mardi 13 septembre 2011

La méthode « libyenne », une grande menace pour l'Amérique latine




On essaie, avec la formule déployée par l'OTAN dans l'agression contre la Libye, de façonner un nouveau modèle applicable à d'autres pays -avec quelques variantes. La question fondamentale concerne à présent la grave menace de répétition de ce schéma fallacieux et retors envers d'autres pays qui représentent, par leurs ressources, un intérêt stratégique pour Washington et ses alliés, ou qui revendiquent une autonomie politique inacceptable -comme certains pays d'Amérique latine et des Caraïbes.
Au début du mois de janvier 1961, une imminente intervention militaire des Etats-Unis contre Cuba devenait évidente. On proclama, à partir du 31 décembre 1960, un "Etat d'alerte combatif pour toute la Nation"


On essaie, avec la formule déployée par l'OTAN dans l'agression contre la Libye, de façonner un nouveau modèle applicable à d'autres pays -avec quelques variantes. D'après les déclarations de Ben Rhodes, vice-chef du Conseil de sécurité nationale des États-Unis [1], lors d'une entrevue avecForeign Affairs [2], la « méthode » utilisée par l'administration d'Obama dans le pays nord-africain est « plus efficace » que le grand déploiement de troupes appliqué par Bush en Irak et en Afghanistan. Il conviendrait de rajouter : ... et poursuivi par l'actuel locataire de la Maison-Blanche, et encore augmenté dans le deuxième pays -mais ne nous laissons pas distraire. La question fondamentale concerne à présent la grave menace de répétition de ce schéma fallacieux et retors envers d'autres pays qui représentent, par leurs ressources, un intérêt stratégique pour Washington et ses alliés, ou qui revendiquent une autonomie politique inacceptable -comme certains pays d'Amérique latine et des Caraïbes.

Rhodes -un nom, à propos, de pure souche coloniale- note: « Le fait est que la marche des Libyens dans Tripoli non seulement fournit une base de légitimité mais aussi un contraste comparé à une situation où un gouvernement étranger est l'occupant. » Selon lui, Obama a mis l'accent, dès le début de l'intervention en Libye, sur deux principes. D'abord, il était beaucoup « plus légitime et efficace » pour le « changement de régime » que celui-ci soit recherché par un mouvement « autochtone » -et non par les États-Unis. Deuxièmement, [il fallait] mettre l'accent sur un « partage de la charge » et recevoir une contribution internationale « significative » au lieu d'assumer le gros de l'effort. L'aveu d'une partie dispense de la preuve. Si bien que la zone d'exclusion aérienne pour « protéger la population » –réclamée avec insistance par Obama, Sarkozy et Cameron afin d'obtenir l'approbation de la Résolution 1973 du Conseil de Sécurité de l'ONU– était un grossier mensonge, puisque le véritable objectif -avoue Rhodes- était le changement de régime. Bien sûr, il fallait beaucoup de naïveté pour croire au prétexte de la « protection de la population », mais la Russie et la Chine, avec une perspective stratégique discutable, ont opté pour l'abstention. Sans parler des porte-parole rénumérés, il n'a pas manqué d'intellectuels ni d'analystes naïfs pour porter de l'eau au moulin de l'agression en minimisant, par des prêches dans le désert, le principe de non-intervention.

Une fois la résolution arrachée à l'exclusif et sélect club qui contrôle l'ONU, l'OTAN l'a mise en pièces à force de tuer des civils et de détruire, par des bombardements non autorisés, une grande partie de l'infrastructure de la Libye -toujours dans le but de raser les lieux par où devait passer la bande de Bengazi. Il est clair également qu'ils pensent à la « reconstruction » par des compagnies de pays de l'Alliance atlantique elle-même, mais qu'ils ne reconstruisent rien -tout en gagnant beaucoup d'argent. Non contente avec cela, l'OTAN a enfreint de manière grossière une interdiction expresse de la résolution, en entraînant et armant les rebelles et en rentrant en guerre avec des moyens militaires terrestres des États-Unis, de la France, de l'Angleterre, des monarchies jordanienne et contre-révolutionnaires du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) [3]. En résumé, la prétendue intention de protéger la population libyenne s'est convertie en une intervention militaire étrangère d'une ampleur considérable envers cette même population. Cela bien sûr présenté, moyennant stratagèmes et montages médiatiques détestables, comme une idyllique prouesse des idéalistes « rebelles » libyens. Pour comble, les forces qui ont occupé Tripoli ne sont pas formées par l'anarchique et aventurière troupe de Bengasi, mais par des combattants aguerris libyens d'Al Quaeda appuyés par des tribus berbères des montagnes de Nafusa et entraînés par des forces spéciales usaméricaines.

On nous rabâche les oreilles avec la ressemblance entre Kadafi et Chávez, d'aucuns nous invitant ouvertement à appliquer, par exemple à Cuba, la solution « libyenne » qu'ils lient, de manière saugrenue, avec un 15-M. En réalité, il s'agit de répéter, principalement –mais pas uniquement– contre les pays de l'Alternative Bolivarienne pour les Amériques (ALBA) le scénario de la « rébellion réprimée par le dictateur » et de l'opération aérienne destinée à protéger la population. Comme un tel scénario ne va pas se produire dans des pays où le peuple est protagoniste du pouvoir, la viabilité de l'intervention dépend du montage d'une réalité virtuelle, profitant du contrôle médiatique monopolistique de Washington. Il est transcendantal pour l'indépendance et la paix de notre Amérique et du monde de le dénoncer, de le mettre à nu dès à présent et de se préparer à y faire face sur tous les terrains.



Notes
  1. Le Conseil de sécurité nationale (National Security Council ou NSC) est une organisation administrative dépendant directement du président des États-Unis. Il a un rôle de conseil, de coordination et parfois d’impulsion sur les sujets de politique étrangère, de sécurité nationale, et plus généralement sur l’ensemble des questions stratégiques. Il est en cela un acteur peu connu, mais majeur, parfois prédominant, de la politique étrangère des États-Unis. (Wikipedia)
  2. Foreign Affairs est un bimestriel, mondialement connu, publié à New York, par le Conseil des relations étrangères, depuis 1922 et diffusé à environ 100 000 exemplaires en 2004. Il traite de politique étrangère et de relations internationales. Il a été fondé après la Grande guerre dans le but de mieux comprendre les problèmes internationaux. De Woodrow Wilson à Henry Kissinger, les plus grands noms de la diplomatie américaine ont écrit pour cette revue. (Wikipedia)
  3. Le Conseil de coopération des États arabes du Golfe (arabe : مجلس التعاون لدول الخليج) ou Conseil de coopération du Golfe (CCG) (arabe : مجلس التعاون الخليجي) est une organisation régionale regroupant au départ six pétromonarchies arabes et musulmanes du golfe Persique : l'Arabie saoudite, Oman, le Koweït, Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Qatar. Dans le contexte des révolutions arabes du début 2011, les royaumes du Maroc et de Jordanie sont en cours d'adhésion. (Wikipedia)


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