mercredi 15 juin 2011

Du légitime au légal


Gilles SAINATI
Texte d'une conférence prononcée au Conseil Général de l'Hérault le 14 juin 2011
rappel de oswald baudot 1974

"Ne soyez pas de ces juges soliveaux qui attendent que viennent à eux les petits procès. Ne soyez pas des arbitres indifférents au-dessus de la mêlée. Que votre porte soit ouverte à tous. Il y a des tâches plus utiles que de chasser ce papillon, la vérité, ou que de cultiver cette orchidée, la science juridique.
Ne soyez pas victime de vos préjugés de classe, religieux, politiques ou moraux. Ne croyez pas que la société soit intangible, l’inégalité et l’injustice inévitable, la raison et la volonté humaine incapables d’y rien changer."

Il est un lieu commun de dire que le droit est le résultat d'un rapport de forces, soit sur une durée historique ( cf droits sociaux) soit sur un instant politique ( bouclier fiscal, choix de poursuites pénales).

Ce rapport de force donnerait cette légitimité au légal. Cette vision si elle est en partie exacte n'est qu'une photographie superficielle du rapport entre les citoyens et le droit et les droits, je dirais même que c'est une vision digne du temps de cerveau disponible que veulent acquérir les actionnaires de TF1, ou une reconstruction trop simpliste, à mon goût de la pensée marxiste.
La question pourrait s'illustrer en une phrase:
Qu'est ce qui fait qu'un jeune va donner sa vie sous les balles d'un dictateur....Si une partie de la réponse est dans le contexte économique, une autre n'y est pas réductible : c'est l'aspiration à la liberté....

Une valeur dont on voit tout de suite qu'elle est universelle mais aussi première...
D'autres éléments enserrent la légitimité du droit dans des notions essentielles : l'égalité, la solidarité, mais aussi le droit a ne pas être empoisonné en s'alimentant, celui d'être logé,d'accéder à une éducation sans discriminations...

Bref, il est inutile de faire un catalogue, ces droits naturels sont pour nous inscrit dans ce que l'on nomme des déclarations de droits celle de 1789, la DUDH, le CIDE etc...

En haut de  notre pyramide des normes, ce principes fondamentaux doivent pouvoir être retrouvés dans la moindre circulaire, note administrative qui se trouve en bas de cette assemblage de textes...
Un loi qui donnerait le dos aux principes édictés et à ses droits naturels serait inconstitutionnelle mais plus avant un pratique administrative serait illégitime....

Il y a donc un cadre irréductible dans lequel l'action des Etats, des citoyens doit se dérouler et qui explique aussi le printemps des révolutions arabes aujourd'hui réprimé dans le sang tout comme les indignados revendiquent leur droit à une légitime révolte non violente.
C'est sur cette voie que je vais vous emmener aujourd'hui, voie utilisé depuis fort longtemps par des praticiens juristes et ressuscité aujourd'hui pour résister à un ordre libéral et capitaliste ressenti par un nombre croissant de citoyens comme injuste et réducteur.

Dans la pratique quotidienne, diverses portes s'ouvrent au juriste pour renouer avec ces principes fondamentaux et droits naturels inscrit dans notre héritage révolutionnaire de 1789 ou 1793. Cette analyse n'est pas une description figée tant les notions se recoupent pour donner toujours  naissance  à une situation complexe. Je fais mien la pensée d'Edgar Morin à ce propos et suit ses propos quand il dit : "La pensée, on l'oublie trop souvent, est un art, c'est-à-dire un jeu de précision et d'imprécision, de flou et de rigueur. 
(Le paradigme perdu, p.134, Points n°109).
La visite rapide de quelques notions nous permettra d'entrouvrir des champ de légitimité qui font de plus en plus défaut à notre univers légal.



1)  ETAT DE NECESSITE


A) Régime juridique


En France, l'état de nécessité, prévu par l'article 122-7 du code pénal est « la situation dans laquelle se trouve une personne qui, pour sauvegarder un intérêt supérieur, n'a d'autre ressource que d'accomplir un acte défendu par la loi pénale ».
Cette cause exonératoire de responsabilité est un fait justificatif.
L'état de nécessité autorise une action illégale au motif que celle-ci est destiné à protéger d'un dommage encore plus grand.
Conditions de l'état de nécessité:
Deux conditions sont nécessaires pour que l'état de nécessité soit admis : l'existence d'un danger et l'existence d'un acte justifié.
Existence d'un danger
La jurisprudence soumet le danger qui menace la personne, autrui ou un bien à deux conditions :
Actualité ou imminence du danger
Le danger doit être actuel ou imminent, mais il n'est pas nécessaire qu'il soit grave mais  une simple probabilité de danger ne suffit pas.
Absence de faute antérieure
Le danger ne doit pas résulter d'une faute antérieure de la personne qui commet une infraction pour éviter un danger. Ainsi, le conducteur qui s'engage sur un passage à niveau malgré l'avertissement du garde-barrière (son engagement constitue la faute antérieure), et qui défonce ensuite la barrière pour éviter le train, est coupable du délit de dégradation de la barrière (CA Rennes, 12 avril 1954).

Existence d'un acte justifié 
L'acte de sauvegarde doit non seulement être nécessaire, mais il doit aussi être proportionné au danger.
Nécessité de l'acte
Il ne doit pas y avoir de meilleure solution, pour éviter le danger, que de commettre l'infraction. Exemple : un automobiliste franchit la ligne continue pour éviter une voiture qui arrive en face.( problème actuel des radars automatiques et des points)
Proportionnalité de l'acte
Ce qui est sacrifié doit être inférieur ou égal à ce qui est sauvegardé, sinon l'acte n'est pas justifié.
Conséquences de l'état de nécessité 
Responsabilité 
Responsabilité pénale
La personne qui est dans un état de nécessité n'est pas pénalement responsable (art. 122-7 du code pénal).
Responsabilité civile
Celui qui a commis un acte nécessaire doit indemniser sa victime (qui est un tiers innocent) car seule la responsabilité pénale est supprimée. C'est un régime de responsabilité sans faute ; en effet, les articles 1382 et 1383 du code civil ne peuvent servir de base car ce qui est justifié au pénal ne peut pas ne pas être licite au civil.
B)En France, un pratique judiciaire;


Paul Magnaud (20 mai 1848 - 27 juillet 1926) fut président du tribunal civil de Château-Thierry entre 5 juillet 1887 et le 19 juillet 1906, date à laquelle il est élu député radical socialiste de l'Aisne.
Il y fut remarqué pour sa clémence dans de nombreuses affaires et pour ses prises de position féministes. C'est d'ailleurs devant le tribunal civil de Château-Thierry que plaide Jeanne Chauvin, la première femme avocate de France.
Elu député, il tentera en vain de faire voter un texte préconisant la clémence envers les délinquants occasionnels par nécessité.
Affaire Louise Ménard 
Le 4 mars 1898, le juge Magnaud acquitte cette jeune fille-mère qui avait dérobé du pain chez un boulanger de Charly-sur-Marne parce qu'elle n'avait rien mangé depuis deux jours. Le juge fonde sa décision, confirmée par la cour d'appel d'Amiens le 22 avril 1898, sur l'état d'absolue nécessité de la prévenue, en interprétation des dispositions de l'article 64 du code pénal. Il rembourse lui-même le coût du vol audit boulanger.
Cette affaire fera la une de la presse parisienne à l'époque et lui vaudra le surnom de « bon juge », attribué par Georges Clemenceau.
Comparaît donc devant le Tribunal la Dame Louise MENARD.  Elle explique qu'elle et son enfant de deux ans n'avaient plus mangé depuis trente-six heures.  Les faits sont établis.  Le Tribunal se retire pour délibérer puis acquitte la prévenue en relevant dans un attendu "qu'il est regrettable que, dans une société bien organisée, un des membres de cette société, surtout une mère de famille, puisse manquer de pain autrement que par sa faute" ;
La nouvelle de ce jugement étonnant, puisqu'il tenait en second plan la défense du droit de propriété en excusant un  vol manifeste, parvient aux journaux nationaux quelques jours plus tard et le 14 mars 1898, CLEMENCEAU en fait le fond de son article dans l'Aurore, qu'il titre "un bon juge" et où il met ce fait divers dans le débat politique, en écrivant: "Le tribunal de CHATEAU-THIERRY vient de rendre un jugement qui mériterait de fixer la jurisprudence.  En lisant cette navrante histoire, toutes les âmes sensibles ne manqueront pas de s'apitoyer.  Hélas, c'est bien de pleurer.  Il serait mieux d'agir.  Le tribunal a fait ce qu'il a pu.  Il a rendu un verdict d'acquittement qui fait honneur à son humanité.  Il a même posé un beau jalon d'avenir en proclamant l'atténuation de la responsabilité sous l'empire de la misère physique et morale.  C'est très bien.  Mais que fera-t-on pour cette femme sans appui ?  Pour cette vieille et pour cet enfant dans la rue?  Puis, avec ceux-là, il y en a d'autres, n'est-ce pas?  Après tout le boulanger au profit de qui le juge refuse par bonté d'âme d'appliquer les lois protectrices de la propriété n'est point chargé de subvenir aux manquants d'une société mal organisée. Au lieu de lui dire, juridiquement : Laisse toi voler, car nous sommes pitoyables, il serait d'une charité mieux entendue d'employer quelques parties du superflu de ceux qui en ont trop au soulagement de ceux qui n'en ont pas assez.  Mais, je n'insiste pas.  Rotschild qui me guigne serait capable de me dire que je suis vendu aux pauvres" (comme dans l'affaire DREYFUS, Clémenceau et les autres dreyfusards étaient accusés d'être vendus aux juifs, donc aux Rotschild).
L'affaire MENARD était une affaire politique et les opinions des journaux le reflétaient.  Ainsi, notamment, l'INTRANSIGEANT (mars 1898) parle du "plus formel des réquisitoires contre la société, une pierre dans la mare des ventrus" ; LE JOURNAL DES DEBATS, LA REPUBLIQUE FRANCAISE et L'ECHO DE PARIS s'élèvent contre ce juge "qui avait osé acquitter une voleuse",
 L'UNIVERS précise qu'en somme, "le tribunal n'a fait qu'obéir aux lois de l'Eglise qui prévoient, paraît-il, que l'on ne commet pas de délit quand on vole seulement pour subvenir à ses besoins".  De son côté, le FIGARO titrait par contre "La propriété a des droits", et de réclamer pour le principe une peine avec sursis.
Cependant que le débat et la polémique s'amplifient, dans les journaux et jusqu'à une interpellation parlementaire, l'affaire revient devant la Cour d'appel d'Amiens, puisque le Parquet a fait appel pour obtenir une condamnation de principe et voir supprimer les attendus du président MAGNAUD, mettant en cause l'organisation sociale.
Malgré un réquisitoire strict en droit et en logique, l'acquittement sera confirmé, certes pour des raisons différentes, considérant "que les circonstances exceptionnelles de la cause ne permettent pas d'affirmer que l'intention frauduleuse ait existé".  La Cour confondait ainsi l'intention frauduleuse (c'est à dire la conscience de s'approprier le bien d'autrui) avec le mobile (en l'espèce, la faim). 
Cet acquittement, fondée sur une notion alors floue, mais qui deviendra dans notre droit "l'état de nécessité", actuellement reconnu, est le seul du genre durant le XIXe siècle, mis à part un cas similaire en Angleterre, où en 1890, le juge HAWKINS acquitta un voleur de pain miséreux.

Une action novatrice dans de nombreux domaines
Le vagabondage et la mendicité
Neuf mois après l'affaire de la voleuse de pain, le Président MAGNAUD va récidiver, en acquittant un  vagabond âgé de 17 ans qui avait abandonné son emploi et qui était poursuivi pour avoir mendié du pain.  Ce jeune CHIABRANDO avait tout aussi volontairement quitté l'hospice où il avait été ensuite hébergé ; enfin il avait voyagé pour chercher du travail, notamment en Belgique, par chemin de fer mais sans payer de billet. De plus, déjà condamné antérieurement pour des faits semblables.
Dans un long jugement daté du 20 janvier 1899, le Président MAGNAUD justifie son acquittement ainsi "la société, dont le premier devoir est de venir en aide à ceux de ses membres réellement malheureux, est particulièrement mal venue à requérir contre l'un d'eux, l'application d'une loi édictée par elle-même et qui, si elle s'y fût conformée en ce qui la concerne, pouvait empêcher de se produire le fait qu'elle reproche aujourd'hui au prévenu".
Deux mois plus tard, le Président MAGNAUD va acquitter un homme déjà condamné à quarante-deux reprises pour mendicité et vagabondage sur la base d'un rapport d'expert médecin ;  il va ainsi juger "qu'en dehors de sa faiblesse intellectuelle, le prévenu n'est pas suffisamment valide pour subvenir aux besoins de son existence ; que si l'un des éléments constitutifs du délit de mendicité professionnelle, la validité, faisant défaut, ce délit n'est pas suffisamment établi". Il va acquitter de même pour le délit de vagabondage, au motif que "puisqu'il n'a personne pour s'intéresser à lui et venir à son aide, et qu'il n'est pas susceptible de se livrer utilement à des travaux pénibles, les seuls qu'il pourrait peut-être se procurer sur sa route, il est forcément sans moyens de subsistance et, par conséquent, sans domicile certain", ajoutant "qu'il est bien évident que ce qui ne peut être évité ne saurait être puni".
Dès lors, à CHATEAU-THIERRY, on poursuit moins les faits de mendicité et la statistique des condamnations chute.  Le journal satirique "L'ASSIETTE AU BEURRE", publiera le 12 septembre 1903, un dessin représentant deux chemineaux, l'un disant à l'autre "moi, je passe l'été aux champs, aux environs de CHATEAU-THIERRY, et l'hiver à PARIS,... depuis qu'il y a un bon juge".

Les accidents du travail
Le Président MAGNAUD va de manière systématique, donner raison à la victime contre les compagnies d'assurances.  Les motifs utilisés sont multiples, mais reviennent en fait à dire que l'ouvrier n'est pas en mesure de veiller davantage à sa sécurité, en raison même de sa situation d'économiquement faible.
Ainsi, juge-t-il le 17 janvier 1900 "que la charge de ce risque pour le patron est d'autant plus rationnelle et équitable que celui-ci a le droit, le devoir ou le pouvoir de surveiller son ouvrier ainsi que de s'opposer à ses imprudences, tandis que l'ouvrier ne peut en raison de sa situation instable et dépendante, que s'opposer timidement et dans la crainte d'être expulsé, aux procédés expéditifs du patron, destinés le plus souvent à lui faire réaliser un plus fort bénéfice".
Tous ces jugements, à l’exception de l’affaire MENARD sont revus par la Cour d'appel d'Amiens qui les réforme.  L'avenir donnera cependant raison au Président MAGNAUD, puisque les principes qu'il mettait en avant sont le fondement de nos législations actuelles.
De la même façon, il amorce une jurisprudence plus favorable aux ouvriers lors de licenciement pour faits de grève ou simplement d'affiliation syndicale. Ainsi quant au droit de grève, il le qualifie le 7 décembre 1899 d'un "incontestable droit qu'ont tous les travailleurs, auxquels la rétribution de leur travail paraît, à tort ou à raison, insuffisante, d'arriver, par des moyens licites, à obtenir une rémunération plus élevée".

Les victimes de la route
Vis-à-vis des victimes de la route également, le Président MAGNAUD apparaît comme un précurseur.  Alors que les premières voitures automobiles circulent en France depuis 1895, en 1902, il va juger que lorsqu'un automobiliste a été à l'origine d'un accident, c'est la responsabilité de celui-ci "qui conduit une masse mobile qui est présumée".  Encore une fois, bien avant nos législations sur les usagers faibles, le Président MAGNAUD en jugeait ainsi.

La condition féminine
Dans une affaire MICHAUD, du nom d'une ouvrière, qui blessa légèrement d’une pierre le fils de son patron rencontré en galante compagnie alors qu’il l’avait séduite avant de l’abandonner après avoir eu un fils, le président MAGNAUD condamna l'agresseur à une peine d'amende d'un franc avec sursis. Il estimait que "'à l'audience, l'attitude d'Eulalie MICHAUD a été excellente et qu'elle a exprimé tous ses regrets de n'avoir pu résister à un mouvement d'emportement déterminé par le spectacle, si pénible pour son coeur de femme et de mère, auquel elle venait d'assister ;  qu'il n'en a pas été de même du plaignant "don Juan de village", qui, au lieu de racheter son odieuse conduite en se montrant très indulgent pour celle à qui il avait promis de donner son nom, a poussé l'infamie jusqu'à tenter de la faire passer pour une fille de mauvaises moeurs, alors que le maire de la commune atteste, au contraire, qu'elle mène une vie des plus régulières". En outre, le président MAGNAUD va intéresser l'avoué CHALOIN au sort de la jeune mère, laquelle va alors intenter une procédure en rupture de promesses de mariage et en dommages et intérêts. Par un jugement du 23 novembre 1898, le président MAGNAUD va accorder des dommages et intérêts et une rente réversible sur la tête de l'enfant jusqu'à sa majorité.
Pour éviter des acquittements par un jury dans les affaires d’infanticide commis par des mères célibataires, le parquet avait pris l'habitude de qualifier ces faits d'homicide par imprudence, de sorte que ces faits étaient habituellement jugés par le tribunal correctionnel. Le 24 août 1900, le président MAGNAUD doit juger une jeune fille qui a accouché seule et a laissé mourir  cet enfant d'une abondante hémorragie, faute de ligature du cordon ombilical.
Il va retenir des circonstances atténuantes et la condamner à une peine avec sursis considérant "que si la société actuelle n'avait pas inculqué et n'inculquait pas aux générations qui la composent, le mépris de la fille-mère, celle-ci n'aurait pas à rougir de sa situation et ne songerait à le cacher ;  que c'est donc à la société contemptrice des filles-mères et si pleine d'indulgence pour leurs séducteurs qu'incombe la plus large part des responsabilités dans les conséquences, si souvent fatales pour l'enfant, des grossesses et accouchements clandestins" et de regretter plus loin que la mère "n'ait pas eu assez d'indépendance de caractère et de coeur pour s'élever au-dessus d'aussi déplorables préjugés, causes de tant de crimes et de délits contre l'enfance, et de comprendre que la fille-mère qui pratique toutes les vertus maternelles mérite d'être d'autant plus respectée qu'elle est presque toujours seule à supporter toutes les charges de sa maternité".
Dans le même registre,  le président MAGNAUD va aussi se dresser contre la répression pénale de l'adultère. Le 6 février 1903, il va estimer que "le devoir d'un juge est de laisser tomber en désuétude jusqu'à son abrogation une loi si partiale et d'un autre âge".  Faisant ceci, il était en avance de trois quarts de siècle.
Alors que le divorce par consentement mutuel était interdit et ne fut reconnu qu'en 1975, le président MAGNAUD, dans les faits, prononce un divorce par consentement mutuel dès le 12 décembre 1900.   Estimant contraire à l'intérêt des parties de tenir des enquêtes pour prouver les torts de l'un et de l'autre et relevant que les deux époux veulent divorcer, il refuse la tenue d'enquêtes pour départager les torts relevant "que les parties sont d'accord pour que le lien matrimonial qui les unit soit rompu" et "que si le divorce par consentement mutuel n'est pas encore inscrit dans la loi, le tribunal, pour bien apprécier la situation respective des époux, ne doit pas moins tenir le plus grand compte de l'expression de cette volonté, deux êtres ne pouvant être malgré eux enchaînés à perpétuité l'un à l'autre", et, dès lors de prononcer le divorce aux torts réciproques, sans devoir procéder à un déballage public de ceux-ci.

La protection des mineurs
La loi prévoyait alors que tout jeune ayant commis un larcin pouvait être traduit devant le tribunal et condamné s'il avait au moins 16 ans.  Les autres, le juge n'avait pour choix que les remettre à leurs parents ou, si ceux-ci ne pouvaient en assumer l'éducation, les placer en maison de correction.
Le 10 juin 1898, il juge un jeune coupable d'avoir volé une montre.  Il l'acquitte, vu son jeune âge mais refuse de le rendre à sa mère, qui ne possède pas l'autorité suffisante pour l'éduquer correctement.  Il refuse cependant de placer l'enfant dans une maison de correction en raison de ce que "malgré tous les soins et la surveillance apportés par l'administration pénitentiaire, les maisons de correction en raison du contact des enfants vicieux qui y sont placés ne sont presque toujours que des écoles de démoralisation et de préparation tout à la fois à des crimes et à des délits ultérieurs".
Il préfère dès lors confier l'enfant à une oeuvre de bienfaisance. Il va multiplier ce type de placement à but véritablement éducatif, gérant ainsi plusieurs cas d'enfants récidivistes, un peu à la manière d'un juge des enfants et non plus seulement comme un juge de tribunal correctionnel.
Voici quelques  aspects de la personnalité du juge MAGNAUD, le bon juge de Château-Thierry, resté célèbre dans le milieu judiciaire pour ses jugements, souvent plus équitables que juridiquement fondés, n'avait-il pas prétendu, le 4 mars 1898, en relaxant Louise Ménard que " le juge peut et doit interpréter humainement les inflexibles prescriptions de la loi ".



C) Etat de necessité et OGM

12/12/2005
Les 49 "faucheurs volontaires" poursuivis pour le fauchage de parcelles de maïs génétiquement modifié dans le Loiret en 2004 et 2005 ont été relaxés vendredi 9 décembre par le tribunal correctionnel d'Orléans qui a reconnu le bien fondé de "l'état de nécessité" de leur action.
Selon le tribunal, les prévenus ont "apporté la preuve qu'ils (avaient) commis une infraction de dégradation volontaire de bien d'autrui en réunion, pour répondre de l'état de nécessité qui résulte du danger de diffusion incontrôlée de gènes provenant des organismes génétiquement modifiés, dont la dissémination avait été autorisée par la loi française, contrairement au droit constitutionnel européen". 

Inscrit dans le code pénal, l'état de nécessité permet d'écarter la responsabilité d'une personne qui, "face à un danger actuel ou imminent qui la menace elle-même, autrui ou un bien", accomplit un acte normalement répréhensible sur le plan pénal.
Ainsi, même si "aucun d'entre eux" ne possédait de champ "directement concerné par la parcelle OGM" et pouvant être contaminé par du pollen OGM, leur devoir d'alerte était tel qu'il devenait un état de nécessité..




2) Resistance a l'oppression


a) En droit interne 
La résistance à l'oppression est selon la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, un droit naturel, inaliénable et sacré de l'Homme.
Au terme de l'article 2 de la Déclaration de 1789: « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. »
Pourtant selon l'article 7 de la déclaration, « tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance ». La résistance n'est donc pas possible ici, car elle se traduit alors par une opposition à la loi, qui est définie comme l'expression de la volonté générale. S'opposer ou résister à la loi se traduit donc comme une opposition à ceux qui la font, aux représentants du peuple, donc au peuple.
Dans les déclarations suivantes, et notamment la déclaration « girondine » du 29 mai 1793, la possibilité de résistance à l'oppression est précisée. En son article 29, il est écrit que « dans tout gouvernement libre, les hommes doivent avoir un moyen légal de résister à l'oppression; et lorsque ce moyen est impuissant, l'insurrection est le plus saint des devoirs ». Cette possibilité de soulèvement est également prévue à l'article 35 de la déclaration du 24 juin 1795 : "Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.".
D'après la lecture que l'on peut faire de ces différents textes, la résistance à l'oppression se traduit comme une opposition au gouvernement en place, qui dans ses actions ou inactions, aurait bafoué, violé, négligé les droits élémentaires et naturels du peuple, après que toutes les autres formes d'opposition légale aient été épuisées (pétition, manifestation,...). Cette notion a surtout servi à justifier tout d'abord l'opposition des conventionnels au roi puis la mise en place de nouveaux régimes, et on voit que les régimes les plus autoritaires (comme celui des Jacobins, le Premier Empire et le Second Empire) écartent cette possibilité d'insurrection.- 


B) en droit international 
 (Il faut noter Traité constitutionnel de 2005 supprimait ce droit de résistance à l'oppression !!!!!)

La résistance est un moyen ultime. Elle implique que la démocratie doive jouer.Ainsi le Préambule de la Déclaration Universelle de l'ONU proclame " qu'il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'Homme ne soit pas contraint suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression"

L'article 28 précise que chaque homme a droit à un ordre tel que les droits et libertés puissent être rendus effectifs.

Le droit à l'état de droit, le droit à l'ordre tel qu'il est défini dans une société démocratique, le droit à la démocratie, juste équilibre entre l'ordre public et les libertés a pour corollaire obligé, le droit de se révolter mais après avoir épuisé les voies de droit existantes, en suprême recours.,
 l'article 2§7 de la Charte des Nations Unies, protégeant les états dispose que l'on ne saurait intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement des compétences nationales.





 3) -Le droit à la désobéissance est un devoir 

a) en droit interne

En certaines circonstances. Lorsque l'ordre reçu est manifestement illégal ou contraire aux Droits de l'Homme, il y a alors obligation de désobeissance

Article 122-4

N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires.

N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal.

1) La désobéissance civique 
Une des premières utilisations du terme de désobéissance civique a lieu le 19 décembre 1996 avec la publication de l'« Appel à la désobéissance civique » de plusieurs personnalités du cinéma, en refus des lois Debré et de leurs dispositions relatives à l'immigration. Le texte contient ces mots : « Nous appelons nos concitoyens à désobéir et à ne pas se soumettre à des lois inhumaines ».
Ce terme désobéissance civique préférée à la traduction phonétique de l'anglais "désobéissance civile" est devenu une méthode de militantisme comportant six critères à réunir conjointement pour caractériser ainsi un acte:
1. c'est un acte personnel et responsable : il faut connaître les risques encourus et ne pas se soustraire aux sanctions judiciaires
2. c'est un acte désintéressé : on désobéit à une loi contraire à l'intérêt général, non par profit personnel
3. c'est un acte de résistance collective : on mobilise dans l'optique d'un projet collectif plus large
4. c'est un acte non violent : on a pour but de convertir à la fois l'opinion et l'adversaire, non de provoquer une répression ou une réponse armée ; toute attaque aux biens ne peut avoir qu'une dimension symbolique
5. c'est un acte transparent : on agit à visage découvert
6. c'est un acte ultime : on désobéit après avoir épuisé les recours du dialogue et les actions légales
2) La désobéissance civile 

est le refus de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé inique par ceux qui le contestent. Le terme fut créé par l'américain Henry David Thoreau dans son essai Résistance au gouvernement civil, publié en 1849, à la suite de son refus de payer une taxe destinée à financer la guerre contre le Mexique.
En Europe, même si le recours au concept de désobéissance civile a tardé à être formulé, l'idée de la résistance à une loi inique ou injuste a existé bien avant le xixe siècle. Aujourd'hui, le concept s'est étendu à de nombreuses personnes notamment par les actions très médiatiques des altermondialistes ou celles des mouvements anti-pub, certains ne voyant dans ces actions que la dégradation de biens, d'autres y voyant un acte salutaire de désobéissance civile, visant à faire modifier la politique des autorités.
D’aucuns préfèrent parler de « désobéissance civique » à la suite du livre de José Bové et Gilles Luneau, publié en 2004, Pour une désobéissance civique.
Ils opposent la désobéissance civile qui serait le droit de s’élever contre les lois de la cité au nom de la seule conscience individuelle, sans aller au-delà,
et la désobéissance civique qui aurait pour objectif de contester un ordre juridique injuste afin d’obtenir la reconnaissance de droits nouveaux, définie comme l’expression de la citoyenneté.


Mais tout n’est qu’une question de définition et celle de la désobéissance civile selon John RAWLS ressemble étrangement à celle que se donne la désobéissance civique.

Il en résulte que le système démocratique ne doit pas se réduire à la règle de la majorité.
La désobéissance civile peut contribuer à empêcher des manquements vis-à-vis de la justice, en garantissant les citoyens contre la tyrannie de la majorité, contre la loi oppressive.
A Nuremberg, en 1946, les juges du Tribunal International ne se sont d’ailleurs pas bornés à reconnaître le droit de la personne à désobéir aux normes iniques : ils ont aussi condamné ceux qui leur avaient obéi, et ce sans prêter attention au principe de l’obéissance due aux lois.
Ils ont ainsi transformé le droit de désobéissance en un devoir dont l’inaccomplissement mérite la punition correspondante.




• Et qu’en est-il des fonctionnaires ?

Dans  "Si c ‘est un homme," Primo LEVI nous fait signe : « Les monstres existent, mais ils sont trop peu nombreux pour être vraiment dangereux ; ceux qui sont plus dangereux, ce sont les hommes ordinaires, les fonctionnaires prêts à croire et à obéir sans discuter. »

A l’instar de Paul-Jacques GUIOT, inspecteur d’académie à Montpellier qui, en réponse au directeur d’école Bastien CAZALS qui a décidé de désobéir dans l’intérêt supérieur des enfants, lui rétorque le 6 janvier 2009 : « Un fonctionnaire, il obéit aux instructions de la République, il n’y a même pas à discuter. »
Et bien si, il y a à discuter ! Car un fonctionnaire c’est un homme responsable avant d’être un sujet obéissant. Il ne peut pas se contenter de se dire : Je fournis les moyens, la fin ne me regarde pas.
L’Histoire l’a amplement démontré : La démocratie est beaucoup plus menacée par l’obéissance passive des citoyens - comme lors de la période de Vichy et la figure éponyme de Maurice PAPON - que par la désobéissance.
Ainsi que l’a rappelé Hannah ARENDT, dans Responsabilité personnelle et régime dictatorial :

« Si un adulte obéit, il cautionne en fait l’instance qui réclame l’obéissance. »

• Obéir, c’est soutenir.

Certes le fonctionnaire civil est soumis normalement à l’obligation d’appliquer la loi.
Il n’a aucun moyen de droit à faire valoir lorsque les actes qu’on lui demande d’accomplir ne constituent pas des crimes ou des délits punis par la voie pénale ou tant qu’ils ne sont pas interdits par une convention internationale. En l’absence d’un contrôle systématique de constitutionnalité, le législateur a même le pouvoir de tenir en échec un droit naturel, imprescriptible et constitutionnel.
Mais refuser de ficher une catégorie d’individus - en l’occurrence les élèves -, c’est s’abstenir d’exécuter un acte destiné à restreindre les libertés : il s’agit donc de désobéir pour ne pas devenir un fonctionnaire oppresseur.
Et, comme cela a déjà été rappelé, le droit de résister à l’oppression est proclamé à l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, laquelle est intégrée au Préambule de la Constitution de 1946 mentionné expressément par la Constitution de 1958 qui nous régit, et consacré par le Conseil Constitutionnel.
Il s’agit de rétablir un principe de « juridicité » plus large que le principe de « légalité » - lui même supérieur au principe « hiérarchique » -, en soumettant l’Etat et son administration au respect non seulement de la Loi mais du Droit tout entier.
La Loi doit respecter la Constitution, et à cet étage supérieur la Constitution elle-même ne peut aller contre les principes posés par la Déclaration, et tels qu’ils nous intéressent ici l’article 8 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentale et l’article 16 de la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant.

Il est donc des situations où il est nécessaire de désobéir, car plus qu’un devoir de vigilance s’impose alors un choix de résistance.
Gardons en mémoire ce que disait déjà en 1548 dans son Discours de la servitude volontaire écrit à l’âge de 18 ans, Etienne de la Boétie : « Le pouvoir ne s’impose que du seul consentement de ceux sur lesquels il s’exerce. »


http://blogs.mediapart.fr/blog/gilles-sainati/150611/du-legitime-au-legal

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