dimanche 29 janvier 2012

Le Venezuela dans l’œil du cyclone



Washington poursuit sa politique de déstabilisation en Amérique du Sud à coups de millions de dollars, et s’apprête à financer en 2012 la campagne présidentielle d’opposition au président Chavez. Avec l’objectif de reprendre le contrôle des ressources pétrolières du Venezuela et de conforter son influence dans la région.

Le président Obama réclamait en février un acompte de 5 millions de dollars sur le budget national 2012 pour soutenir les groupes d’opposition à Hugo Chavez. Au moment où la faillite d’un système comptabilise 43,6 millions de citoyens étasuniens vivant sous le seuil de pauvreté. Et encore ne s’agit-il que d’une toute petite partie du financement prévu en 2012, où se déroulera au Venezuela une double élection, présidentielle et régionale.

Le documentaire Chávez, le film ou Coup d'État contre Chavez (Chavez: Inside the Coup ou The Revolution Will Not Be Televised), réalisé par Kim Bartley et Donnacha O'Briain, a été tourné alors que les deux réalisatrices préparaient un documentaire sur le président Hugo Chávez au Venezuela. Elles se trouvaient à l'intérieur du palais présidentiel quand fut déclenché, le 11 avril 2002, le coup d'État conduit par les propriétaires des chaînes privées, les cadres de la compagnie pétrolière du Venezuela, ainsi qu'une poignée de dirigeants militaires avec le soutien, entre autres, des États-Unis, de l'Espagne, de la Colombie et du Salvador. Le film présente la chronologie du putsch et la mobilisation des millions de Vénézuéliens qui entraîna le retour au pouvoir d'Hugo Chávez 48 h après le début du coup, grâce à la garde présidentielle. (Wikipedia)


Le 11 avril 2002, le président Chavez faisait face à une tentative d’un renversement appuyée par les médias privés du pays. Réprimé au bout de 48 heures, le putsch était aussitôt reconnu par les États-Unis et l’Union européenne qui durent ravaler leur déconvenue. Depuis, l’ambassade des États-Unis à Caracas est le centre de la distribution et de la coordination des fonds alloués par l’US Agency for International Development (USAID), elle-même agence de la National Endowment for Democracy, façade de la CIA financée par le Département d’Etat américain. Jusqu’à présent, l’USAID distribuait ses millions de dollars à trois sous-traitants : International Republican Institute, National Democratic Institute et surtout Development Alternatives Inc, étiquetés organisations non gouvernementales. Il est bon de rappeler au passage que ladite USAID, créée en 1961 par Kennedy, a soutenu les pires dictatures, et se trouve accusée par les Amis de la Terre (« Les États-Unis jouent avec la faim », 23 mai 2003) de livrer du maïs transgénique dans les pays d’Afrique australe au bénéfice des industries agroalimentaires. L’USAID se consacre par ailleurs à l’espionnage, en Irak comme en Amérique latine. En 2009, le Venezuela était le pays où la National Endowment for Democracy (CIA) a le plus investi, en distribuant plus de 1 800 000 dollars, le double de l’année précédente. Sans doute en prévision de la loi de décembre 2010 contre les financements étrangers à des fins politiques...

Après sa promulgation, les trois agences précitées doivent quitter le Venezuela, et actuellement un procès est en cours contre les dirigeants de Sumate, mouvement associatif civil vénézuélien auquel avaient été attribués 53 400 dollars pour « l’enseignement de la démocratie ». Son leader, Maria Corina Machado, avait été reçue en 2005 par George W. Bush à la Maison Blanche. Ce qui illustre les relations de l’opposition et du pouvoir étasunien au plus haut niveau.

Après le départ des trois agences impliquées, l’ambassade américaine à Caracas était tout naturellement amenée à jouer un rôle plus important. En atteste son budget 2012 passé à 24 millions de dollars, soit une augmentation de près de 9 millions par rapport à l’année précédente (15,9 millions). Et encore cette somme n’est-elle qu’une modeste partie des sommes destinées à l’opposition. Il est difficile d’attribuer une telle augmentation de budget à des frais de fonctionnement. Le nombre d’employés de l’ambassade est resté le même depuis 2010, et il n’y a même pas d’ambassadeur résident. Les relations sont plus que jamais tendues entre les États-Unis et le Venezuela, après l’opposition d’Hugo Chavez à la nomination de Larry Palmer à Caracas, suivie le 3 janvier 2011, de l’annulation du visa de l’ambassadeur du Venezuela à Washington. Le passé de Palmer ne plaide pas vraiment en sa faveur... Coopération avec l’oligarchie soutenue par les Etats-Unis, au Honduras, au Paraguay, en République dominicaine, Corée du Sud, Sierra Leone... avec tout ce que sous-tend une telle proximité.


Une des constantes de Larry Palmer, persona non grata au Venezuela : la promotion de l’Accord de commerce nord-américain, dit aussi Zone de libre-échange des Amériques ou Zléa, communauté économique qui serait une expansion de l’Alena signé en 1994 entre les Etats-Unis, le Mexique et le Canada.

Une des constantes de Larry Palmer : la promotion de l’Accord de commerce nord-américain, dit aussi Zone de libre-échange des Amériques ou Zléa, communauté économique qui serait une expansion de l’Alena signé en 1994 entre les Etats-Unis, le Mexique et le Canada. Pour le Mexique, l’Aléna a favorisé un véritable dumping du maïs américain au détriment de la viabilité des cultures vivrières paysannes. Cet accord a servi à éliminer tout obstacle juridique au démantèlement de la propriété commune des terres. S’il était appliqué à toute l’Amérique latine, l’interdiction des organismes génétiquement modifiés deviendrait pratiquement impossible. L’Aléna a accompagné les privatisations de compagnies d’Etat sous prétexte d’équilibre budgétaire, relayée par le chantage du capital financier qui avait exigé dès 1994 une baisse drastique des salaires mexicains. On comprend que Larry Palmer soit persona non grata au Venezuela. Là même où était lancée en 2005 l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique, avec l’objectif de réduire la dépendance à l’égard des Etats-Unis. Et encore Hugo Chavez ne s’en tient-il pas là, puisqu’il fait la promotion d’une Banque du Sud, riposte au Fonds monétaire international, d’une télévision et d’une compagnie pétrolière du Sud. En un mot, le grand chamboule-tout du libéralisme économique et du néocolonialisme étasunien qui se poursuit depuis des décennies (Golias Hebdo n° 166). Hugo Chavez est régulièrement accusé d’être un ennemi de la liberté, à traduire bien sûr par liberté des marchés. Récemment, le cardinal archevêque de Caracas, Jorge Urosa Savino, accusait le président vénézuélien de mener le pays vers la dictature.

Accompagné par Baltasar Porras Cardoso, archevêque de Merida et proche de l’Opus Dei, qui ne donne pas dans la dentelle et a comparé Hugo Chavez à Hitler et Mussolini. Comme Oscar Maradiaga (Honduras), Julio Terrazas (Bolivie) et quelques autres, ces prélats trouvent plus confortable de se placer du côté des oligarchies locales et de la CIA qui n’hésitent pas à participer aux œuvres de la paroisse. La réduction des inégalités, la quasi-disparition de l’analphabétisme et la mise en place d’un système de sécurité sociale n’intéressent pas vraiment ces hauts personnages. Hugo Chavez a en outre eu l’outrecuidance de demander, en juillet 2010, une révision du concordat avec le Vatican. Celui qui se revendique marxiste et chrétien considère que les accords actuels enfreignent la Constitution d’un Etat laïc. A ce jour, il n’a pas été excommunié.

Le Venezuela d’Hugo Chavez n’est pas le seul à être dans l’œil du cyclone. L’Equateur était l’objet d’une tentative de déstabilisation en 2010 appuyée par les radios et télévisions privées. L’année précédente, c’était le golpe réussi au Honduras, et en 2007 la tentative de scission de la partie la plus riche de la Bolivie.


La nationalisation de l’or noir, dans un pays où les réserves représentent près du tiers des réserves mondiales, est insupportable pour les USA qui menacent régulièrement de sanctions la compagnie d’Etat Petroleos de Venezula SA (voir carte). Ce diable de Chavez entend réformer le secteur financier, appuyé par une nouvelle loi votée à l’Assemblée nationale. Les banques doivent contribuer à des programmes sociaux, aux efforts de construction de logements... Mieux encore, 5 % des bénéfices avant impôt de toutes les banques (314 millions de bolivars en 2009, soit 73,1 millions de dollars) ont l’obligation de soutenir des projets élaborés par les conseils communaux, et 10 % de leur capital doit être préservé pour financer les retraites et les salaires en cas de faillite. Une mise au pas de la spéculation terriblement inquiétante, qui pourrait donner des idées au peuple américain et à bien d’autres.

Le Venezuela d’Hugo Chavez n’est pas le seul à être dans l’œil du cyclone. L’Equateur était l’objet d’une tentative de déstabilisation en 2010 appuyée par les radios et télévisions privées; l’année précédente, c’était le golpe réussi au Honduras, et en 2007 la tentative de scission de la partie la plus riche de la Bolivie... précédée en 2006 par la volonté d’Evo Morales de nationaliser les hydrocarbures. Début septembre 2011, Hugo Chavez évoquait la possibilité d’une intervention étrangère. Ses inquiétudes ne sont pas à prendre à la légère et s’appuient sur une politique qui continue à faire ses preuves. Au cours de l’année 2012, le gouvernement vénézuélien essuiera sans doute des turbulences... Washington en tout cas s’y emploie et déverse ses millions de dollars, au mépris des peuples, de leur aspiration à la paix et au bien-être.

Eva Lacoste

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