samedi 18 juin 2011

« Indignez-vous ! » : l'appel de Stéphane Hessel à lutter en réseau




Une amie, prof de lettres, se désespérait de notre impuissance devant les ravages de la Grande Crise sur notre paysage social et moral. Eh bien, cocotte, facile, voici un remède de cheval : jette-toi sur le dernier livre de Stéphane Hessel et fais-le étudier dare-dare à tous tes élèves !


Indignez-vous ! (Stéphane Hessel)
Un brûlot jubilatoire que ce petit bouquin : Indignez-vous ! (éditions Indigène, 29 pages, 3 euros). Mériterait de remplacer la fameuse lettre de Guy Mocquet dans les classes de nos boutonneux. Ou le petit livre rouge si cher à nos maoïstes de l’époque héroïque.
« Tout ce qui est souhaitable est possible »

Il y a va fort d’entrée, Stéphane Hessel :

« Tout ce qui est souhaitable est possible ! »

Pourquoi pas le slogan soixante-huitard « soyez réaliste, demandez l’impossible », pendant qu’il y est ! Sauf que Stéphane Hessel, lui, n’a pas attendu Mai 68 pour joindre ses actes à ses utopies. Dès 1941, il rejoignait le général de Gaulle à Londres et participait activement au travail de sape des Forces Françaises Libres.

En 1945, il fit partie du Conseil national de la Résistance (CNR) à qui on doit rien moins que :
.la Déclaration universelle des droits de l’homme ;
.la sécu ;
.le régime de retraite par répartition ;
.des règles strictes visant à « l’éviction des grandes féodalités économiques et financières » ;
.les lois sur l’indépendance de la presse « à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères »…

Excusez du peu ! Mais voyez où nous en sommes aujourd’hui !
« C’est tout le socle des conquêtes sociales de la Résistance qui est aujourd’hui remis en cause. »
« Le motif de la résistance, c’est l’indignation »
Ni une ni deux, notre nonagénaire reprend son bâton de pèlerin et rameute la jeunesse : « Indignez-vous ! »

Hého, Dorothée (mon amie prof de lettres s’appelle Dorothée), tu entends ? Mais attends, ce n’est pas fini, Stéphane Hessel a réponse à toutes nos questions : s’indigner comment ? où ? avec qui ?
« Il est évident que pour être efficace aujourd’hui, il faut agir en réseau, profiter de tous les moyens modernes de communication. »
Et de citer des organisations non gouvernementales comme Attac, laFédération internationale des Droits de l’homme (FIDH), Amnesty international… Auxquels auraient pu s’ajouter sans rougir les Réseaux éducation sans frontière (RESF), les Enfants de Don Quichotte, la Cimade
Oui, je sais, les élèves de Dorothée n’en ont rien à battre de toutes ces organisations de vieux. Ho, les moutards, le “vieux” Hessel parle « de tous les moyens modernes de communication ». Les SMS, Facebook, c’est pas des réseaux aussi, ça ? Pour info, les lycéens indignés par la réforme des retraites, c’est par Facebook qu’ils organisaient leurs manifs.
« Pour une insurrection pacifique »
Sur la forme de l’insurrection, Stéphane Hessel est catégorique et cite Sartre :« Je reconnais que la violence sous quelque forme qu’elle se manifeste est un échec. »

Enfin presque catégorique. Sartre, toujours, repris par Hessel : « Mais c’est un échec inévitable car nous vivons dans un univers de violence. »

Pourtant, Stéphane Hessel n’en démord pas. Excepté son exception du bout des lèvres sur le cas ultime de légitime défense (comme en 40 ? ), il est convaincu que « l’avenir appartient à la non-violence, à la conciliation des cultures différentes ».

Par contre, désobéir…

« Nous devons être respectueux de la démocratie, mais quand quelque chose nous apparaît non légitime, même si c’est légal, il nous appartient de protester, de nous indigner et de désobéir »(in Politis)
Deux attitudes devant un monde défait
J’ai eu un mal de chien à me le procurer, le petit bouquin de Stéphane Hessel. Rupture dans toutes mes librairies favorites. Il faut dire qu’il caracole en tête des ventes… avec Michel Houellebecq !

Mais si notre gris Goncourt se dessèche à vouloir refléter sa triste époque en l’enlaidissant de ses aigreurs cyniques, Stéphane Hessel, lui, choisit de la transformer en l’illuminant de sa subversive et obstinée rage de vivre.

Entre les deux attitudes, y a-t-il vraiment photo ?

« L’indifférence : la pire des attitudes » (Stéphane Hessel)



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