L’Argentine et l’Equateur montrent la voie à l’Europe pour se débarrasser du fardeau de la dette, selon le Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde.
« Oui, il est possible d’amener les institutions financières, les banques et les puissants à accepter des solutions qu’ils ne souhaitent pas », a martelé jeudi soir Eric Toussaint, président du Comité pour l’annulation de la dette du TiersMonde (Cadtm), lors d’une conférence à Genève. Et ce sont deux pays du Sud, l’Argentine et l’Equateur, qui l’ont démontré. Face à un endettement qui étouffe les économies nationales, seule une politique de rupture permet de sortir de l’ornière, a-t-il argumenté. D’autant plus qu’une grande partie de ces dettes sont illégitimes, selon lui.
Aujourd’hui, en pleine crise dite des « dettes souveraines », les pays européens pourraient s’en inspirer. « L’Argentine a suspendu le paiement de sa dette de 2001 à 2005. Et elle est toujours en cessation de paiement vis-à-vis du Club de Paris, le club des Etats les plus riches, pour un montant de 6,5 milliards de dollars. On avait parlé de représailles, il n’en est rien. Actuellement, l’Argentine fait même partie du G20 et connaît un très fort taux de croissance », a rappelé le chercheur.
Mais c’est surtout l’Equateur qui a créé un précédent de taille en répudiant plus de 75% de sa dette. Eric Toussaint connaît d’autant mieux le dossier qu’il a participé lui-même à l’audit de la dette de l’Equateur, à l’invitation du gouvernement de ce pays. « Nous avons mené une étude qui a démontré l’illégitimité de la majeure partie de la dette. Le gouvernement a pu s’appuyer dessus en juin 2009 pour forcer ses créanciers à reprendre leurs titres diminués de trois quarts de leur valeur ».
Sa collègue, Maria Lucia Fattorelli, coordinatrice de l’organisation brésilienne Auditoria cidadã da dívida, qui a aussi fait partie de cette commission d’audit en Equateur, a complété : « L’Equateur a pourtant continué à avoir accès à des crédits et à des investissements étrangers et se porte beaucoup mieux ». Au Brésil, le gouvernement n’a pour l’instant rien entrepris de similaire. Cela n’a pas empêché les citoyens de mener leur propre audit, dans le but de conscientiser la population : « Le Brésil est la sixième économie du monde, mais n’est classé que 84ème en matière de développement humain par l’ONU. Nous avons pu établir que la raison réside dans le système de la dette extérieure, initié dans les années 1970 pour nourrir la dictature, qui consomme actuellement plus de 50% des dépenses annuelles de l’Etat », a-telle expliqué. Seule une mobilisation citoyenne d’ampleur, s’appuyant sur cet audit, pourrait forcer les autorités à agir, ont estimé les deux orateurs, comme cela s’est passé du reste dans les deux pays précités.
Tout comme en Islande, autre exemple mis en exergue, où les protestations de la rue ont contraint le gouvernement social-démocrate à rompre avec les milieux financiers. « Confronté à l’effondrement de son système bancaire en 2008, l’Islande a répondu par le blocage complet des mouvements des capitaux, les empêchant ainsi de s’échapper du pays, et par la décision de n’indemniser que les résidants islandais », a rappelé Eric Toussaint. « Aujourd’hui, l’économie se porte bien, l’Etat peut emprunter sur le marché intérieur à des taux d’intérêt de 3% en lieu et place des 17% qu’il payait avant la mesure ».
Un cas qui reste pourtant unique en Europe. La Grèce avait néanmoins été à deux doigts d’emprunter une voie similaire après les grèves générales de ce printemps. Le parti d’extrême gauche Siriza a récolté 27% des suffrages aux dernières élections, juste derrière le parti de droite Nouvelle démocratie, avec 30%, qui agitait le spectre de la sortie de la Grèce de la zone euro en cas de victoire de Siriza.
Conclusion d’Eric Toussaint : « Les mobilisations restent dans le cadre national en Europe. Or, nous sommes confrontés à une politique globale à l’échelle du continent. Il nous faut le développement d’un véritable mouvement social européen pour faire face ». Un rassemblement de la société civile aura lieu à Florence du 8 au 11 novembre prochains, pour définir des stratégies d’actions dans ce sens.
Christophe KOESSLER (Quotidien Le Courrier, Genève, 22 septembre 2012, p. 9)
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