vendredi 23 septembre 2011

Prisons : à ceux de l’extérieur osant affirmer que la peine de mort est abolie


Alors que beaucoup de gens, et c’est très bien, ont les yeux tournés vers les Etats-Unis et l’exécution dégueulasse de Troy Davis, peu se préoccupent de ce qu’il se passe dans nos propres prisons. Et surtout on continue de penser qu’en France, on a aboli la peine de mort. Dans un texte collectif, écrit depuis la centrale de Clairvaux, en janvier 2006, les « perpétués » dénonçaient cette hypocrisie.
A ceux de l’exté­rieur osant affir­mer que la peine de mort est abolie

Silence ! On achève bien les che­vaux !...

Nous, les emmu­rés vivants à per­pé­tuité du Centre péni­ten­tiaire le plus sécu­ri­taire de France (dont aucun de nous ne vaut un Papon) nous en appe­lons au réta­blis­se­ment effec­tif de la peine de mort pour nous. Assez d’hypo­cri­sie ! Dès lors qu’on nous voue en réa­lité à une per­pé­tuité réelle, sans aucune pers­pec­tive effec­tive de libé­ra­tion à l’issue de notre peine de sûreté, nous pré­fé­rons encore en finir une bonne fois pour toute que de nous voir crever à petit feu, sans espoir d’aucun len­de­main après bien plus de 20 années de misè­res abso­lues. A l’inverse des autres pays euro­péens, der­rière les murs gris de ses pri­sons indi­gnes « la République des Lumières et des liber­tés » de 2006 nous tor­ture et nous anéan­tit tran­quille­ment en toute appa­rente léga­lité, « au nom du peuple Français », en nous assé­nant en fonc­tion du climat social ou à la faveur d’un fait divers ou encore d’échéances électorales, mesu­res répres­si­ves sur mesu­res répres­si­ves sur le fon­de­ment du dogme en vogue du « tout sécu­ri­taire »... érigé en prin­cipe pre­mier sup­plan­tant tous les autres.
Qu’on se ras­sure : de nos jours, ici, même « les mau­vai­ses herbes ne repous­sent plus ». I1 n’y a que le noir et le déses­poir De suren­chè­res en suren­chè­res : la machine à broyer l’homme a pris impi­toya­ble­ment le pas. A quoi ser­vent les peines de sûreté qu’on nous inflige quand une fois leur durée dûment purgée on n’a aucun espoir de recou­vrer la liberté ? (depuis l’année 2000 à la Loi Perben II de 2005- on a fait mine de s’appli­quer à légi­fé­rer en ins­ti­tuant de nou­vel­les « juri­dic­tions de libé­ra­tion condi­tion­nelle », seu­le­ment, comme hier le minis­tre de la jus­tice, les juges d’aujourd’hui à l’oreille de l’admi­nis­tra­tion nous oppo­sent... refus sur refus, nous vouant à des durées de déten­tion à la Lucien Leger).

Pourtant sur « la fina­lité de la peine » l’Etat fran­çais, admet­tant que nous avons voca­tion de sortir un jour, et s’ins­cri­vant dans le cadre des recom­man­da­tions du Conseil de l’Europe a posé pour prin­cipe s’étendant aux lon­gues peines et aux (700) condam­nés à per­pé­tuité que : « L’exé­cu­tion des peines pri­va­ti­ves de liberté (...) a été conçue non seu­le­ment pour pro­té­ger la société et assu­rer la puni­tion du condamné mais aussi pour favo­ri­ser l’amen­de­ment de celui-ci et pré­pa­rer sa réin­ser­tion » ? En réa­lité : tout est au châ­ti­ment.

Combien d’entre nous - du moins pour ceux qui ne sont pas décé­dés depuis - ont déjà purgé plu­sieurs années au-delà même de leur peine de sûreté de 18 ans sans se voir pré­sen­ter à ce jour une réelle pers­pec­tive de libé­ra­tion ? Après de telles durées de prison tout res­capé ne peut que sortir au mieux sénile et tota­le­ment brisé. En pareil cas, qui peut vrai­ment se réin­sé­rer socia­le­ment ? En fait, pour toute alter­na­tive, comme avant 1981, ne nous reste-t-il pas mieux à trou­ver plus rapi­de­ment dans la mort notre liberté ? De sur­croît, pour nous amener à nous plier à ce sort d’enterré vif, on nous a ces der­niè­res années rajouté murs, mira­dors, grilles en acier et main­tes autres contrain­tes. Le tout, pour faire taire toute vel­léité. assorti de « com­man­dos » de sur­veillants cas­qués, armés et cagou­lés, à l’impu­nité et aux déri­ves vai­ne­ment dénon­cées çà et là, dans l’indif­fé­rence géné­rale (...n’en croyez rien : il y a ici une place pour vous et pour vos fils. C’est encore plus vrai que jamais à l’heure où l’on pré­fère sup­pri­mer à tour de bras dans les écoles du pays bien des postes d’ins­ti­tu­teurs et d’éducateurs pour en lieu et place miser sur l’embau­che de tou­jours plus de nou­veaux poli­ciers et sur­veillants de prison et en érigeant de nou­vel­les pri­sons et autant de QHS). Aussi, parce qu’une société dite « démo­cra­ti­que » ne devrait pas se per­met­tre de jouer ainsi avec la poli­ti­que pénale visant à l’allon­ge­ment indé­fini des peines, selon la conjonc­ture, l’indi­vidu ou les besoins par­ti­cu­liers : À choi­sir à notre mort lente pro­gram­mée, nous deman­dons à l’État fran­çais, chan­tre des droits de l’homme et des liber­tés, de réta­blir ins­tam­ment pour nous tous la peine de mort effec­tive.

Repris de l’Envolée.

PS : cet été, le plus ancien détenu de France Pierre-Just Marny s’est sui­cidé au bout de 48 années de déten­tion.

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