mercredi 21 septembre 2011

«Sarkozy a utilisé la diversité comme un gadget»


Patrick Lozès l’a annoncé à travers un livre, Candidat, et pourquoi pas ?, publié en mai dernier. Il brigue l’investiture suprême. Un message, donner une voix aux minorités, auxquelles il se consacrera exclusivement : depuis juin 2011, Lozès n’est plus président du Cran.



Pourquoi êtes-vous candidat ?

Les grands débats s’engagent lors de la présidentielle. Et mes idées, mon message ne sont portés par personne en France, que ce soit à droite ou à gauche. L’UMP abaisse les frontières entre la droite et l’extrême droite. Elle mène une politique qui menace les minorités. Elle les stigmatise. La gauche ne véhicule pas de message responsable. Je perçois chez elle de la timidité, et même une certaine forme de lâcheté. Elle ménage la chèvre et le chou. Elle a l’impression d’être coincée entre des électeurs atteint par la « lepénisation» des esprits et les « Français raisonnables » parmi lesquels ils rangent les minorités. Et la gauche pense que ces Français raisonnables voteront naturellement pour elle. Ils n’auraient, dans le fond, pas grand-chose à dire. Je suis là pour dire non ! Je veux aussi redonner à la République ce qu’elle m’a donné. Sans la République, je ne serai rien. Le moteur de mon action, c’est l’intérêt public.

Un Président noir, c’est possible ?

Honnêtement, c’est possible. Aujourd’hui, les Français sont prêts à voter pour un candidat noir. Je ne suis pas en train de dire que les Français éliraient un Noir parce qu’il est noir. Mais s’il est compétent, ils l’éliront. J’étais candidat aux élections législatives en 2002 sous la bannière de l’UDF dans la première circonscription de Paris. On n'y croise pas tous les jours la diversité... J’ai fait presque le même score que Français Bayrou qui s’était, lui, présenté à la présidentielle la même année.

Quel est, selon vous, le bilan du Président de la République sur la question des minorités?

Un gâchis. Il a géré la France en trader. Un président de la République doit être visionnaire. Il doit penser à la France de 2070. Et il ne l’imagine pas. Il imagine juste celle de la prochaine élection. Sarkozy a utilisé la diversité comme un gadget. Il a mené cette question dans une impasse. Au début de son quinquennat, Il a nommé trois personnes dans son gouvernement représentatives de la diversité. Ce qu’il fallait faire. Et je lui porte crédit de cet acte. Mais, au fur et à mesure, cela s’est délité. Ce n’était que du saupoudrage.

Les Français n’attendent pas seulement trois nominations, ils veulent des politiques publiques concrètes. Et rien n’a été fait pour ces millions de personnes issues des zones de relégation ou des minorités visibles. Strictement rien. Nicolas Sarkozy a même fait machine arrière. Il a prononcé ce terrible discours de Grenoble où il a instauré plusieurs catégories de Français. C’est du jamais vu à la tête de l’Etat. Au fond, il a instrumentalisé la question de la diversité. Je le rends responsable lui, son gouvernement, et la majorité, du climat détestable qu’il y a aujourd’hui en France.

Mais comment expliquez-vous ce virage sur la diversité ?

Il n’avait pas de convictions enracinées sur cette question. Il fait sans cesse un tête-à-queue idéologique sur de nombreuses questions. Un jour, Nicolas Sarkozy nous dit que, dans la transmission des valeurs, le prêtre aura une radicalité que l’instituteur n’aura jamais. Mais, peu de temps après, il nous dit ne jurer que par la laïcité. On ne comprend plus. Il embrouille les Français. Comme le disait une célèbre chanteuse : « Parole, parole, parole…»

L’égalité tient une place centrale dans le sens de votre candidature...

Mes propositions pour plus d’égalité apportent des réponses aux principales préoccupations des Français : l’État de l’économie, la dette et la croissance.
Je veux permettre aux Français au bord de la route de participer à l’économie. Prenons les Etats-Unis. En 1969, Ils ont mis en place le Minority Business Development Agency. Cette structure a eu pour vocation de ramener dans l’économie américaine des personnes qui en étaient exclues. Les citoyens ciblés étaient les femmes, les Afro-américains, les Hispaniques, les Indiens et même les vétérans du Viêt-Nam. Cette agence a permis la création de 5 millions d’emplois en trente ans ! Ne pourrait-on pas, en France, créer de l’emploi avec ces Français qui sont dans les banlieues et les zones de relégations ? Des personnes qui ont de l’énergie et des projets mais qui ne trouvent pas de financements...

Mais comment fait-on concrètement ?

Il faut leur transmettre avant tout l’information sur les outils qui existent déjà. Je ne demande aucun nouveau dispositif ou budget. Il y en a tellement ! Nos concitoyens n’ont pas assez conscience du coût de la discrimination. Je ne parle même pas de l’aspect moral, mais de l’impact économique. Quand on ne recrute pas une personne noire, à cause de sa couleur, on prive son entreprise d’un talent et, d’autre part, on envoie cette personne directement peser sur les comptes publics. Que ce même entrepreneur paie en charges sociales... C’est totalement aberrant !

La discrimination est un acte totalement antiéconomique. Il faudrait être fou pour ne pas se rendre compte. Aujourd’hui, dans le système actuel, un élève, qu’il soit issu d’un milieu favorisé ou défavorisé, n’a pas du tout la même chance de réussir. Il faut que, dès l’école primaire, la dotation financière d’un établissement tienne compte des paramètres sociaux. Ce n’est pas seulement moi qui le dis, c’est la cour des comptes dans son rapport 2010 !

Pour savoir quel établissement aura besoin de plus de moyen, je propose la création du statut d’élève à besoin éducatif prioritaire. Plus un établissement aura ce type d'élèves en son sein, plus il recevra d'aide.

Je veux enfin ouvrir le monde politique aux personnes absentes de ce milieu : les jeunes, les femmes, les personnes issues des couches populaires, de la diversité. Ils vont apporter du sang neuf. Il faut arrêter cette consanguinité.

Quel bilan faites-vous de votre action au Cran ?

Le Cran est créé en novembre 2005. Tout de suite, nous lançons le débat sur les statistiques ethniques ou de la diversité, comme on préfère les appeler. En 2005, c’était un sujet totalement tabou. Vous faisiez fuir vos interlocuteurs. Aujourd’hui, on en parle. La majorité de nos concitoyens y sont favorables. Pour peu qu’on leur explique qu’il s’agit de récolter des informations comme on le fait pour la grille salariale. Il faut des statistiques anonymes, volontaires, auto-déclaratives et sans constitution de fichiers.

Quand je lisais les journaux avant 2005, le mot « noir » n’existait pas. Il était banni. Les gens ne sont pas discriminés parce qu’ils sont originaires d’Afrique subsaharienne et d’outre-mer. Mais parce qu’ils sont noirs ! Il ne faut pas tourner autour du pot.

On a influencé le monde politique pour qu’il y ait plus de diversité dans les institutions. En 2006, j'ai rencontré le maire de Paris, Mr Delanoë. Je lui ai demandé sur les 163 conseillers de Paris, combien y avait-il de Noirs ? . Il m’a regardé : « Il doit bien y en avoir sur les 163. » En 2006, il y en avait zéro. Et c’était la même chose dans les dix plus grandes villes de France. Etonné, il me répond : « Je ne m’étais jamais posé la question. Mais je vous promets que lors des élections de 2008, cela va changer.» Et effectivement, aujourd’hui, il y a des conseillers issus de la diversité.
http://www.respectmag.com/2011/09/20/patrick-lozes-%C2%ABsarkozy-utilise-la-diversite-comme-un-gadget%C2%BB-5454

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