mardi 5 juillet 2011

L’IRM et l’autogestion


Ensemble


C’est mon ami Pierre Assante qui m’interpelle !

"Il est dommage et même impossible de partir de zéro comme si rien n’avait été fait auparavant..."

Et il me fait parvenir, tout en regrettant de ne pas m’envoyer l’ouvrage entier qui en rend compte, l’introduction de Francette Lazard lors d’un colloque de l’Institut de Recherches Marxistes (IRM) sur le thème : "L’autogestion : une stratégie révolutionnaire, une démarche au présent."

Ce colloque est, bien sûr, daté, cela renforce son intérêt : 6, 7, et 8 juin...1980 !

Dans un article précédent, "Le PCF fut-il pour l’autogestion ?", j’ai déjà évoqué cette époque de la vie du PCF en rendant compte d’un ouvrage de Félix Damette et de Jacques Schebling...

C’était au lendemain du 23ème Congrès du PCF qui se tint début octobre 1979.

D’ailleurs, Francette Lazard fait référence aux décisions de ce congrès comme le font aussi Damette et Schebling.

LA RESOLUTION DU 23ème CONGRES DU PCF

Francette Lazard cite pour sa part cette résolution.

Après avoir dit que, "nous voulons contruire un socialisme autogestionnaire parce que nous voulons une tranformation fondamentale de la société, des rapports humains libres et égaux, justes et fraternels", elle mettait en valeur "la précision et la force avec lesquelles la résolution adoptée au 23ème congrès définit le socialisme autogestionnaire pour la France" et considérait que cela valait de citer ce passage dans son intégralité.

BESOIN DE DEMOCRATIE SOCIALE

"La France a besoin de démocratie sociale.

"Le développement de tous les individus, dans la diversité toujours plus riche de leurs personnes et dans de nouvelles solidarités, voilà ce qui doit devenir le but et le moteur d’une économie moderne, d’une nation moderne.

"Ce progrès implique en priorité la lutte contre l’austérité et le chômage, la lutte contre la pauvreté, contre les inégalités.

BESOIN DE DEMOCRATIE ECONOMIQUE

"La France a besoin d’une démocratie économique.

"Elle doit mettre en oeuvre un nouveau type de développement conçu, orienté et contrôlé par et pour les travailleurs, les usagers, les citoyens.

"Cette maîtrise suppose que les grands moyens de production et d’échange deviennent la propriété de la société. Elle exige un ensemble suffisant de nationalisations démocratiques, à côté d’autres formes de propriété sociale et d’un secteur économique fondé sur la propriété privée.

BESOIN DE DEMOCRATIE POLITIQUE

"La France a besoin d’une démocratie politique.

"Un pouvoir représentatif du peuples travailleur, au sein duquel la classe ouvrière exercera un rôle politique dirigeant,doit respecter et faire respecter les choix majoritaires.

"Ce pouvoir assurera la garantie des droits imprescritibles de l’homme, une expansion sans précédent des libertés, le respect du pluralisme, la possibilité de l’alternance.

"Ces changements dans la propriété des moyens de production et à la direction de l’Etat sont indispensables, mais ne suffisent pas.

"L’exploitation et l’oppression qui marquent toute la société capitaliste ont imprégné si longtemps et si profondément les mentalités, les habitudes, la culture, les rapports sociaux dans leur ensemble que ceux-ci risquent de survivre à la tranformation de la propriété, de l’Etat, et de reproduire, sur une base économique nouvelle, les hiérarchies et les comportements d’une société où une minorité dirige tout, alors que la masse des travailleurs est confinée dans un rôle d’exécution.

NE PAS REMPLACER DES BUREAUCRATES PAR D’AUTRES BUREAUCRATES

"Cette nouvelle base économique elle-même porte encore des caractéristiques de la vieille société d’où elle est sortie.

"La transformation sociale vers laquelle nous voulons avancer ne saurait consister à remplacer des bureaucrates par d’autres bureaucrates, des technocrates par d’autres technocrates.

"Elle ne saurait aboutir au remplacement d’un appareil autoritaire et centralisé par un autre, d’un conditionnement des esprits par un autre.

"Il faut donc, en même temps que la transformation de la propriété et du pouvoir d’Etat, entreprendre un effort fondamental pour modifier les rapports sociaux.

PASSER DE LA SUJETION A LA PARTICIPATION

"Il faut en tout domaine, à tout niveau, sous toutes les formes possibles – connues ou à imaginer – passer de la sujétion à la participation, du commandement à l’initiative.

"Il faut, dans l’entreprise, passer de la monarchie à une vie nouvelle mise en place par les travailleurs.

"Il faut aller vers l’autogestion communale, vers un véritable pouvoir régional.

"Il faut passer du gouvernement exercé de haut et de loin au profit d’une minorité à une gestion toujours plus large de la société tout entière par les travailleurs eux-mêmes, les citoyens eux-mêmes.

"L’autogestion, la démocratie poussées jusqu’au bout dans toute la vie sociale ouvriront pour chacun et pour tous des possibilités encore insoupçonnées.

LE SOCIALISME DEMOCRATIQUE AUTOGESTIONNAIRE DONT LA FRANCE A BESOIN

"Le socialisme démocratique autogestionnaire dont la France a besoin et que nous voulons, c’est cela."
Francette Lazard ajoutait tout aussitôt :

"Ce choix du 23ème congrès s’enracine aux sources du combat révolutionnaire et de l’idéal communistes.

"Il s’incrit dans le développement d’une réflexion exigeante et ouverte sur le mouvement historique des dernières décennies, sur les conditions d’une issue à la crise de la société ; sur l’expérience accumulée des forces révolutionnaires et des grands courants d’émancipation humaine qui marquent notre époque ; du socialisme dans la diversité de son développement réel ; de la pratique de nos propres combats de classe en France toutes ces dernières années, et notamment dans la période du Programme Commun avec les limites qui l’ont caractérisé.

"Cest précisément ce qui fonde la rigueur de ce choix, et invite à de nouveaux approfondissements, à une connaissance plus poussée des tendances contradictoires du monde contemporain dans toutes leurs dimensions historiques actuelles et prospectives.

A l’OPPOSE DE TOUTE IDEE DE MODELE

"Car, ajoutait-elle, à l’opposé de toute idée de modèle, de toute conception figée d’une théorie dont on déduirait la politique et l’avenir, le 23ème congrès souligne la nécessité d’un travail de connaissance sérieux et ouvert, et incite à un nouveau développement de la conceptualisation des processus historiques, de l’anticipation théoriques des diverses possibilités.

"C’est bien, poursuivait-elle, ce nouvel essor du marxisme qui est notre ambition, qu’il s’agisse ici de questions comme celles du rôle historique de la classe ouvrière dans la transformation révolutionnaire, des changements qualitatifs, du processus de rupture, des transitions, de l’Etat et de son dépérissement, des perspectives d’une nouvelle civilisation."

Et là, Francette Lazard se référe à une réflexion de Marx :

"La classe ouvrière n’a pas d’utopies toutes faites à introduire par décret du peuple.

"Elle sait que, pour réaliser sa propre émancipation et avec elle cette forme de vie plus haute à laquelle tend irrésistiblement la société actuelle de par sa structure économique, elle aura à passer par de longues luttes, par toute une série de processus historiques qui transformeront complètement les circonstances et les hommes."

LIBERER LES ELEMENTS DE LA SOCIETE

Et Marx poursuivait : "Elle n’a pas à réaliser d’idéal, mais seulement à libérer les éléments de la société nouvelle que porte dans ses flancs la vieille société capitaliste qui s’effondre."

Cependant, la réflexion n’était pas seulement politique et théorique, elle s’accompagnait d’orientations et de
décisions de travail.

En introduction à ces orientations politiques et idéologiques et à la discussion qui allait s’ensuivre en ces trois journées, Francette Lazard avait rappelé les décisions prise par le PCF pour les concrètiser.

Elle avait souligné le caractère original et l’ambition de cette réunion dont l’idée avait été lancée dès la rencontre de Bobigny qui fut, en décembre 1979, l’acte de naissance de l’Institut de Recherches Marxistes (IRM).

OEUVRER A L’ESSOR DU MARXISME

L’objectif était bien d’oeuvrer à l’essor du marxisme, lequel, disait-elle, ne pouvait se réaliser dans un univers clos, sans rapport avec le mouvement contemporain des luttes de classes, des luttes d’idées.

Et, ajoutait-elle, c’est justement parce que nous refusons, les uns et les autres, d’assister passifs à la désagrégation des choses et du savoir que nous voulons contribuer à une meilleure intelligence des questions-clé que posent la transformation révolutionnaire de la société française, en liaison avec les luttes émancipatrices des peuples du monde dans leurs contradictions, leur complexité, leur nouveauté.

L’AUTOGESTION PARMI LES OBJECTIFS FONDAMENTAUX DES COMMUNISTES

Francette Lazard rappelait alors que l’Institut de Recherches Marxistes était né également d’une décision du 23ème congrès, et qu’il se devait, comme première initiative, de se saisir d’une question que ce même congrès avait placée parmi les objectifs fondamentaux des communistes, l’autogestion.

La vocation même de l’Institut, son originalité, était bien de développer un travail de recherche en prise directe sur les perspectives de transformation du réel ouvertes par le Parti communiste français ; en prise directe sur ce qu’elle apporte à la compréhension du mouvement social ; en prise directe sur les besoins de connaissance qu’elle révèle.

Francette Lazard considérait que les activités de l’IRM étaient déjà foisonnantes. Dans le cadre des six grands secteurs de l’Institut, des dizaines de groupes et de collectifs se mettaient au travail, réunissant sous des formes diversifiées, des centaines de personnes.

Des centres de l’Institut s’organisaient également dans différentes villes et régions. La publication des premiers cahiers de recherche dans différents secteurs était confirmée...

Et elle précisait que ce colloque relatif à l’autogestion était conçu comme un moment nécessaire dans le développement de ces activités de recherches ;

UN COLLOQUE QUI N’A PAS D’EQUIVALENT

Avec ces trois journées de travail, "il s’agit, en quelque sorte, de faire le point, de mettre en commun les acquis et les réflexions ouvertes pour mieux préciser les pistes de recherche sur lesquelles il s’avère indispensable de progresser, pour aller vers des confrontations plus larges, des initiatives plus amples...

"Une réunion de cette nature n’a guère de précédent ni d’équivalent.

"Pour créer les mailleures conditions de cette mise en commun des connaissances et des expériences, le nombre des participants a été volontairement réduit – non sans difficultés d’ailleurs.

"La quasi totalité d’entre-vous a répondu à l’invitation en préparant – individuellement ou collectivement – une contribution.

"Plusieurs ont eu la possibilité de l’adresser à l’avance, et vous pouvez d’ores et déjà en disposer.

"La totalité des apports sera reproduite, afin que chacun puisse en bénéficier.

"Nous souhaitons que le maximum d’interventions puisse être prononcé dans les limites de temps imparties, afin que nous puissions, au terme des travaux, disposer du plus grand nombre d’éléments pour repérer de façon plus précise les axes de travail qui apparaîtront les plus nécessaires..."

AUTOGESTION, UNE STRATEGIE REVOLUTIONNAIRE

Francette Lazard va alors rappeler le point de départ, le cadre du colloque, résumé dans son titre :

"l’autogestion, une stratégie révolutionnaire, une démarche au présent."

L’autogestion, dit-elle, est placée dans la perspective d’une transformation révolutionnaire de la société française, d’une transformation sociale qui fasse avancer la démocratie plus moin qu’elle n’est jamais allée, qui développe, en tous domaines, de nouveaux rapports sociaux qui répondent aux besoins concrets d’une société concrète, la France en crise des années 80.

"En se donnant pour but un socialisme autogestionnaire, le 23ème congrès n’a pas rêvé de modeler la société française sur un idéal arbitraire."

LE SOCIALISME AUTOGESTIONNAIRE COMME SEULE REPONSE DE FOND

Elle précise : "Il s’agit de libérer les tendances les plus positives, les plus progressistes de la réalité elle-même, pour mieux en assurer et en maîtriser le développement.

"Car nous considérons que le socialisme autogestionnaire est la seule réponse de fond, réaliste, aux besoins objectifs de la France contemporaine.

"Ce que révèle en effet la crise actuelle, c’est qu’il est nécessaire de supprimer les rapports d’exploitation, de changer les rapports de l’homme à la machine, de l’homme à la nature, des hommes entre eux pour supprimer les gâchis et les blocages du mode de production capitaliste.

"Les temps de grandes mutations historiques invitent à repenser les choses, à développer les idées forces qui marquent leur époque, et cristallisent de façon durable les luttes et les espoirs des hommes."

UN RENVERSEMENT HISTORIQUE

Francette Lazard considère alors que, dans la France des années 80, un véritable renversement historique est nécessaire et possible.

"Il faut inverser le processus actuel qui conduit à concentrer et à centraliser la propriété, le pouvoir et les connaissances entre les mains d’un petit nombre ; à accumuler toujours plus les richesses à un pôle, de difficultés, de misères et d’injustices à l’autre ; à interdire au plus grand nombre le droit et le pouvoir de décider au travail, de déciser dans la vie.

"Il faut faire tomber les barrières de classe qui séparent aujourd’hui les travailleurs des moyens de production, les hommes de leur pouvoir d’intervenir sur leurs conditions d’existence, de leur capacité de décider de leur vie et d’élaborer leur avenir.

"Nous voulons construire un socialisme autogestionnaire parce que nous voulons une transformation fondamentale de la société, des rapports humains libres et égaux, justes et fraternels."

Michel Peyret

Note : on retrouvera l’intégralité de cette introduction de Francette Lazard sur le bloc de Pierre Assante : pierre.assante.over-blog.com

http://www.legrandsoir.info/l-irm-et-l-autogestion.html

photo :http://www.flickr.com/photos/clydehouse/3863280006/

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