lundi 13 juin 2011

Non à la flikiatrie

Les nouvelles lois sécuritaires et de remise en cause de la loi de 1990 stigmatisent les malades en les désignant comme des criminels. Cela rappelle les propos de Sarkozy alors ministre de l’Intérieur quand il affirmait que « tous les malades mentaux sont des délinquants potentiels » – ce qui est absurde. Dans la réalité, les patients traités sont, statistiquement, moins dangereux que la population dite normale. Un déprimé suite au décès d’un proche peut avoir besoin d’un soin psychologique pour faire son deuil. Ce n’est pas un délinquant à dénoncer à la police pour le ficher.
On caricature le patient en psychiatrie qu’il faudrait enfermer, alors que l’hospitalisation sous contrainte ne concerne qu’un faible pourcentage de patients qui avaient la possibilité d’un recours auprès du procureur s’ils estimaient qu’ils ne relevaient pas de mesure de contrainte. La sortie d’essai de soin sous contrainte permet au patient de retrouver son domicile et d’être suivi lors d’un traitement ambulatoire. C’est le rôle symbolique de la loi qui se fait dans la relation et évite des ruptures de prise en charge avec rechutes et hospitalisations. Mais la plupart des patients sont en hospitalisation libre ou suivis librement en ambulatoire. Pour cela, il y a des consultations médicales, psychologiques, sociales, infirmières en centres médico-psychologiques, des visites à domicile pour aider certains patients quant à leur autonomie, aux gestes de la vie quotidienne, des foyers de post-cure, des centres d’accueil thérapeutique à temps partiel où les patient peuvent avoir des activités créatrices et des relations sociales, des centres d’accueil et de crise pour les patients présentant un épisode aigu. Mais toutes ces structures intermédiaires sont menacées par la destruction du service public qui les supprimera par manque de moyens et d’effectifs, réduction budgétaire oblige.
Ne resteront que des consultations pour une « chimiatrie » et un hôpital transformé en prison. Le soignant fera du gardiennage, alors que ce n’est pas son rôle. C’est la disparition du soin. Le recours à un juge des libertés et de l’application des peines pour décider de l’hospitalisation sous contrainte met sur le même plan hôpital et prison, maladie et conduite délictuelle, où la notion d’ordre public remplace l’abord clinique de la pathologie. C’est une menace sur la diversité thérapeutique qui ne se limite pas au médicament, même si celui-ci peut soulager le patient en souffrance psychique. On oublie trop souvent que le patient souffre de sa pathologie. On oublie aussi que certains patients, en phase aiguë, peuvent être dangereux pour autrui, mais aussi pour eux-mêmes. Le soin vise à protéger le patient des conséquences de sa pathologie.
L’hôpital-prison sera vite plein, avec parfois un amalgame entre maladie et délinquance, ce qui n’est pas la même question ni la même solution. La délinquance et la violence sont des questions sociales. Le résultat est un hôpital plein avec un turn-over incessant des patients, un manque de place pour hospitaliser librement des patients en phase aiguë, une absence d’alternative à l’hospitalisation. Les patients les plus pauvres n’auront droit qu’à un service public réduit au soin minimum. Or la plupart des patients souffrent des conséquences sociales de leur maladie et disposent de peu de ressources. Les riches, eux, iront dans le privé qui voit son marché, et son profit, augmenter. C’est la « friciatrie » privée.
C’est un des signes de la dérive paranoïaque et fasciste de l’État en période de crise du capital, alors que la crise est due à l’existence même du capitalisme. Mais là-dessus, pas un mot…
Jean Monjot


http://www.monde-libertaire.fr/n1637-26-mai-1er-juin-2011

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