samedi 31 mars 2012

256ème semaine de Sarkofrance: Sarkozy avait oublié le chômage



Plus qu'un mois avant le premier tour. Les esprits s'échauffent. Nous sortions d'une séquence sécuritaire que Nicolas Sarkozy voulait prolonger, un drame à Toulouse qui plaisait à nombre de soutiens du candidat sortant. Ce dernier exultait: « Je vais gagner ! Ce sont tous des nuls !». Son bilan restait boulet. Son programme restait inconnu. Sarkozy restait Sarkozy.

Nicolas Sarkozy voulait croire que quelques milliards de déficits en moins feraient oublier la progression continue du chômage et de la précarité. On lui avait agrandi les épaulettes sur ses costumes, il luisait souvent, souriait toujours, clamait contre une élite qui ressemblait à la sienne.

Il ne restait que 20 jours ou presque avant le premier tour.

Les fonds secrets de Sarkozy


Samedi dernier, Nicolas Sarkozy avait publié son « patrimoine de sortie », une obligation pour un Monarque en fin de mandat.

Malgré la crise la plus grave depuis un siècle (comme il aimait tant le rappeler pour justifier la pauvreté de son bilan), il était parvenu à augmenter son patrimoine, pour atteindre 2,8 millions d'euros en février dernier. Mieux, l'essentiel de sa fortune, un contrat d'assurance-vie, avait été transféré de la Société Générale vers la filiale française d'une banque étrangère, la HSBC. Le Monarque n'avait-il plus confiance dans l'établissement français ? Mieux encore, quelquesblogueurs vigilants avaient remarqué que Nicolas Sarkozy et ses associés du cabinet d'avocats avaient créé une holding, une habile manière de générer une confortable plus-value juste avant un renchérissement fiscal décidé par ... Sarkozy.

Mieux enfin, le patrimoine du Monarque a augmenté bien davantage que les 30% affichés ces 5 dernières années. En 2007, il avait du partager la moitié de son duplex avec Cécilia Sarkozy dont il divorça le 15 octobre de cette année. 5 ans plus tard, il avait largement reconstitué sa fortune, à 2,8 millions d'euros... Mediapart avait mené l'enquête sur l'origine de cette fortune. Nicolas Sarkozy était parvenu à acquérir ce duplex de Neuilly-sur-Seine avec 450.000 euros de provenance inconnue et non justifiée.

Justement, un juge d'instruction mettait sous pression l'ancien gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt. Patrice de Maistre, effondré, devait rester en prison. Le juge craignait qu'il ne détruise des documents. Il avait la preuve que l'homme avait retiré pour 800.000 euros d'espèces pendant la campagne de 2007 à des dates coïncidant avec des rencontres avec l'équipe de campagne du candidat Sarkozy...

L'étau se resserrait-il ?

L'agenda sécuritaire de Sarkozy


Lundi, Nicolas Sarkozy ne voulait pas entendre parler de ces histoires d'argent. D'ailleurs, les journalistes qui l'interrogeaient sur France Info n'abordèrent pas le sujet. Vive la Sarkofrance !

Il préféra prolonger l'affaire Merah dans l'agenda électoral. Il dénonça les amalgames, d'une des plus curieuses et grossières façons qui fut: « je rappelle que deux de nos soldats étaient... comment dire... musulmans, en tout cas d'apparence, puisque l'un était catholique, mais d'apparence.»


Musulman d'apparence ? Qui parlait d'amalgame ?

De meetings en déplacements, on se posait toujours la même question: où était le programme du candidat sortant ? Quand on l'interrogeait, il faisait mine de ne pas comprendre: « Mon programme est parfaitement chiffré : moins de 3% de déficit en 2013, 0% de déficit en 2016. C’est 110 milliards d’effort, 70 par la réduction de dépenses, 40 par l’augmentation des recettes ». Qui paiera les 70 milliards d'euros d'économies ?

Son jeune conseiller Guillaume Peltier était à peine plus honnête. Il justifia que les annonces de son mentor soient révélées au compte-goutte car il fallait entretenir le suspense et attirer l'attention médiatique sur Sarkozy.

Cette campagne était donc un spectacle.

Mardi, dans la région de Nantes, il acheta des bols bretons avec Bernadette Chirac qui regretta d'avoir critiqué François Hollande. Le soir, Jean-Louis Borloo était rallié en meeting pour écouter l'un des pires discours frontistes du candidat sortant. Il pouvait mâcher sa cravate et son honneur.

La manipulation médiatique de Sarkozy


Quelques médias s'emballaient à nouveau. Nous étions mitraillés de sondages, à chaque heure, sur toutes les ondes, toutes les télévisions, tous les journaux. Il fallait faire croire, il fallait faire douter.

Une élection jouée d'avance n'est jamais un bonne histoire pour vendre du papier. Nicolas Sarkozy surfait donc sur les sondages ... de premier tour. Toutes les simulations de second tour le donnaient perdant (et de loin); sa crédibilité à gouverner était toujours minable. Son socle électoral rétrécit aux plus fortunés, une fraction frontiste et des cohortes de militants UMP retraités qui s'agitaient, drapeau en main, à chaque meeting. L'illusion était presque parfaite.

Le Monarque invoquait toujours la France silencieuse, celle qu'il n'avait osé rencontrer 5 années durant. Il s'amusait de la progression sondagière de Jean-Luc Mélenchon, oubliant qu'il n'avait que le Front national comme allié de second tour. Pire, lui qui pensait « engranger » les bénéfices du drame toulousain fut bien marri de constater que sa cote sondagière n'évoluait pas.

Tout ça pour ça.

Comme toujours, la mise en scène avait été rodée. Vendredi à l'aube, quelque 17 islamistes radicaux avaient été arrêtés simultanément en Ile-de-France en en province. Des journalistes avaient conviés pour filmer ces interventions du RAID et la saisie de quelques armes. Quelques instants plus tard, Nicolas Sarkozy était l'invité d'Europe1. Le timing était parfait. Le candidat sortant se défendit mollement de vouloir prolonger l'affaire Merah. Le terroriste toulousain avait été enterré discrètement, après les horaires d'ouverture du cimetière. Le Monarque avait également ordonné à ses ministres Longuet et Guéant de refuser toute audition des chefs du renseignement au Sénat. Pourtant, lui-même n'avait-il pas reconnu que les dispositifs législatifs existants étaient insuffisants ? L'omerta doit rester totale. Pourtant, les questions étaient nombreuses, sur l'efficacité de la DCRI, la désorganisation

Vendredi, Sarkozy était en meeting à Besançon. On attendait toujours son programme. Son discours semblait à l'opposé de celui de mardi. Il se voulait encore menaçant mais aussi généreux, il avait même 7 propositions pour l'école, que l'on connaissait déjà. Il eut aussi de curieuses formules sur l'immigration : « le regroupement familial est un droit et je le garantirai. » On se rappelait les propos de Claude Guéant, son ministre de l'intérieur, il y a un an, en avril 2011: « nous allons continuer à réduire le nombre d'étrangers venant en France au titre du regroupement familial ». Qui fallait-il croire ?

La catastrophe économique de Sarkozy


Cette semaine, Sarkozy et ses ministres s'efforçaient à un autre story-telling, sur la reprise et les bons résultats de l'économie version Sarkofrance. L'INSEE avait confirmé une croissance à 1,7% du PIB l'an dernier, puis un déficit budgétaire à 5,2% du PIB... Comme par hasard. Ce dernier était prévu à 5,7% dans la précédente loi de finances. Le gouvernement avait conservé ses marges. Il tenta de nous faire croire qu'il avait réduit le déficit de 22 milliards. Il oubliait de préciser que c'était le sien, et que le plus gros effort était pour 2013.

Les explications de ce « bon » résultat étaient floues et sans matière: « ce sont des chiffres excellents (...) grâce aux efforts des Français » avait dit le Monarque. « c'est grâce aux efforts des Français » avait répété, mot pour mot, le perroquet François Baroin. Les « efforts des Français » étaient ces hausses d'impôts censées amortir d'autres cadeaux fiscaux tels l'allègement de l'ISF en 2011. Preuve de la manipulation médiatique, Valérie Pécresse s'était précipitée dans les colonnes du Monde, la veille, pour expliquer combien l'économie se redressait « dès le premier semestre 2012 ». Elle était soit menteuse soit incompétente puisqu'elle venait elle même de réduire la prévision de croissance pour l'an prochain.

Evidemment, tout ceci était faux. Un mauvais script, de mauvais acteurs, une sale histoire.

Les Décodeurs du Monde, sur leur blog, s'amusèrent vite pour dénoncer l'un des arguments. La Sarkofrance n'était pas ce pays miraculeux «qui depuis le deuxième trimestre 2009 n'a pas connu la récession » (10 autres de l'OCDE avaient connu pareille fortune) ni celui « qui, depuis 2007, a connu chaque année une augmentation du pouvoir d'achat des Français, c'est la France ».

La peur du chômage de Sarkozy


Evidemment, Nicolas Sarkozy luttait pour son poste. Mais il craignait la montée du chômage plus que tout. Lundi, grillant la politesse à ses propres services pour son seul bénéfice personnel, il annonça que les statistiques du chômage à fin février, qui devaient être publiés quelques heures plus tard, seraient moins pires que prévu. Il inventa le concept de la « baisse tendancielle de l'augmentation du nombre de chômeurs ».

Cela faisait déjà cinq ans qu'il nous racontait n'importe quoi sur le sujet.
Bien sûr, la Grande Crise était passée par là. mais plutôt que de la reconnaître, il persista à la nier: en 2008, la crise était grosse, mais les heures supplémentaires sauvaient tout. En 2009, il fallait patienter. En 2010, il fallait encore attendre, le chômage allait baisser. En 2011, c'était sûr, promis, juré, craché. Le chômage allait baisser. C'était faux, le chômage ne faisait que croître: 4,56 millions d'inscrits à Pôle emploi à fin février, soit près de 6% de hausse sur un an. Le ministère du travail avait aussi livré deux autres analyses cruciales, catastrophiques mais peu commentées: le nombre d'heures supplémentaires - ce marqueur du succès sarkozyen - avait chuté au dernier trimestre 2011. Et les embauches, en CDD comme en CDI, diminuait également.

Quelle reprise !

Mercredi, une dizaine de représentants du collectif Génération Précaire furent accueillis par 7 fourgons de CRS devant le QG de Nicolas Sarkozy. C'était la France forte en action ! Les jeunes avaient voulu symboliquement remettre au candidat Sarkozy (comme aux autres) les résultats de sa seconde notation sociale de la précarité. Rue de la Convention, ils furent brutalement refoulés par des CRS. Sarkozy n'était pas au QG, mais le jeune Sébastien Proto, ancien dircab d'Eric Woerth et désormais membre éminent de l'équipe de campagne, veillait au grain.

Fallait-il qu'il soit inquiet !


Ami sarkozyste, nous sommes toujours là.

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