« Qu’est ce que vous croyez ? Que les jeunes qui ont fui la faim ou la guerre rêvent de venir en Seine-Saint-Denis ? Non ! Ils se placent sous la protection de la France. » Claude Bartolone ne décolère pas et somme l’État de prendre ses responsabilités. Comme il l’avait menacé dans un courrier au garde des Sceaux en juillet dernier, le président socialiste du conseil général de Seine-Saint-Denis refuse, depuis le 1er septembre, d’accueillir les mineurs isolés étrangers (MIE) qui lui seraient confiés par la justice ou qui se présenteraient à ses services.
Une réponse radicale à une situation explosive. Point d’entrée sur le territoire français via l’aéroport de Roissy, le département de la Seine-Saint-Denis accueille cette année près de 1000 enfants ou adolescents étrangers non accompagnés (lire ci-dessous), soit quasiment le double d’il y a quatre ans. Les structures sont saturées, les travailleurs sociaux à bout, la situation devient ingérable. « Avant l’été, nous avons dû utiliser des toiles de tentes, tellement nous manquons de place, poursuit Claude Bartolone. Ces jeunes ont besoin d’un suivi particulier, nous n’avons plus les moyens de les accueillir convenablement. »
Depuis le 1er septembre, tout mineur isolé étranger qui serait confié au service de l’aide social à l’enfance se voit réorienté vers la protection judiciaire de la jeunesse. A la justice donc de lui trouver un lieu d’accueil. Une « démonstration par l’absurde » reconnaît Claude Bartolone, qui plaide pour une « péréquation régionale » de la prise en charge de ces mineurs, autrement dit, une répartition entre conseils généraux.
Les associations, elles, attendent avec anxiété les conséquences d’une telle décision. «Pour l’instant, nous n’avons pas constaté d’incidences fortes sur le terrain, remarque Didier Piard, directeur de l’action sociale à la Croix Rouge. Cela devrait venir dans les semaines qui viennent. » Pour sa part, France Terre d’asile, « s’inquiète de cette situation, dont les premières victimes sont des adolescents auxquels la France s’est engagée à apporter protection ». L’association a écrit au Premier ministre, François Fillon pour lui demander de convoquer, en urgence, une table ronde sur les mineurs isolés étrangers.
Après des années de silence de l’État, l’initiative du Conseil général du 93 pourrait faire bouger les lignes. Une réunion interministérielle s’est tenue lundi sur le sujet.
Les mineurs isolés étrangers en France :
- Les mineurs isolés étrangers (MIE) seraient entre 6000 et 8 000 en France selon les estimations. 4000 bénéficient d’une prise en charge par les services de l’Aide sociale à l’enfance.
- Arrivés seuls sur le territoire, les MIE viennent d’Europe de l’Est (Roumanie, ex-Yougoslavie, Albanie), du Maghreb, du Moyen-Orient, d’Afrique subsaharienne et de Chine.
- Depuis la réforme de protection de l’enfance en 2007, la protection des mineurs, qu’ils soient Français ou étrangers, revient aux départements.
- En 2010, la Seine-Saint-Denis a accueilli 943 mineurs isolés étrangers, contre 567 en 2007. Le budget pour 2011 est évalué à 42 millions d’euros contre 35 millions en 2010.
- Paris et la Seine-Saint-Denis ont accueillis, en 2009, près des deux-tiers des MIE à leur arrivée en France. Mais ces mineurs sont également présents en nombre à Mayotte, où de nombreux jeunes comoriens tentent de débarquer, au péril de leur vie, dans des embarcations de fortune.
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