jeudi 30 juin 2011

Un asile, n'est-ce pas d'abord un toit?

                   
SDF Paris 0008

                          http://www.flickr.com/photos/belhassen/52041019

                                                                                                     à Monsieur le Président de la République

Palais de l’Elysée
55 Rue du Faubourg Saint Honoré
75008 Paris



La RGPP a encore frappé! La rationalisation du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile conduit à leur concentration géographique. Moins audible quand il était dispersé autour des sous-préfectures, le manque chronique de structures d'hébergement fait du ramdam quand il touche des centaines de personnes autour des préfectures de région.

Selon le ministère de l'intérieur, "l'augmentation de près de 50% de la demande d'asile entre 2008 et 2011, après une réduction de 40% au cours des trois années précédentes, associée à un allongement global du traitement de dossiers, a entraîné une saturation du dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile". Un calcul simple indique cependant une diminution de 10% entre 2005 et 2011.
L'engorgement a peut-être d'autres causes.


Il y a tout d'abord l'évolution du temps de traitement des demandes d'asile par l'OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides) et de sa cour d'appel, la Cour Nationale du Droit d'Asile (CNDA). Selon le rapport 2010 de l'OFPRA, "entre fin 2007 et fin 2010, le nombre de décisions rendues s’est accru de 30 %. Il faut souligner que cet effort a été obtenu à effectifs constants". L'OFPRA n'a donc pu que partiellement faire face à l'augmentation de la demande des trois dernières années. Rappelons que le nombre de demandeurs d'asile alterne pics et creux assez rapidement: 20000 en 1981, 61000 en 1989, 17000 en 1996, 52000 en 2003, 25000 en 2007, 37000 en 2010. L'OFPRA a obtenu en janvier 2011 des moyens humains supplémentaires pour examiner les demandes. Le délai moyen de traitement des demandes a été de cinq mois en 2010, avec des durées pouvant dépasser l'année dans certains cas.
Avec un taux de réponses positives de 13,5% (en 2010), la plupart des personnes refusées font appel auprès de la CNDA (80% en 2009, par exemple). La CNDA, à son tour, instruit la demande et statue, dans un délai moyen d'un an, avec, là aussi, des valeurs extrêmes. Comme le déplore un Rapport d'information du Sénat, "les délais de traitement des dossiers par la CNDA connaissent une très forte hausse depuis 2002. Ainsi, entre l'année 2002 et l'année 2008, la durée moyenne de traitement d'un dossier, entre son enregistrement et la décision définitive de la Cour, a plus que doublé, passant de 6 mois et 21 jours à 13 mois et 16 jours. En 2009, le délai moyen s'est élevé à 12 mois et 17 jours".
En résumé, l'Etat doit héberger un demandeur d'asile pendant 18 mois en moyenne, contre un an en 2002. L'augmentation du nombre de places en CADA (Centre d'Accueil pour Demandeurs d'Asile), de 15000 en 2004 à 21000 en 2011, ne lui permet pas de faire face.


Comme nous le racontions dans un précédent billet, cette situation est encore aggravée par la réforme engagée en 2009 et achevée en 2010, "qui oblige les demandeurs d’asile à déposer leur demande à la préfecture de région et non plus à la sous-préfecture la plus proche de leur lieu de « résidence » provisoire… Conséquence : un dispositif d’accueil déstabilisé et des demandeurs d’asile livrés à eux-mêmes." Le maillage du territoire par les sous-préfectures permettait une dilution des difficultés d'hébergement, qui se résolvaient sans doute localement et sans faire de bruit. En divisant par 12 le nombre de points d'accueil, on fait certainement des économies d'échelle (vive le jargon économique!), mais on concentre des groupes plus importants sans pouvoir les héberger.

Le pouvoir ne peut pas rester passif devant une dégradation due en partie à la "rationalisation" qu'il a imposée. Le ministère de l'intérieur a donc émis une circulaire visant à "l'amélioration du pilotage du dispositif d'hébergement d'urgence" et "l'application de règles d'utilisation [des] moyens budgétaires ainsi qu'un suivi précis et régulier de la dépense" pour "organiser la répartiion des demandeurs d'asile sur le territoire régional." Cette circulaire préconise une répartition des hébergements entre les départements de la région et une coordination avec les services d'hébergement d'urgence – pour l'utilisateur, le 115.


Ce qui manque, ce n'est pas l'organisation. Ce sont les lieux d'hébergement, déjà saturés du fait de l'appauvrissement galopant de la population autochtone. Alors, les associations d'aide aux sans papiers et aux sans toit continuent à ramer pour les aider à trouver un abri correct, et à tenter de faire connaître des situations aberrantes.

Voici quelques exemples récents.


19 avril 2011. A Strasbourg, des familles de demandeurs d'asile, à la rue, occupent un bâtiment désaffecté.

22 avril 2011. A Rouen les jeunes majeurs demandeurs d'asile ne sont plus logés. (…) Pour les familles, cela devient aussi de plus en plus difficile. (…) Beaucoup de recours DALO (Droit Opposable au Logement) ont été faits. Le 115 n'a plus de place. Le Conseil Général prend en principe en charge des nuits d'hôtel pour les mères d'enfants de moins de trois ans. Il faut à chaque fois se battre: récemment un bébé de trois mois a dormi dans la rue. Les listes d'attente pour les foyers sont très longues, c'est le lieu où l'accompagnement social est le plus efficace. Source: RESF.

22 avril 2011. Au Havre, plusieurs couples d'étrangers avec un enfant dorment dans la rue. Il s'agit de couples en situation régulière qui ont fait une demande de séjour mais qui n'ont pas droit à une place dans un foyer pour diverses raisons. (…) Les personnes qui sont dans cette situation téléphonent au 115 et ont parfois droit à une nuit d'hôtel qu'elles doivent quitter le lendemain à 11h. Mais au Havre il n'y a que 15 places en hôtel pour 50 ou 60 demandes par jour. Nous connaissons plusieurs jeunes couples avec un enfant de moins de 6 ans qui sont dans ce cas depuis plusieurs mois. Source: RESF.

22 avril 2011. A Clermont-Ferrand, Sultana, 15 ans, elle vit en France depuis 2003, avec ses deux parents et ses quatre frères et soeurs, Roms du Kosovo. Lundi, la jeune fille, dont la vitalité et l'allant transpirent de son parfait français d'adolescente, a dû quitter la chambre d'hôtel, qu'elle occupait avec sa famille, à Clermont-Ferrand. Comme près de 130 personnes, dont une majorité de demandeurs d'asile, qui se retrouvent à la rue, frappés par la fin du dispositif hivernal. Lire la suite...

21 mai 2011. A Paris, des 86 exilés pour qui le tribunal a enjoint au préfet de fournir un hébergement entre octobre et décembre, seuls 45 ont finalement été logés. Les autres, plus de six mois après l’injonction du tribunal, continuent à dormir dehors et ils étaient souvent plus de 50 à ne pas être pris par les bus atlas et donc à ne pas bénéficier de l’hébergement d’urgence à « La Boulangerie ». La plupart iront dormir sur les balcons de la résidence Follereau, d’autres avenue de Verdun ou dans d’autres petits parcs. Et le nombre de tentes sous le métro aérien à Jaurès augmente (plus de 20). Ceux qui y dorment, une cinquantaine, ne se rendent même plus sur le canal pour tenter d’être acceptés dans un bus atlas, ce qui fait qu’ils sont plus de 100 à dormir dehors. Voir ici d'autres observations de maraudes du Collectif de soutien des exilés du 10ème arrondissement de Paris.

2 mai 2011. Expulsion des migrants du bâtiment réquisitionné au 280 route de Fougères, ordonnée par la préfecture d’Ille-et-Vilaine. L’évacuation le 2 mai à 6h du matin par les forces de l’ordre a remis à la rue une centaine de personnes déjà éprouvées par leur parcours migratoire, des situations personnelles souvent difficiles et l’arrivée en France dans des conditions rendues inacceptables par la politique du gouvernement en matière d’immigration. En effet, la régionalisation des demandes d’asile et la réduction des moyens consacrés au dispositif d’accueil et d’hébergement des étrangers laissent la plupart des migrants à la rue et dans l’incapacité de déposer dans des délais décents leur demande d’asile. Lire la suite...

9 juin 2011. Dans l'agglomération de Bordeaux, les quatre hôtels F1 qui acceptaient un quota de chambres pour l'hébergement des demandeurs d'asile par le 115 ont conjointement décidé de ne plus en accepter. Cela devait concerner une quinzaine de familles ou d'isolés. Ceci augmente le nombre de familles à la rue: demandeurs d'asile conventionnel, d'asile prioritaire ou Dublin II. Cela signifie que les enfants des familles scolarisés ne pourront plus l’être ou le sont dans des conditions d'épuisement pour les enfants (entre 1h et 2h de trajet matin et soir). Déjà dans l'hiver un hôtel avait été fermé en ville pour vétusté. Source: RESF.

28 mai 2011.
A Strasbourg, le 27 mai 2011, 24 Familles sans-papiers sont à la rue avec leurs enfants. La Cimade, Casas, Mdm, la Fcpe et la Dal 67 rejoignent Resf pour tenter de trouver un hébergement aux familles expulsées de l’hébergement d’urgence que les services de l’Etat doivent leur pourvoir. C’est la loi. C’est le Droit dicté par les conventions internationales ratifiées par la France.
Faute de propositions autres que d’envoyer policiers et gendarmes repousser les familles et les manifestants venus les soutenir, le Dal 67 prend l’initiative d’ouvrir un bâtiment vide depuis plus de 2 ans. La Bnp, propriétaire impécunieux n’arrive pas à s’en débarrasser, le prix doit être hors d’atteinte même pour les spéculateurs connus de la place.
Ce n’est pas simple d’ouvrir un bâtiment, c’est risqué, et on ne sait pas trop ce que l’on va découvrir. Et là, Dal a bien vu : bâtiment propre, spacieux, éclairé avec l’eau courante, la situation rêvée pour loger les 24 familles sachant que la Bnp ne doit pas pouvoir expulser les occupants sans jugement.
C’est donc un geste politique que le Dal engage là, démontrant à l’Etat qu’en cas de nécessité absolue, l’occupation d’un bâtiment vide relève de la réquisition inscrite dans la loi.
L’engagement humanitaire ne peut pas se substituer ou remplacer l’engagement politique. Une occupation, faute d’une réquisition décidée politiquement par l’Etat ou à défaut par une municipalité de gauche est-elle si dangereuse à soutenir clairement ?…Contre les engagements xénophobes et discriminants envers les plus faibles, promus par le pouvoir en place.
Tant mieux évidemment d’avoir pu rouvrir un foyer d’urgence pour y réinstaller des familles, des enfants au calme. Du moins nous l’espérons. Mais pourquoi l’avoir fermé ou tellement tardé à le rouvrir ?
Merci au Dal pour cet engagement.
La seule réponse au logement des plus démunis relève du politique qui doit entraîner dans son action la nation entière. C’est ce qu’ont voulu les acteurs de 1789 et de la Commune de 1870 et plus tard ceux de Programme National de la Résistance le 24 mars 1944.
Francine et Micha Andreieff


Martine et Jean-Claude Vernier

10 Juin 2011 Par Fini de rire

http://blogs.mediapart.fr/blog/fini-de-rire/100611/un-asile-nest-ce-pas-dabord-un-toit

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