Après une année marquée par des débats sur la dépolitisation du corps électoral et des tentatives des candidats pour ramener à eux les “invisibles”, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), dans une étude publiée ce jeudi 6 septembre, dresse le bilan, à froid, de qui s’est inscrit et qui a voté en 2012, à partir d’un échantillon de 300 000 électeurs potentiels (lire la note dans son intégralité). Lors de la présidentielle, l'abstention a atteint environ 20 %. Elle a dépassé 40 % lors des législatives qui ont suivi. Avec les différents tours, ces élections ont donné quatre occasions aux Français de marquer leur intérêt en se rendant aux urnes. Entre les non-inscrits et ceux qui sont systématiquement restés chez eux, un sur cinq n’a participé à aucun scrutin.
Se faire répertorier à la mairie constitue en effet une barrière que 7 % des personnes en âge de le faire n’ont pas franchie cette année. Malgré la procédure automatique prévue pour les jeunes de 18 ans, cette classe d’âge n’a pas fait le plein, à la suite notamment des déménagements ayant eu lieu après les journées de Défense et citoyenneté. Les inégalités socioprofessionnelles restent fortes : l’écart atteint 11 points entre les non-diplômés et les titulaires d’un titre de l’enseignement supérieur ; les ouvriers et les employés sont moins inscrits que les cadres, et les chômeurs moins que les salariés.
Le décalage est encore plus prononcé entre les Français d’origine étrangère et ceux nés en France. Les plus en retrait sont les personnes nées au Portugal et en Turquie. Seuls 60 % d’entre eux sont inscrits sur les listes, ce que les auteurs de l’étude, Xavier Niel et Lilian Lincot, de la division Enquêtes et études démographiques de l’Insee, lient au niveau de diplôme. « Les Français nés en Italie, notent-ils, sont également parmi les moins diplômés, mais ils sont issus de vagues d’immigration plus anciennes. Ils sont donc plus âgés et plus souvent déjà inscrits sur une liste électorale. »
Le taux d’inscription des Français nés sur le continent africain, d’en moyenne 77 %, varie sensiblement selon la nationalité à la naissance : les personnes nées françaises en Algérie, au Maroc et en Tunisie se sont fait enregistrer à 87 %, tandis que les électeurs d’origine maghrébine ne le sont qu’à 65 %.
L’inscription ne fait pas tout. Il faut encore se déplacer le jour J. En 2012, 12 % des inscrits ne sont allés voter à aucun des scrutins nationaux, soit une hausse de deux points par rapport à 2007. Cette année-là, la participation avait été considérée comme exceptionnelle lors de l’élection présidentielle, dans le sillage de la forte mobilisation observée au second tour de 2002 en réaction à la présence de Jean-Marie Le Pen face à Jacques Chirac.
Une fois inscrits, les uns et les autres votent dans les mêmes proportions
Parmi les abstentionnistes, les plus âgés et les plus jeunes sont surreprésentés. On retrouve des critères comparables à ceux déterminant l’inscription : toutes choses égales par ailleurs, moins on est diplômé, moins on vote ; les chômeurs et les femmes au foyer sont plus abstentionnistes que les personnes occupant un emploi. En revanche, la différence selon la nationalité d’origine disparaît. Une fois inscrits, les uns et les autres votent dans les mêmes proportions. Entre les enfants d’immigrés et les autres, les écarts sont aussi estompés.
D’autres facteurs sont à prendre en compte. Les salariés de la fonction publique votent plus que leurs collègues du privé, leur position statutaire, selon les auteurs, renforçant leur intérêt pour les élections. Les couples, de même, participent plus que les personnes isolées, « peut-être par effet d’entraînement mutuel des conjoints ». Les habitants des pôles urbains, enfin, alors qu’ils sont en moyenne plus diplômés, s’abstiennent davantage que les autres. En dehors de ces zones, les auteurs n’observent pas de clivage particulier entre les périphéries et les communes isolées : les taux sont indifférenciés. La très faible abstention des agriculteurs (3 %), « observée à chaque élection », tient, selon eux, plus à la situation professionnelle qu'à leur lieu de résidence.
Concernant les Français d'origine étrangère, l’étude n’aborde pas la question de l’orientation du vote, qui resurgit à chaque fois qu’un débat sur le droit de vote des étrangers est en vue. Pour cela, il faut se reporter aux travaux de Vincent Tiberj et Patrick Simon, publiés par l’Institut national d'études démographiques (Ined) en janvier 2012 à partir de l’enquête Trajectoires et origines, et qui aboutissent à la conclusion que les immigrés ayant des origines extra-européennes et leurs descendants votent nettement plus à gauche que la population “majoritaire”. Et cela, non seulement pour des raisons découlant de leur position sociale et de leur niveau d’éducation, mais aussi parce qu’ils se sentent plus souvent renvoyés à leurs origines et soumis aux discriminations.
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