J'ai rencontré, à cette époque, réfugié à Paris, un candide anarchiste, considéré dans son pays comme déserteur. Envoyé en exercice avec son bataillon, il n'était pas rentré à l'appel, parce que, disait-il avec un sourire désarmant, il était trop absorbé à admirer les fleurs de la montagne. Il ne racontait jamais comment il avait réussi à sortir du pays pour arriver en France...
Les soirs de grand cafard, il écoutait en boucle un disque de Melina Marcouri. Et quand il n'en pouvait plus de nostalgie, il s'achevait en posant sur la platine - on disait "tourne-disque" - l'enregistrement de La ballade de Mauthausen de Mikis Theodorakis.
Alors, s'élevait la voix de Maria Farantouri.
(La ballade de Mauthausen comporte quatre chants composés par Mikis Theodorakis sur des poèmes de Iakovos Kambanellis, qui passa deux ans à Mauthausen comme prisonnier politique. Le premier enregistrement, qui date de 1966, est complété par un ensemble de six mélodies que l'on nomme désormais le Cycle Farantouri.)
On peut l'entendre ici, malgré un enregistrement plutôt médiocre, lors d'un concert donné par Theodorakis à Thessalonique, en 1975, après la chute des colonels.
(La ferveur du chant de Farantouri ferait presque, pour un temps, oublier les derniers errements séniles du compositeur.)
Άσμα Ασμάτων (Asma Asmaton), soit "le Cantique des Cantiques" (*)
qui ouvre La ballade de Mauthausen. :Pour qu'une telle rencontre entre deux artistes venus d'horizons si différents soit une telle réussite, il fallait que ce soit le fruit d'une longue amitié entre deux authentiques musiciens. C'est le cas, et c'est cela qui s'entend d'abord.
Maria Farantouri et Charles Lloyd étaient entourés, dans ce morceau, par les musiciens du quartet habituel du saxophoniste, Jason Moran au piano, Reuben Rogers à la contrebasse et Eric Harland à la batterie.
Durant le concert, ils sont rejoints par Socratis Sinopoulos à la lyra et Takis Farazis au piano, comme ici, où ils jouent un air traditionnel de la Mer Noire, Του Ήλιου το Κάστρο (Tou hyliou to kastro), ou "Le château du soleil".
A voir, dans les dernières images, Charles Lloyd esquisser son salut habituel, la vidéo suivante est peut-être celle du dernier morceau. Maria Farantouri chante un texte d'Agathi Dimitrouka, sur une musique de Charles Lloyd, et l'on atteint la plénitude de l'accord parfait.
Cette plénitude qui fait qu'un soir, comme ça, vous ne rentrez pas avec les autres à la caserne...
Requiem.
(Avec hélas ! un "ploc" à 2.55...)
Qu'elle est belle, ma bien-aimée
Avec sa robe de tous les jours
Et un peigne dans les cheveux
Personne ne savait qu'elle était si belle
Femmes d'Auschwitz
Femmes de Dachau
N'avez vous pas vu ma bien-aimée ?
Nous l'avons vue dans un lointain voyage
Elle ne portait plus sa robe
Ni de peigne dans les cheveux
Qu'elle est belle, ma bien-aimée
Sous les caresses de sa mère
Et les baisers de son frère
Personne ne savait qu'elle était si belle
Femmes de Mauthausen
Femmes de Belsen
N'avez-vous pas vu ma bien-aimée ?
Nous l'avons vue sur une place gelée
Avec un chiffre dans sa main blanche
Avec une étoile jaune sur son cœur
Qu'elle est belle, ma bien-aimée
Sous les caresses de sa mère
Et les baisers de son frère
Personne ne savait qu'elle était si belle
http://escalbibli.blogspot.com/2011/09/une-voix-du-peuple-grec.html
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