En dix ans, le parc social s’est enrichi de près de 450 000 logements en France. Mais les nouveaux logements proposés sont moins accessibles pour les ménages à faibles ressources car les plafonds de revenus pour y accéder et les loyers pratiqués sont plus élevés. Par Noam Leandri, président de l’Observatoire des inégalités.
Au 1er janvier 2012, la France comptait 4,5 millions de logements sociaux, soit 15 % des résidences principales. Depuis 2002, le parc social s’est enrichi de 446 000 logements. Le financement de nouveaux logements sociaux a atteint un niveau record de 130 000 habitations en 2010, du jamais vu depuis 30 ans. L’évolution est restée soutenue en 2011 avec plus de 116 000 nouveaux logements financés. Mais ces nouveaux logements sont souvent destinés à des ménages plus aisés.
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Le programme national de rénovation urbaine (PNRU) |
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La loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine d’août 2003 prévoit un programme de reconstruction urbaine qui s’étale jusqu’en 2013, soit la construction de 200 000 logements locatifs sociaux, 200 000 réhabilitations ou reconstructions lourdes et plus de 150 000 démolitions de logements vétustes. L’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), créée à cette occasion, subventionne en priorité les opérations dans les quartiers classés en zone urbaine sensible (Zus). En contrepartie, le programme finance la construction d’immeubles plus petits et favorisant la mixité sociale. |
Davantage de logements sociaux, mais plus chers
Les logements sociaux sont principalement financés par des prêts aidés par l’État aux bailleurs sociaux, grâce à l’épargne collectée par les livrets A [1]. De moins de 80 000 logements financés en 2005, ces aides ont été accordées à plus de 130 000 en 2010.
Toutefois, selon le type de prêt accordé, les conditions de location imposées par l’Etat sont plus ou moins favorables aux ménages modestes. D’un bout à l’autre de l’échelle des prix, le prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) finance des logements très sociaux, tandis que le prêt locatif intermédiaire (PLI) vise avant tout à construire dans des zones où le marché immobilier est tendu, mais les loyers sont plus élevés. Le PLAI reste très minoritaire même s’il a fortement progressé, passant de 7 500 logements financés en 2005 à près de 26 000 en 2010. Le nombre de logements financés en PLI est mal mesuré car les prêts sont octroyés directement par les banques sans accord préalable de l’État. Entre ces deux extrêmes, avec des loyers intermédiaires, on trouve le prêt locatif à usage social (PLUS) et le prêt locatif social (PLS) qui représentent la très large majorité des logements sociaux financés ces dernières années.
Les plafonds de ressources pour bénéficier de ces logements sont tels que 86 % des ménages sont éligibles au PLI et 78 % au PLS malgré la baisse des plafonds décidée en 2009. Par exemple, un couple avec deux enfants doit gagner moins de 4 000 euros par mois (quatre fois le Smic) en province pour accéder aux logements sociaux de type PLS, alors que ce plafond s’élève à 1 700 euros pour les logements PLAI.
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Les bailleurs sociaux sont principalement des offices HLM publics, mais aussi des entreprises privées. La logique de profitabilité et l’augmentation du coût de la construction ont conduit les propriétaires de logements sociaux à pratiquer des loyers élevés, parfois prohibitifs. En vingt ans, l’augmentation du loyer des logements sociaux dépasse celle des autres logements. Entre 1989 et 2011, l’indice des loyers du parc social a progressé de 84 % selon le ministère du logement, soit six points de plus que l’augmentation moyenne des loyers des logements privés. Cette détérioration de l’accessibilité est d’ailleurs dénoncée par le comité de suivi du droit au logement (voir son rapport 2011) qui préconise de distinguer dans les statistiques du logement social ceux qui sont réellement abordables des autres.
Peut-on loger les plus modestes et maintenir la mixité sociale au sein du parc de logement social ?
Malgré la hausse des loyers dans le parc social, ces logements demeurent néanmoins moins onéreux que ceux du secteur privé. D’ailleurs, la part des ménages modestes logés dans le parc social augmente depuis 30 ans, tandis que la part des ménages les plus favorisés est devenue minoritaire. En 2006, les trois quarts des locataires du parc social appartenaient aux 50 % les plus démunis, contre 41 % en 1973. La part du quart le plus riche a diminué de 24 à 7 %.
Faute de logements ou du fait de logements inadaptés, la situation devient inextricable dans certains territoires. D’un côté, les bailleurs sociaux ne disposent pas assez de places pour loger les plus démunis, notamment en Ile-de-France. Des dizaines de milliers de personnes vivent dans des situations très difficiles, notamment les jeunes. De l’autre, pour éviter de cristalliser les difficultés sociales, il leur faut éviter de concentrer les populations les plus pauvres et garantir un minimum de mixité sociale de leur parc...
Une partie du déficit de logements sociaux est liée à l’absence de politique dans ce domaine de certaines communes. La loi « Solidarité pour le renouvellement urbain » (SRU), adoptée en 2000, fixait un objectif de 20 % de logements sociaux dans toutes les grandes villes, qui sera prochainement porté à 25 %. Bien qu’en moyenne le taux est déjà dépassé, un tiers des villes résistent toujours à cette obligation (voir notre article). Il s’agit le plus souvent de villes cossues dans la petite couronne de grandes agglomérations, comme Saint-Maur (94) ou Neuilly-sur-Seine (92) en région parisienne.
Au-delà, la question de la mixité se pose aussi à l’échelle des villes elles-mêmes. Souvent, les logements sociaux se concentrent dans certains quartiers. C’est pourquoi le Conseil d’État avait recommandé en 2009 (lire le rapport) d’appliquer le quota de 20 % de logements sociaux dans toutes les nouvelles constructions et non plus au niveau global dans une ville. Car une ville peut très bien respecter l’objectif avec un seul quartier de logements sociaux relégué à sa périphérie.
Voir aussi : "Le logement social en Europe : la fin d’une époque ?", extrait de Metropolitiques (avril 2012).
[1] Depuis 2009, toutes les banques peuvent proposer des livrets A. 65 % des montants déposés sur ces livrets sont centralisés dans un fonds géré par la Caisse des dépôts qui sert ensuite à financer la construction et la réhabilitation de logements sociaux.
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