Ce n'est pas que les réveils soient devenus plus laborieux : c'est juste que j'ai de moins en moins envie qu'on m'emmerde dans ces moments là.
À commencer par les nouvelles du monde.
Il en est qui se ruent sur leur navigateur et ouvrent 85 onglets à la fois pour se plonger avec un mélange de délices et d'épouvante dans le monde qui ne va pas très bien. On le voit parce qu'ils retweetent tout ce qu'ils lisent sur tous les sujets possibles : les algues vertes, la Syrie, Lady Gaga, des photos de gros zizis, des articles d'économie, des liens vers de blogs.
Je suis impressionné.
Et jamais je ne ferais ce genre de choses. Puisque n'ayant aucune envie d'avoir la tête emplie du fracas du monde avant d'avoir fini le mug de café.
Le premier, je veux dire.
La "maturité" n'a pas que des inconvénients : avec ma tronche et mon look minimaliste baskets-blouson, on me prend de plus en plus pour un mec de la BAC. Et de fait, je ressemble à ces types. Vous pouvez toujours ricaner mais ressembler à un flic brutal vous offre l'inestimable tout autant que discrète joie de considérablement moins vous faire emmerder. Et puis disons le : j'aime bien ce moment quand mon interlocuteur/trice détourne le regard pendant la conversation, alors que je le regarde droit dans les yeux. Le visage inexpressif.
Suis-je gamin, parfois.
Je me demande comment vivent mes contemporains, ceux de mon âge, les enfants du choc pétrolier qui n'ont jamais connu la gauche - la vraie gauche, s'entend - au pouvoir. Mitterrand à 8 ans c'est un peu jeune pour s'en réjouir et ça n'a pas duré assez longtemps pour s'en rendre compte. Nos référents politiques sont du côté "d'avant" d'où d'ailleurs cette difficulté à penser de nouvelles formes politiques. Les trentenaires sont une espèce très frileuse, politiquement. Ah et puis cette façon qu'ils ont de faire des citations de penseurs morts pour tout justifier sans arrêt, c'est fatiguant, voilà. Ouais ouais ouais, c'était mieux avant, mais bien sûr, et vas-y que je te regrette de ne pas avoir connu mai 68, et vas-y que je te fantasme sur comment c'était "avant" et que c'est sûr qu'à l'époque de Germinal y avait du syndicalisme autre poilu que la CGT de maintenant, ça. La paralysie sidérée de la gauche à imaginer un avenir vient aussi des générations militantes qui la composent à ne pas savoir où elles habitent et à tourner en rond en faisant semblant de "douter".
Je n'ai aucun doute.
Politiquement parlant, s'entend.
Le Socialisme est la seule solution, le reste n'est que branlette petite bourgeoise. La seule question à se poser est le "comment", le "pourquoi" n'ayant aucun intérêt dans un monde où des spéculateurs rayent un pays de la carte en appuyant sur la touche "Entrée" de leur clavier. Si vous ne comprenez pas cette réalité élémentaire, vous n'avez rien à faire à gauche. Allez coller des affiches chez Europe Ecologie et surtout n'exprimez rien de ce qui vous traverse la tête, ça n'a aucun intérêt.
Déjà que je n'étais pas patient quand j'étais plus jeune...
Et si il n'y avait que ces 2 secondes pour booter la machine le matin.
Quand je regarde de près mes mains, je les vois. Les petites taches. Pour l'instant encore minuscules, à peine décelables, mais néanmoins là.
Ça fait réfléchir.
Et je suppose dans la foulée que ce genre de réflexion est inévitable à un certain moment de la vie. Genre jeter un oeil sur le passé et tirer des bilans blablaba, ce genre de conneries. Le bilan il est vite vu : je me sens mieux qu'il y a 20 ans et malgré les 2 secondes de départ du matin, biologiquement incontournables, je suis moins "vieux" que bien des gens plus "jeunes". N'avoir pour projet à 25 ans que de s'endetter sur 30 ans pour devenir propriétaire et s'écrouler devant M6 après le boulot, désolé, mais c'est un comportement de cadavres avant l'heure.
Bref.
Et puis, ceci dit, un ou deux éléments me donnent à penser que je ne suis pas encore complètement décrépi. Ça va.
http://comite-de-salut-public.blogspot.com/2011/08/2-secondes.html
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