mardi 19 juillet 2011

Comment réinventer notre démocratie ? L’exemple des zapatistes

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La classe politique ne sert plus les intérêts du peuple. La façon dont le pouvoir est exercé constitue une question centrale pour éviter cette dérive. Depuis 20 ans, les zapatistes expérimentent avec succès des solutions innovantes. Comment s’en inspirer ? Comment les soutenir ?

La question centrale des formes d’exercice du pouvoir

Associations, partis politiques, collectivités locales, Etat... à peine élus ou nommés, même les "responsables" les plus vertueux ont tôt fait de se préoccuper avant tout de rester de leur côté de la barrière, en oubliant bien vite les problèmes réels de ceux qui leur ont permis de la franchir... Quel est donc ce mal étrange qui corrompt aussi vite ceux d’en haut ? Le pouvoir.

Ce constat n’est pas nouveau, mais il atteint dans nos démocraties occidentales des dimensions proprement hallucinantes. Comment ne pas être atterré par cette unanimité de la classe politique à ne jamais remettre en cause les principes même du système économique et politique qui régit nos vies, alors que sa faillite à faire le bonheur des gens s’avère tous les jours plus éclatante que la veille ?

Rien ne changera réellement tant que les formes actuelles d’exercice du pouvoir ne seront pas remises en cause. Evidemment, la centralité de cette question est occultée par ceux qui ont la parole. La solution viendra d’en bas, ou d’ailleurs... du Mexique ?

Les solutions des zapatistes

Au-delà de la figure emblématique du Sous-Commandant Marcos, le mouvement zapatiste est un mouvement révolutionnaire né il y a une vingtaine d’années dans l’État du Chiapas au Mexique. Issue de la rencontre improbable des mouvements révolutionnaires classiques des années 60 et 70 avec une culture indigène traditionnelle, la pensée politique zapatiste constitue l’une des innovations politiques les plus passionnantes, novatrices et prometteuses de ces dernières décennies.

Leur maxime "commander en obéissant" se concrétise par un système ingénieux de rotation rapide à tous les postes de responsabilité, exercés de façon collégiale au sein d’assemblées délibératives spécialisées (santé, justice, économie, éducation, etc.). Le tout sous le contrôle du "conseil de bon gouvernement", fonctionnant lui aussi selon ce même principe de rotation rapide.

Prenons concrètement l’exemple de la santé. Chaque hameau élit ses représentants au conseil local chargé de ces questions, lui-même élisant ses représentants au conseil régional. Mais pour la durée du mandat (par exemple trois ans), ce ne sont pas une mais trois équipes qui sont élues. Chaque responsable part exercer son mandat pendant trois semaines par exemple (les durées peuvent varier d’un thème ou d’une région à l’autre). A son arrivée les autres l’informent des dossiers en cours.

Pendant qu’il exerce sa "charge", l’élu n’est pas payé, mais les autres habitants s’occupent de ses terres et subviennent aux besoins de sa famille. Après ces trois semaines, il informe à son tour les suivants des dossiers en cours et rentre chez lui reprendre sa vie "normale" pour six semaines.

Ce système présente de nombreux avantages : l’élu reste avant tout un citoyen qui travaille, mène une vie normale et surtout "subit" immédiatement en tant que citoyen les conséquences des décisions qu’il prend en tant qu’élu.

Par ailleurs, la corruption est quasi inexistante car les élus n’ont aucun intérêt à prendre des décisions qui ne soient pas à l’avantage du citoyen qu’ils restent les deux tiers du temps. Sans compter qu’il est beaucoup plus compliqué de corrompre trois équipes de responsables qui reprennent à chaque fois les dossiers en cours avec un œil neuf...

Ce système n’est-il pas trop lourd et fastidieux ? Il faut à chaque fois réexpliquer, former de nouveaux intervenants, rediscuter... Peut-être, mais les zapatistes ont choisi de ne pas aller vite, et surtout considèrent que les précieux avantages de cette organisation surpassent de beaucoup ses inconvénients réels.
Quoi qu’il en soit, ça marche ! Les zapatistes s’auto-gouvernent aujourd’hui sur un territoire correspondant à plusieurs départements français.

Et en France justement ?

Le contexte n’est évidemment pas le même chez nous. Nous n’avons pas cette culture traditionnelle des assemblées et sommes essentiellement urbains. Quels principes pouvons-nous néanmoins identifier dans la pensée zapatiste pour nourrir nos réflexions politiques ? Nous en distinguons trois :

L’autonomie : le monde ne nous plait pas ? Faisons-le autrement, entre nous, tout de suite et sans attendre d’élire quelqu’un pour le faire à notre place. Les zapatistes ont ainsi mis en place des services publics communautaires dans les domaines de la santé, de l’économie, de la justice, de l’enseignement... mais ils partaient de rien. Chez nous, ce principe de l’autonomie peut être transposé dans de multiples contextes même limités et très localisés. L’essentiel est d’identifier un problème ou un besoin et de se dire "nous qui sommes concernés, nous allons définir ensemble la solution que nous voulons... et la mettre en œuvre ensemble".

Le rapport au temps : oublions les échéances électorales.

Construisons les alternatives à notre rythme, une problématique à la fois, en prenant le temps de développer patiemment des solutions durables, entre citoyens. Un petit pas à la fois, mais sans reculer...
L’exercice du pouvoir : c’est l’un des apports essentiels du mouvement zapatiste. Le système de rotation rapide que nous avons évoqué peut être mis en place à de multiples niveaux, mais il heurte profondément notre culture politique et sociale, marquée par la conviction savamment entretenue que les problèmes sont compliqués et ne peuvent être résolus que par "ceux qui savent". Une nouvelle éducation civique est à inventer, avec des stages qui pourraient s’adresser autant aux adultes qu’aux enfants !

Comment s’inspirer des zapatistes ?

La pensée politique des insurgés du Chiapas peut contribuer au renouveau de notre démocratie occidentale, en suscitant de multiples initiatives montrant que l’on peut oser faire autrement, qu’il existe des alternatives et que l’histoire peut se remettre en mouvement.

C’est à notre modeste mesure ce que nous entreprenons avec la Coopérative Atanka, née de la rencontre entre ces réflexions politiques et les besoins exprimés par des paysans de différentes régions. Atanka veut témoigner que l’on peut faire autrement, que des alternatives existent dans trois domaines :
La production agricole, en réunissant des paysans qui réinventent l’agriculture de demain, une agriculture respectueuse des sols, de la nature et des hommes.

L’économie, en adoptant le statut d’une SCOP et en incarnant les valeurs de l’Economie Sociale et Solidaire, "l’économie qui sait où elle va".
La consommation, car manifester dans la rue ou signer des pétitions sur Internet c’est bien, mais réorienter une partie de sa consommation pour arrêter de soutenir ce système avec son caddie, c’est pas mal non plus ! Atanka organise ainsi la vente en ligne de produits bio et paysans, livrables dans toute la France.

Comment soutenir concrètement les zapatistes ?

Les paysans insurgés du Chiapas produisent le Café Rebelle et Zapatiste, importé, torréfié et conditionné en Europe par un réseau d’associations de soutien présentes dans chaque pays.
Atanka soutient cette action et ne prend aucune marge sur ce produit : la totalité du prix de vente est reversée au comité de solidarité français (le CSPCL), qui remet l’intégralité de la marge de distribution aux zapatistes pour financer le développement des services publics dans les "Caracoles" (préfectures des insurgés du Chiapas).
> Commande en ligne du Café Rebelle et Zapatiste (disponible en stock, livraison dans toute la France).

Et le grand soir dans tout ça ?

Ensemble, nous pouvons faire mentir la tristement célèbre sentence de Margaret Thatcher : il n’y a pas d’alternative ("There Is No Alternative" - TINA).

A défaut de grand soir, la multiplication de ces initiatives constitue autant de petites lumières qui finiront par allumer une nouvelle aube...

Lire cet article sur notre blog Mediapart, avec notamment une description du système de rotation rapide des charges de responsabilité qui concrétise la maxime "commander en obéissant" des zapatistes.

Coopérative Atanka

photo ; http://www.flickr.com/photos/olivieroctobrephotographies/4945881557/

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