mercredi 2 janvier 2013

Barbarismes d'Etat




Certes, les affaires "d'en haut" (fraude fiscale, conflits d'intérêts, corruption, etc) illustrent, tout autant qu'elles révèlent, des lignes de forces de notre société. Mais les affaires "d'en bas" pullulent, résultant de choix politiques tout aussi signifiants. Elles touchent tout un chacun, nos proches, nos voisins: TVA, banques, industrie, logement, hébergement d'urgence. Loi d'airain contre les étrangers.
Il y a une affaire Solhail et une affaire des grévistes de la faim de Lille. Ahmed Sohail, Azzedine B., Ahmed B. n'avaient pas de compte en Suisse, ils ne rêvaient pas d'exil fiscal. Ils voulaient juste continuer à vivre ici de leur travail. La LOI, si facilement oubliée pour d'autres, les a rattrapés après des années en France, où ils avaient tissé les liens d'une vie normale.
Affaire Azzedine B. et Ahmed B., du nom de deux algériens, en grève de la faim avec une centaine d'autres étrangers depuis près de deux mois à Lille (voir ici et ), portés jusqu'à l'avion d'Alger le 30 décembre 2012.
Affaire Sohail, du nom d'un jeune Pakistanais formé en France pendant huit ans, dont nous avons parlé ici et , jeté dans un avion le 31 décembre. A l'heure de mise en ligne de ce billet, il est à Karachi, enfermé dans un local, attendant de savoir quel sera son sort.
Selon un interlocuteur du ministère de l'Intérieur "Il y a des lois, il y a une circulaire, Ahmed Sohail n’entre pas dans les critères de la circulaire, il a vocation à être expulsé". Tout est là : la loi réglementant le séjour des étrangers est notoirement absurde, antisociale et sadique, obligeant par exemple les personnes déjà là à travailler au noir ou avec de faux papiers pendant 10 ans avant d'espérer une régularisation.
La circulaire du 28 novembre 2012 adoucit un peu les conditions pour les familles ayant des enfants scolarisés, mais elle refoule la plupart des autres dans le vivier de travailleurs au noir du bâtiment, de l'agriculture, de la restauration, du nettoyage ou du service à la personne. Attendons de voir ce qu'apportera ce bidouillage hors- la-loi: les nouveaux critères concernent des dizaines de milliers de familles, mais le pouvoir a déjà annoncé qu'il s'en tiendrait aux 30000 régularisations annuelles héritées du passé.
Plutôt que de réfléchir à une loi nouvelle qui permettrait à chaque personne de bonne volonté de trouver sa place, on affiche une rigueur qualifiée de républicaine, mais qui évoque plutôt l'inflexibilité mythique du destin, qui "précipite les mortels du haut de leurs espoirs superbes dans le néant", selon Eschyle. Ainsi fonctionne notre société !
Martine et Jean-Claude Vernier

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