mardi 20 mars 2012

La vie de château, c’est pas du gâteau !



La révolte immense qui s’annonce partout dans le monde sera une réponse populaire à des années de confiscation, de frustration, de colère, de pleurs et de peurs. Les cris en ébullition qui montent doucement dans les corps et les cœurs sont en passe de jaillir de la cocotte minute. A force de cuisiner chaque population à la casserole, celle-ci a fini par se cultiver et se demander pourquoi ce sont toujours les mêmes brigands qui écrivent les lois qui font que la majorité reste au sous-sol du rang social.

Aujourd’hui, les marchands-rois continuent d’écraser leurs corps ventripotents sur les trônes dorés avec les deniers publics volés à la population. Les feuilles d’or des fauteuils de la Bourse demeurent lisses et luisantes. Dans leur tour d’ivoire aux radios mensongères, ils ont pourtant perdu à leur propre jeu : avec leurs entreprises, ils ont inventé des boîtes à propagande pour diriger les foules. Mais celles-ci commencent à déserter les télévisions. Et à discerner et filtrer les codes nauséabonds de ceux bons à consommer. Puis, de New-York à Jérusalem, de Madrid à Berlin, de Moscou à Tokyo, ils interceptent et renvoient les messages polluants dans les hauts parleurs des donjons du château fort où siège le Capital. Les rois et les seigneurs pensent leurs sujets comme des êtres malléables corvéables à merci, comme des bras articulés prêts de manière robotique à soudoyer leur autorité à tout instant. Mais c’est méconnaître que leur idylle féodale a tourné les dernières pages de son prologue.


1. Une forteresse assiégée par ses meilleurs alliés…

Car de la bêtise et de l’obscurantisme, vont bientôt émerger l’intelligence, la raison, le bon sens et l’indicible notion du bien commun pour tous. Pour preuve, en campagne, pauvres et vagabonds parlent de révolution citoyenne. L’idée de refuser de payer une dette illégitime et odieuse fait son chemin, et celle d’imposer un salaire maximum aux grands seigneurs vient d’être décrétée audible et crédible. On progresse. Partout, un même ennemi est estampillé sur les discours et les coordinations, les organisations, les actions fleurissent et se multiplient.

Car si les capitalistes du château commencent à être rattrapés par la maladie d’Alzheimer, il y en a bien d’autres, travaillant aux champs, qui se souviennent des leçons à tirer de l’Histoire. Les malades de la mémoire n’ont en tête que la tragédie d’un atroce génocide (pardon du pléonasme) antisémite pendant qu’en coulisses, ils oublient que la xénophobie est le premier proxénète du fascisme. Ils se délectent d’une tragédie historique en jouant de la victimisation à chaque mot contraire à la diabolisation, pour semer la terreur partout où ils agissent. Ils établissent un racisme d’État et s’acoquinent avec les fiefs d’extrême-droite afin de rendre profitables et «compétitives» les entreprises multiseigneuriales qui frappent aux portes du château. Mais c’est ignorer l’idée qu’elles sont là pour le détruire. D’ailleurs, il y a belle lurette que ces exploiteurs inspectent du coin de la lorgnette le coffre-fort du château et qu’ils ne payent plus l’impôt royal. Ainsi, à force de s’endoctriner de billevesées moribondes, les dirigeants du château ont cru que le danger venait de l’extérieur, qu’il venait de ceux qui voulaient passer les douves, sans voir que les banquiers et les financiers avaient spéculé sur le délabrement des murailles. Une fois la forteresse en ruines, tous les voisins pourront bien y pénétrer jusqu’à saturation, ils y mourront de faim sans concessions. Très vite, les paysans ont été réduits au chômage structurel, le château assiégé n’a plus eu d’esclaves pour importer du blé et les gardes refusant de commettre le populicide, ont retourné leurs baïonnettes contre leurs chefs. La ville-forteresse bascule alors dans une cruelle disette sous le regard hagard et mesquin des créanciers qui ricanent en haut des tours crénelées. Ces bandits vont même jusqu’à attribuer des notes lettrées à ceux qui marchandent le mieux les denrées pillées : une galette de blé vendue la moitié de son prix est sanctionnée d’un AAA. Un crédit consenti sur le pain donne un AA à l’affamé. Et tout un cortège de miséreux multipliant les prêts à taux usuriers exorbitants pour payer leurs dettes et manger ont été inscris en C ou en Défaut.


2. Diantre ! Ils font la révolution au château !

La foule au dehors, déshumanisée par le travail, le stress, l’angoisse, la dépression ou les cancers, a très vite compris mieux que quiconque ce qui était bon pour elle : manger sainement, boire, dormir, vivre et partager le plaisir charnel, élever ses enfants, jouir de santé, pouvoir se déplacer, s’amuser et/ou se cultiver. Le travail, le pouvoir, la hiérarchie, les soumissions à l’autorité, l’abandon de la dignité de soi et les humiliations ne sont pas des choses qui lui font foncièrement envie. Et même si les esclaves modernes rongent leur vie à élimer la terre ou la matière, ils ne sont pas amnésiques. A chaque frustration subie, ils savent qu’il suffit de refuser les ordres et s’affranchir de la dette seigneuriale pour reprendre le pouvoir que les marchands-rois, minoritaires, leurs ont volés. Bien sûr, ils continueront à travailler, mais cette fois-ci pour le bien de la communauté et non pour tout donner aux nobles. Car la liberté, la justice sociale et la dignité ne s’achètent pas, elles sont des femmes charmantes et envoutantes que nous nous devons de séduire.

Le peuple de la seigneurie sait que s’il n’agit pas maintenant, demain ce sera pire. Alors bientôt, il regroupera les richesses qu’il a produites et les partagera dans la famille, dans le village, dans le quartier, espérant que l’élan solidaire va même gagner tous les fiefs et les royaumes attaqués par les créanciers illégitimes. Même le medium de l’argent doit être instrumentalisé comme un bien commun, au même titre que l’eau ou l’air. L’eau et l’air sont des éléments vitaux à la vie. L’argent l’est aussi dès qu’il y a échanges de biens ou de services et interactions sociales. Une société qui tolère que 1% de ses membres possèdent 80% ou 90% du capital pendant que des Hommes meurent dans le froid sur le trottoir des rues, est une société pathologique et décadente. C’est pourquoi tout le monde doit recevoir de l’argent pour vivre, tout comme chacun respire de l’air. Pour ce faire, la nouvelle société aura plus qu’intérêt à ce que les banques soient des entreprises publiques, mises à l’abri des prédations privées. Simples questions de sécurité. Poussons un peu, il serait un progrès que le champ, l’atelier ou bien le magasin et tous autres outils matériels de production soient détenus de manière collective par ceux qui les font vivre. Qu’il n’y ait nulle propriété privée des moyens de production au bénéfice de personnes privées qui ne contribuent pas aux recettes du château pourrait être un progrès social inouï.


Cette chose nouvelle que l’on peut collectivement s’autoriser à prononcer désormais, possède un mot. Plus, un nom, une étiquette, un symbole, une couleur qu’on nous avait confisqués. Cela s’appelle socialisme et sa couleur rouge et noir qu’il arbore est le signe que l’Espoir et l’Amour vont bientôt supplanter la différence, la haine, le racisme et la guerre. La population en désarroi sait que s’associer aux autres rend la vie possible et que la mise en concurrence mutuelle est contreproductive pour atteindre son bonheur. Elle prend surtout conscience que ses chefs ne veulent pas son bien-être et que cet idéal socialiste, idéal de vie dans le respect d’autrui est désormais possible. Elle se met à embrasser des mots qui lui faisaient peur, des palabres de démocratie, d’autogestion, d’amour et de partage et se rend compte qu’il vaut mieux embrasser la liberté qu’un barreau de prison.

Mais plus percutante encore est la conscience de ce peuple, qui voit qu’il n’y a rien de plus beau qu’un Être désespéré qui a retrouvé le sourire et qui transmet sa joie de vivre aux autres. Une ravissante femme que l’on contemple dans la rue en dévorant ses yeux d’envie, le sentiment gratifiant de ne plus se sentir inutile, de se savoir doué pour quelque chose, le café du matin avalé avec son patron ou ses collègues, les regroupements nocturnes dans les villes… Chaque moment de la vie sociale devrait être une recherche de plaisir et non une contrainte subie. Se réattribuer le goût des plaisirs de la vie est devenu l’enjeu social majeur de nos temps contemporains, chimères que vos néolibéraux réprouvent avec véhémence. C’est pourtant ce qu’ils ont, eux, une vie de luxe et d’oisiveté.


Et, quand le bon sens fait sauter les lacets des œillères, les belles choses dites utopiques, impossibles, idéalistes, deviennent normales, comme devant s’imposer à l’Humanité. On prend même du plaisir à convertir sa rage et canaliser sa colère dans l’art de la poésie ou bien la musique, l’entreprise de bonne foi, le goût du don et de la solidarité. Une société dilapidée et spoliée revient toujours à ses heures de gloire où, prenant conscience de sa force décuplée, elle se met à déplacer des montagnes avec la puissance créatrice qu’est l’intelligence. C’est celle qui s’empare d’un humanisme révolutionnaire pour changer le monde sans devenir le bourreau de ses anciens inquisiteurs. La Révolution est un concept latent, dont on a l’impression qu’elle dort dans les méandres des esprits là où il y a parfois des signes qui nous montrent qu’elle est pourtant bien vivante. Qu’elle brille par son ardeur et sa splendeur. Et cette époque charnière où les aspirations utopiques se commuent en mistral d’espoir, les petits exploités du royaume savent qu’ils sont peut-être en train d’en vivre les prémices et premières esquisses. Preuve en est, les écuyers et les vassaux du village s’évertuent déjà à décrier l’inégale organisation de la vie sociale au château. On progresse. Plus qu’à s’y mettre tous. Petit à petit, les mains égarées d’affolement qui tombent sur les crânes et qui chassent l’ambition comme le vent balaye les feuilles mortes, se resserrent. C’est l’heure où les drapeaux rouges et noirs virevoltent en l’air comme pour chasser cette odeur pestilentielle d’individualisme, de racisme, de peur. Les doigts se contractent et se hissent en l’air, bras tendus et poings levés, comme message de lutte aux puissants que désormais, un citoyen est capable de rugir à la face de ses prédateurs pour les faire fuir, en tapant du point sur la table pour reconquérir sa souveraineté populaire. Qu’un citoyen n’est plus un matricule soumis, calme, timide, frêle, docile et humilié.


Non ! Place au peuple, et place à l’Humain d’abord ! Un citoyen de la 6ème République est un individu du 21ème siècle qui cherche le progrès social quand ses congénères se font les apôtres de la grande régression sociale. Dans son corps, pas de violence, dans son cœur pas de démence. Juste une avide soif de connaissances, une quête de sens, l’essence du bonheur partagé. Une résistance contre la dégénérescence d’une société gangrénée par le lucre. Une action sociale digne de ce nom pour une société vertueuse où chacun se redonne et s’échange les armes du savoir et du savoir-faire. Et cet humain du 21ème siècle sait qu’en chaque Être, se cache une intarissable source de talents à exploiter, modeler, travailler. Dans le 5ème royaume le plus puissant du monde, et la 2ème seigneurie la plus riche de la conjuration européenne, il n’y a jamais eu autant de richesses produites qu’aujourd’hui. On estime que le château enregistre un produit intérieur brut de 2 000 milliards d’écus par an. Mais huit millions (12,5% de la population) de roturiers vivent sous le seuil de pauvreté et 6% sont des travailleurs pauvres. En même temps, 500 grandes familles de la grande noblesse déclarent au moins 60 millions d’écus par an, jusqu’à la première (B. Arnault, LVMH) à 22 000 millions d’écus par an. Il est des roturiers qui souhaiteraient juste mettre à contribution ces familles de nobles là où leurs ancêtres du 18ème siècle leurs auraient tout simplement coupés la tête. On progresse.


Mais ne plongeons pas pour autant dans le dogmatisme partisan qui récupère les idées pour son compte dans l’arène de la communication et dans les arcanes du pouvoir. Méfions-nous des révolutions volées et des Hommes de bien qui se font l’avocat du diable, et lancent de la poudre aux yeux juste pour aveugler les électeurs. Le vote Front de Gauche pour la Révolution Citoyenne doit se faire mais avec méfiance, car le vote à toujours été l’instrument rêvé pour canaliser les masses et étouffer les ardeurs populaires. Et enfin, rappelons-nous que les révolutions profitent souvent aux classes bourgeoises dominantes. Conjuration de Gauche, nombre de roturiers s’apprêtent à te soutenir au royaume, et ils t’ont à l’œil si tu les trahis. Résistons en espérant que tu ne sois pas de ceux qui vendent la révolution par opportunisme politique. Un certain François Mitterrand, surintendant de Charente en son temps vivant, fit son programme électoral de 1965 à 1981 en critiquant la Cinquième Charte, celle qui lui convenait fort bien une fois passé le sacre du 10 mai !

Samuel Moleaud

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