samedi 30 juillet 2011

Un retour discret


La France est généreuse...

C'était, vous en souvient-il, l'une des blagues préférées de monsieur Éric Besson, à l'époque où il occupait le poste de ministre des Expulsions. Personne, à ma connaissance, ne lui a demandé pourquoi cela se voyait si peu.
Il aurait certainement répondu que la France a la générosité discrète.

(Et en insistant un peu du côté des "pourquoi ?", peut-être aurait-il fait une allusion au danger qu'il y a de créer un "appel d'air"...)

Il y presque quinze mois, le 4 mai 2010, ses services avaient approuvé la décision généreuse d'offrir à la famille Vrenezi un aller simple pour le Kosovo. Et preuve qu'on n'y regardait pas de si près - au risque de flanquer des aigreurs d'estomac à la Cour des Comptes -, on avait même tout spécialement dépêché, la veille au soir, un groupe d'une trentaine de gendarmes à l'institut d'éducation motrice de Freyming-Merlebach (Moselle) où le second de la fratrie, Ardi, avait été admis plusieurs mois avant.

La famille Vrenezi au complet.

Ceux qui étaient à l'IEM ce soir-là pouvaient-ils oublier ?

Certainement pas Sylvie Favaro :

J’étais là le soir où les gendarmes sont venus chercher Ardi à l’institut de Freyming-Merlebach. J’ai accompagné l’adolescent jusque dans l’ambulance, je lui avais promis qu’il reviendrait, sans y croire vraiment.

Avec ses ami(e)s du comité de soutien, elle a fini par y croire, malgré les embûches, les mensonges, les découragements et les fausses promesses...

Et finalement la promesse qui a été tenue, ce n'est pas celle des autorités assurant qu'Ardi pouvant être soigné de manière convenable au Kosovo, mais c'est celle de l'infirmière : Ardi Vrenezi, ses parents, son frère et sa sœur sont revenus en France le 28 juillet. Ils "ont atterri vers 20H00 sur la base aérienne 128 de Metz-Frescaty à bord d'un avion sanitaire médicalisé", nous dit la dépêche de l'AFP.


Le retour d'Ardi, vu de loin.
(Photo Karim Siari/Le Républicain Lorrain.)
Je ne suis par sûr que le ministère de l'Intérieur, qui est maintenant en charge des Expulsions, ait voulu faire acte de générosité en accordant à Ardi et sa famille un visa de trois mois - ce qui est, convenez-en, plutôt parcimonieux -, mais il a tenu à ce que leur retour sur le sol français soit empreint de la plus grande retenue. On ne pouvait pourtant craindre qu'on accuse les personnels dépendant de la place Beauvau d'être atteints d'humanitarisme hypertrophié...

Dans son article du Républicain Lorrain, intitulé Ardi rapatrié en catimini, Stéphane Mazzucotelli fait le constat de cette ferme volonté de discrétion :

Personne, en France, n’a été clairement tenu au courant de la date, de l’heure et des conditions du rapatriement.(...)

(...) La famille a voyagé en vol direct depuis Pristina dans un avion médical spécialement affrété par l’État français. Mais au ministère de l’Intérieur, on restait extrêmement vague sur les détails de ce retour, quelques heures plus tôt. Publicité minimum autour de ce cas embarrassant. Même les proches des Vrenezi, les membres des associations qui ont milité pour le retour de cet adolescent, dont l’expulsion avait d’emblée été jugée inhumaine, n’ont pas été tenus au courant.

Les soutiens d'Ardi et de sa famille ont ainsi fait le pied de grue pendant une bonne partie de la journée à l'entrée de la base aérienne 128. Ils ont bien dû constater quelques mouvements, mais les autorités ont pris soin d'évacuer la famille par une autre sortie. C'est la grande sœur d'Ardi, Mimosa, qui les a prévenus, vers 21 h, de leur arrivée à l’hôpital Bon-Secours de Metz, où son frère a été admis dans le service de pédiatrie.

Stéphane Mazzucotelli poursuit :

Isabelle Kieffer, pédiatre du jeune kosovar en France, n’a pas mâché ses mots avant de se précipiter à l’hôpital : « C’est triste et écœurant. Il n’y avait aucun risque. Nous voulions juste voir Ardi et sa famille, leur faire un petit signe, pour leur dire qu’on ne les a pas oubliés. Cela confirme que l’État français n’a pas la conscience tranquille dans cette affaire ».

Finalement, les défenseur(e)s des Vrenezi ont pu les retrouver plus tard dans la soirée, et Sylvie Favaro, qui tient fidèlement le blogue de Ardi, a promis un album photo...



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