dimanche 11 mars 2012

L'espoir et l'inquiétude



D’ici deux mois, au soir du 6 mai, nous saurons si c’en est bien fini de cette présidence de dégradation nationale. Mais il ne suffira pas de tourner la page Sarkozy pour se débarrasser de tout ce qu’il laissera en héritage : tout ce dont il est le produit et tout ce qu’il a détruit. L’enjeu de cette élection présidentielle, et des législatives qui suivront, dépasse la seule sanction d’un homme au bilan désastreux : saurons-nous, tous ensemble, en ces temps de périls et d’incertitudes, relever la France du marécage où elle est embourbée ? Saurons-nous saisir cette occasion historique : transformer une alternance électorale en alternative démocratique ?

D’un côté, l’espérance ; de l’autre, l’inquiétude. L’aiguillon de la seconde obligeant la première à rester en éveil ; s’entretenant l’une et l’autre, à la manière de compagnes indissociables ; et toutes deux coutumières des infortunes, déceptions électorales et chagrins politiques. Cette espérance qui nous anime et cette inquiétude qui nous rattrape, dans une course relais qui, du scrutin présidentiel aux élections législatives, peut aussi bien déboucher sur une impasse annoncée, tissée de renoncements, d’impuissances ou de défaites, que sur une brèche inespérée, ouvrant enfin l’horizon des possibles dans le refus des immobilismes, des fatalités et des peurs…

Pour ceux qui, comme Mediapart, ses lecteurs aussi bien que son équipe, n’ont cessé de documenter les raisons d’une refondation républicaine dont la défaite de Nicolas Sarkozy serait la première étape, cette campagne présidentielle n’est pas un moment politique ordinaire. Par-delà nos sensibilités diverses, nos inclinations partisanes, nos préoccupations catégorielles et nos soucis collectifs, son enjeu nous dépasse, tant il s’imbrique à la crise historique que traversent et vivent, en Europe, nos sociétés, nos cultures, nos peuples, elle-même indissociable d’une crise de civilisation mondiale, mêlant crise énergétique, crise écologique, crise démocratique, crise financière, crise sociale, crise morale, etc.

Nous savons, d’expérience, qu’une réélection de Nicolas Sarkozy ajouterait encore plus d’injustice et de violence aux désordres existants. Mais nous devinons aussi, d’instinct, qu’en faisant chuter durement de son piédestal cette ego-présidence, nous avons la possibilité rare, par la force non seulement de nos votes mais de la mobilisation qu’ils pourraient susciter, d’enrayer la machine infernale qui, jusqu’ici, réussit à soumettre nos peuples aux froids calculs égoïstes d’un monde dont l’argent est devenu la seule mesure, destructeur avide du travail des hommes comme des richesses de la nature. Dès lors, l’inquiétude est à la mesure de cette espérance, entre exigence et vigilance.


La nécessité d’une défaite cinglante

Spontanément, nous aimerions tous partager l’optimisme rationnel exprimé ici même par François Bonnet, notre directeur éditorial, d’une élection pratiquement déjà jouée et d’un scrutin perdu d’avance par un président sortant immensément impopulaire (lire son parti pris : Sarkozy : le onzième coup de minuit). Dans l’instant, son diagnostic est juste d’un Nicolas Sarkozy si dévalué que sa parole est devenue inaudible, étouffée sous le poids de son bilan et discréditée par des mises en scène médiatiques complaisantes. Mais l’adversaire a-t-il déjà abattu toutes ses cartes ? Et le Parti socialiste, qui se veut son challenger principal, saura-t-il être au rendez-vous d’une histoire pleine d’imprévus que, jusqu’ici, il a plus subie qu’inventée ?

Tous les calculs de Nicolas Sarkozy portent sur le premier tour, dont les scores déterminent les résultats du second. Conscient que le niveau actuel dont le créditent les sondages lui interdit toute prétention de l’emporter, il entend jouer sur deux leviers, qu’il actionne avec sa brutalité coutumière : récupérer une partie des voix du Front national, démobiliser l’électorat qui ne lui est pas acquis. Se hisser plus haut avec le premier levier, faire baisser François Hollande grâce au second. On n’ose croire à un scénario qui priverait Marine Le Pen de ses 500 signatures d’élus locaux, son absence facilitant ce transfert d’une partie de ses électeurs vers le président sortant. De même qu’au vu de la forte mobilisation des meetings électoraux, notamment ceux de Jean-Luc Mélenchon, on ne se résout pas à cet insistant constat sondagier d’une campagne sans attrait annonçant une abstention forte.

L’inquiétude se fait sans doute inutilement peur. Mais, ce faisant, elle mobilise l’espérance, l’invitant à ne pas rester spectatrice d’une victoire annoncée et à se donner les moyens de peser sur elle, de lui donner force populaire et contenu démocratique, au-delà des seuls partis de gauche et de leurs candidats. Car il importe que la défaite du « candidat sortant » soit massive, cinglante et humiliante, dans la dynamique née du rassemblement des forces d’opposition à l’issue du premier tour. En politique comme en physique, il est des moments où la quantité se mue en qualité, précipitant l’imprévu et produisant une dynamique. C’est de ce sursaut que nous avons besoin, cette« heure du peuple » déjà évoquée sur Mediapart (lire ici), dans l’espoir de ce que nous appelions, dès 2010, « une insurrection civique » (lire là).

Après dix-sept ans de présidences de droite à l’Elysée, dix ans sans discontinuité de pouvoir sans partage de la même famille politique, quatorze années où cette même droite aura gouverné pendant ces deux dernières décennies, notre république a besoin d’une immense respiration : de reprendre son souffle, de soulever ce qui l’oppresse, d’humer un air frais. Et de cette respiration retrouvée doit naître une conversation nouvelle où la France se réinvente, en renouant avec sa promesse républicaine. Car ce que nous avons appris de ce quinquennat, c’est que la République était désormais fragile, attaquée, blessée et menacée.


Le retour d’une droite extrême


La présidence de Nicolas Sarkozy n’aura pas été une énième version des pouvoirs de droite, mais une bifurcation dans l’histoire de la droite républicaine telle qu’elle s’est affirmée au lendemain de la catastrophe européenne, en 1945. Si rupture il y eut, elle est là : au sein de sa propre famille politique. Deuxième mort du gaullisme, le sarkozysme marque l’émergence d’une droite extrême qui renoue avec les idéologies, valeurs et références des droites anti-républicaines du début du XXe siècle, celles-là mêmes qui ont accompagné l’effondrement national dans la collaboration avec le nazisme.


L’historien Zeev Sternhell, dans sa célèbre trilogie sur La France, entre nationalisme et fascisme (le premier tome ici, le deuxième est là, et voici le troisième), tout comme dans son plus récent travail sur Les Anti-Lumières (Fayard, 2006, réédité en Folio), a disséqué cette révolution conservatrice dont notre pays fut le laboratoire intellectuel, avec des figures talentueuses et complexes comme Maurice Barrès ou Charles Maurras. Face à l’esprit des Lumières, elle affirmait, résume-t-il, « une autre modernité, fondée sur le culte de tout ce qui distingue et sépare les hommes – l’histoire, la culture, la langue –, une culture qui refuse à la raison aussi bien la capacité que le droit de façonner la vie des hommes ».

La perdition de Vichy a entraîné, avec la défaite de son allié nazi, l’éclipse de ce courant idéologique alors que, loin d’être marginal et réservé aux factieux fascistes, il dominait jusqu’en 1940 les références d’une droite française qui, dans sa diversité, ne s’était toujours pas résignée à la République, cette « gueuse » indocile parce qu’ayant fait du peuple son souverain. La dissidence gaulliste, dont le pari réussi permit à la France de siéger à la table des vainqueurs plutôt que des vaincus, sauva la droite d’elle-même, malgré elle et contre elle. Ne restait dès lors que l’extrême droite, ses réseaux intellectuels et ses activistes minoritaires, pour entretenir ce sombre héritage jusqu’à ce qu’il puisse retrouver droit de cité.

Avec Nicolas Sarkozy, c’est fait. Il faut être bien aveugle pour ne voir, comme nombre de commentateurs, dans les foucades de la campagne sarkozyste qu’un « tournant droitier », simple tactique électorale vis-à-vis du Front national, quand cette présidence a, au contraire, prouvé depuis 2007 sa constance idéologique : du ministère associant identité nationale et immigration à la chasse aux Roms, en passant par la mise en cause des Français d’origine étrangère sans oublier l’éloge du curé que « ne pourra jamais remplacer » l’instituteur. Entouré de conseillers formés à cette école extrémiste et liés aux courants traditionalistes de l’église catholique (Patrick Buisson, Guillaume Peltier, Maxime Tandonnet…), Nicolas Sarkozy a fait de cette idéologie historiquement anti-républicaine son socle idéologique, alors qu’elle était jusqu’ici tenue à distance ou à ses marges par la droite classique.

Son ressort intellectuel est le refus de la philosophie du droit naturel qui est au principe de la promesse républicaine, dans sa puissance originelle : cette égalité des droits et des humanités qui ouvre l’horizon des possibles. Quand, écrit Sternhell, « les Lumières voulaient libérer l’individu des contraintes de l’histoire, du joug des croyances traditionnelles et non vérifiées », ces droites nationalistes, conservatrices et contre-révolutionnaires partagent le refus entêté de cet ébranlement de l’ordre existant. Hiérarchie (des hommes, des religions, des civilisations), égoïsme (des classes, des nations, des peuples), force (de l’Etat, du Chef, des armées) sont leurs maîtres mots qui s’opposent, en bloc, à la trilogie « Liberté, Egalité, Fraternité ». Quand l’idéal républicain se propose de libérer l’homme des fatalités et des résignations, elles entendent le déterminer et l’immobiliser.


De Maurice Barrès à Nicolas Sarkozy

Ces idéologies conservatrices ne sont pas des vieilleries muséographiques, mais des forces actives, nées dans notre modernité en réaction à la radicalité des Lumières. Et leur éclipse, ou leur marginalisation durant un gros demi-siècle, ne suffit certes pas à nous en débarrasser définitivement, tant, pour l’histoire des idées, ce temps humain est bref à l’échelle de la longue durée historienne. Nos temps incertains, et les peurs identitaires qu’ils alimentent, sont le terreau de leur renaissance. Et celle-ci est d’autant plus vivace qu’elles excellent à entretenir des passions mobilisatrices qui sont d’exclusion, de différence et de repli.

Quand le bien commun peine à s’imposer, se fracture et s’étiole, les querelles particulières occupent la place, dans l’exacerbation des crispations plutôt que des relations. Le propre de la droite extrême est de les entretenir comme l’on répand de l’huile sur le feu et de les entraîner vers la désignation de boucs émissaires. Ainsi l’actuelle campagne du camp sarkozyste est-elle sciemment menée sur trois thématiques qui sont un copier-coller des refrains des droites xénophobes et antisémites de la fin du XIXe siècle et du début du XXe : « trop d’étrangers » (Nicolas Sarkozy à France-2, mardi 6 mars), « civilisations inférieures » (Claude Guéant devant l’UNI, le 4 février – voir ici notre article), islamophobie obsessionnelle (jusqu’à l’abattage rituel du bétail promu « premier sujet de préoccupation » des Français par Sarkozy lui-même, lundi 5 mars, à Saint-Quentin) – nos compatriotes musulmans occupant, dans cette vindicte, la place qui fut celle des Juifs de France.

Or c’est exactement ce triptyque que l’on retrouve chez le nationaliste Maurice Barrès, ce chantre de la terre et des morts dont l’œuvre fascina jusqu’au socialiste Léon Blum. Ancien élu boulangiste (le culte du chef et du sauveur), Maurice Barrès fut candidat… à Neuilly en 1893 et publia à cette occasion une brochure sans équivoque : Contre les étrangers, étude pour la protection des ouvriers français. Convaincu de la supériorité de la civilisation dont il se réclamait, il insistait sur l’infériorité de « la race sémitique (qui) est à la famille indo-européenne ce que la grisaille est à la peinture, ce que le plain-chant est à la musique moderne ». Antidreyfusard farouche, il sera l’un des propagandistes de l’antisémitisme après la condamnation du capitaine en 1894, avec cette formule sans appel : « Que Dreyfus est capable de trahir, je le conclus de sa race. »

De nos jours, la renaissance de cette droite extrême accompagne l’inquiétude des oligarchies régnantes pour la stabilité de leur domination, dans les tempêtes traversées par le capitalisme. Quand, au lieu de se retrouver autour de ce qu’ils ont en commun (l’entreprise et l’habitat, les questions sociales, les conditions de vie), les dominés se font la guerre au nom de leurs identités, croyances et origines, les dominants ont la paix. Aussi la diversion identitaire est-elle le fonds de commerce de ces politiques conservatrices extrémisées par la peur des possédants : la stigmatisation de tout ce qui se rapporte aux Arabes, aux musulmans, à l’islam, libérant une virulence et une discrimination non plus envers des opposants ou des adversaires politiques, mais envers des hommes, des femmes et des enfants dont la seule faute est de partager, par leur naissance ou leur alliance, une histoire, une culture, une religion.

Tel est le pas, symboliquement immense, franchi par le sarkozysme, et dont on s’étonne encore qu’il ne suscite pas plus d’indignations, y compris parmi ce qui reste de gaullistes conscients de leur histoire. Un pas au-dessus d'un gouffre de haines ainsi attisées et excitées. La violence politique qu'il libère va de pair avec l’affirmation, sans honte aucune, d’un projet politique anti-démocratique. Candidat d’un parti, l’UMP, qui n’est qu’un instrument césariste à la dévotion de son chef momentané, sans vote de la base ni pluralisme des courants, le président sortant n’a-t-il pas souhaité être libéré des « corps intermédiaires », de leurs nuisances et de leurs encombrements (c'était à Annecy, le 16 février : lire ici et ) ? Or quelle autre définition institutionnelle d’une démocratie sinon leur existence et leur vitalité, cet équilibre créatif de pouvoirs et de contre-pouvoirs, de conversations et de confrontations, d’intérêts différents et de projets concurrents ?

Cette installation à demeure d’une droite extrême est donc un défi lancé à tous les républicains, désormais sommés de convoquer un imaginaire concurrent ayant assez de force de conviction et de dynamique de rassemblement pour renvoyer ces démons idéologiques à l’enfer qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Cet imaginaire relève d’un vieil héritage dont il nous faut retrouver la jeunesse, fort bien résumée par Zeev Sternhell à la fin de son livre sur les anti-Lumières :

« Quelles que soient les différences entre les grands penseurs des Lumières, le dénominateur commun à leurs visions du monde respectives est le refus de ce qui est. La culture des Lumières est une culture critique, pour elle aucun ordre n’est légitime du seul fait qu’il existe. Aucun ordre établi n’est légitime s’il est injuste. (…) Pour éviter à l’homme du XXIe siècle de sombrer dans un nouvel âge glacé de la résignation, la vision prospective créée par les Lumières d’un individu acteur de son présent, voire de son avenir, reste irremplaçable. »


« Occupons le vote, occupons le terrain »

S’indigner, c’est se mobiliser. Se convoquer soi-même aux urgences du présent. Il n’y a pas d’autre message au désormais célèbre manifeste de Stéphane Hessel, Indignez-vous ! : nous sommes responsables de notre liberté et, par conséquent, comptables de l’usage que nous en faisons. Devant le défi que nous lance cette droite extrême, nous ne pouvons faire comme si la réponse ne dépendait que des partis politiques, que de leurs dirigeants professionnels, que de leurs candidats présidentiels. Elle dépend d’abord de nous : de notre mobilisation massive, dans une fraternité de l’espoir qui n’exclut en rien la diversité des sensibilités et itinéraires, choix et votes.

Nous savons d’abord ce que nous ne voulons pas et plus : de cette présidence dangereuse et de la droite extrême qu’elle installe à demeure. De cette dégradation nationale qui se résume à un triple D, plus essentiel que le triple A des agences de notation financière : division, destruction, dépression. Division de la France et des Français, de son histoire et de son peuple ; destruction du pacte républicain issu du programme du Conseil national de la Résistance de 1944 ; dépression d’un pays que ses actuelles élites dirigeantes privent d’un horizon d’espérance.


Cette seule exigence devrait nous inviter fermement à donner tort à Jean-Philippe Domecq, auteur en 1984 d’un superbeRobespierre, derniers temps (Seuil). Mais ce sont nos temps d’aujourd’hui, faussement apaisés et blasés, qui l’inquiètent désormais. Dans Cette obscure envie de perdre à gauche(Denoël), il interroge, comme l’on exorciserait des tentations démobilisatrices et défaitistes,« cette évidence massive et savamment ignorée depuis deux siècles, que la gauche n’a guère voulu du pouvoir qu’elle a fondé ».

Or elle peut d’autant moins se dérober en 2012 qu’il y a une chance historique à saisir : pour la première fois dans l’histoire de la Cinquième République, mais bien au-delà tant le Sénat fut d’éternité le lieu des blocages conservateurs – ce qu’il n’est plus depuis l’automne 2011 –, la gauche peut espérer devenir majoritaire dans l’ensemble des leviers de pouvoirs, de la Présidence de la République à l’Assemblée nationale, du gouvernement au Sénat.

Il y a là une possibilité unique, sans précédent, d’agir rapidement et efficacement. De défaire vite et de construire solidement. Surtout dans ce qui, financièrement, coûte le moins mais, politiquement, rapporte le plus : la refondation démocratique. Car nous savons bien ce que nous espérons au-delà du refus du président sortant : s’attaquer aux causes profondes du sarkozysme et, donc, revisiter ce long enchaînement de renoncements qui lui a ouvert la voie. Cette exigence-là passe par le vote, mais ne s’y réduit pas. On ne change pas l’ordre existant, ses injustices et ses inégalités, par seule délégation de pouvoir. Tout dépendra, là encore, de nous, de notre force collective, de notre volonté rassemblée. Et, donc, de la dynamique interactive qui accompagnera les scrutins présidentiel et législatifs.


« On ne construit pas des rapports de force seul devant son téléviseur le soir des élections, mais en affirmant qu’occuper le vote est déjà un bon prélude pour occuper le terrain » : nous pourrions aisément faire nôtres les réflexions du collectif de la revueVacarme, résumées d’un fougueux Occupons le vote ! « Voter, y lit-on, c’est choisir, parmi les candidats, ceux sur qui la critique des manières de gouverner a le plus de chances de peser ; c’est opter pour ceux que les mouvements de gouvernés sauront le mieux embarrasser. Et c’est aussi, par voie de conséquence, désigner des gouvernants sous le régime desquels de tels mouvements ont le plus de chances et de raisons d’advenir. »

Plutôt que de sacraliser le vote présidentiel, en concédant au présidentialisme sa personnalisation profondément dépolitisante, faisons-en un instrument collectif de politisation. Et imposons ainsi notre « nous » au « je » du candidat qui, à l’issue du premier tour, affrontera Nicolas Sarkozy. L’élection, son résultat comme ses lendemains, se joue dans cette mobilisation concrète, cette campagne réelle loin des artifices médiatiques. Les deux principales forces de gauche de cette campagne semblent l'avoir compris. Tandis que le Parti socialiste entend, samedi 17 mars, mobiliser les électeurs ayant participé à ses primaires (les précisions ici), le Front de gauche n’hésite pas à imposer une manifestation de rue dans l’agenda des urnes, avec une signifiante (re)prise de la Bastille depuis la place de la République, dimanche 18 mars (les détails sont là).

Sauf exception audacieuse, rare et souvent isolée, les dirigeants que l’on choisit ont le courage que nous leur donnons. Celui que leur insuffle le peuple et qui, parfois, les porte au-delà d’eux-mêmes. De ce point de vue, 2012 se présente comme une possible revanche sur les déceptions de 1981. Hier, ce qui devait être une alternance fondatrice, brisant le joug du présidentialisme français, s’est rapidement épuisé comme une vague qui meurt. Aujourd’hui, ce pourrait être, si chacun d’entre nous y contribue, une vague qui se lève, faisant émerger une alternative des flots de l’alternance.

Edwy Plenel

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