". Histoire dont nous avons aujourd'hui bien du mal à nous extirper.

Pendant plus de 50 ans, ce petit manuel a attendu son heure, oublié dans une valise. Resurgi du passé, il nous propose une utopie d'une brûlante d'actualité.

On peut lire les migrations comme un embrouillamini de dettes dans tous les sens : dette à l'égard des anciennes colonies, dette à l'égard de ces travailleurs "variable d'ajustement" de l'économie des pays d'accueil, dette des cotisations salariales sans retour, dette envers les passeurs dont l'industrie a permis à certains d'arriver en Europe malgré la fermeture des frontières, dette de la formation professionnelle ou universitaire reçue à l'étranger, dette de l'aide au développement paradoxal. Plus loin encore dans le passé, François Rabelais, dans son Tiers Livre (1546), fait de la dette universelle le fondement de la société.

"Mais, demanda Pantagruel, quand serez-vous hors de dettes ?
- Aux calendes grecques, répondit Panurge. Que je me voue à saint Babolin le bon saint, si toute ma vie je n'ai estimé dettes être comme une connexion et colligence des cieux et de la terre, un nutriment unique de l'humain lignage, sans lequel bientôt tous humains périraient.
Représentez-vous en esprit serein l'idée et forme de quelque monde où ne soit débiteur ni créditeur aucun : un monde sans dettes ! Là, entre les astres ne sera aucun cours régulier. Tous seront en désarroi. La lune restera sanglante et ténébreuse : à quel propos lui départirait le soleil sa lumière ? Il n'y était en rien tenu. Entre les éléments ne sera symbolisation, alternation ni transmutation aucune, car l'un ne se réputera obligé à l'autre : il ne lui avait rien prêté.
Et si, au modèle de ce fâcheux et chagrin monde rien ne prêtant, vous figurez l'autre petit monde, qui est l'homme, vous y trouverez un terrible tintamarre. La tête ne voudra prêter la vue de ses yeux pour guider les pieds et les mains. Les pieds ne la daigneront porter. Les mains cesseront de travailler pour elle. Le cœur se fâchera de tant se mouvoir pour les pouls des membres et ne leur prêtera plus.
Au contraire représentez-vous un monde autre, où chacun prête, chacun doit, tous soient débiteurs, tous soient prêteurs. Ô quelle harmonie parmi les réguliers mouvements des cieux ! Quelle sympathie entre les éléments ! Ô comme Nature s'y délectera en ses œuvres et productions !
Sur ce modèle, figurez-vous notre microcosme, id est petit monde, c'est l'homme, en tous ses membres prêtant, empruntant, devant, c'est-à-dire en son naturel, car Nature n'a créé l'homme que pour prêter et emprunter...
Vertu guoy ! Je me noie, je me perds, je m'égare quand j'entre au profond abîme de ce monde ainsi prêtant, ainsi devant. Croyez que chose divine est prêter, devoir est vertu héroïque."

Martine et Jean-Claude Vernier

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