mardi 4 octobre 2011

Oui, mais, tu viens de quel pays ?

Street Art


Mon fils a presque sept ans et, ce n'est pas parce que c'est mon fils, mais il est magnifique. Je l'ai adopté il y a bientôt cinq ans. Il connaît son histoire. Il sait où il est. Il joue, rit, est curieux de tout, quantité de copains le hèlent dans la rue. Je suis sa maman. On dit : "Ah, c'est vous la maman de V...!" Suivant avec moi le discours d'investiture de Barack Obama il dit, quelques jours après : "Barack Obama il est noir comme moi et moi aussi je serai président des Etats Unis." Les documentaires animaliers font ses délices. Il chante à tue-tête sur le requiem de Mozart, imitant les mouvements d'un chef d'orchestre. Il adore les jardins du Luxembourg où il passe des heures à faire voguer des bateaux de pirate, de préférence. Il aime les balades sur les quais, le muséum d'histoire naturelle, le musée du quai Branly -section Océanie-, la cour carrée du Louvre, la piscine des Halles, les cinémas... et tant de choses qui font son bonheur. Il aime Paris. Il y est chez lui.

En fin de grande section de maternellle, vient l'inscription en cours préparatoire. On me dit que la directrice de l'école fait ça très bien, qu'elle reçoit chaque enfant, lui parle. On me la présente comme une femme ouverte. J'y crois. Je l'ai croisée souvent, souriante, la même année: elle a participé à toutes les actions des parents pour l'ouverture d'une nouvelle classe. J'entre dans le bureau en confiance. Elle demande à mon fils de se placer à ses côtés, lui fait écrire son prénom. Puis l'interroge :"Tu viens de quel pays ?". V ... est interloqué et répond : "Je suis français." Elle reprend :"Tu viens de quel pays ?" A nouveau il dit :"Je suis français." Elle insiste :"Oui, mais, tu viens de quel pays ?" Il apporte la réponse attendue : "Du Congo." Et ce n'est pas fini. Elle reprend : "Tu es arrivé en France à quel âge ?"et insiste : "Tu avais quel âge quand ton papa et ta maman sont allés te chercher ?" Je réponds. Elle enchaîne sur "ces enfants qui sont des soleils".

Je sors, mon petit garçon à mes côtés. Et je ne comprends^pas ce qui nous est arrivé. Je me sens fragile et coupable de n'avoir pas su réagir. Je retiens mes larmes et j'ai envie de hurler. Très vite je me dis que je dois parler à mon fils, lui expliquer que la directrice s'est mal comportée, n'avait pas le droit d'ainsi le questionner. Je le fais. Il m'écoute sérieusement.

Je réfléchis à ce qui s'est passé. D'un point de vue personnel d'abord. J'aurais dû être plus à même de protéger mon fils contre cette intrusion dans sa vie, l'insistance de cette intrusion. La violence que j'ai ressentie m'a moi-même prise de court. D'un point de vue plus général ensuite. Nous étions à l'école, lieu d'accueil de tous les enfants, où l'on se doit de les respecter dans tout ce qui est leur personne, sans discrimination. Je pense à tous ces faux discours sur l'intégration, la laïcité, dans lesquels excelle ladite directrice. Et pourtant... tout naturellement, avec le sourire, elle a interrogé un enfant dans ce qui fait son être et sa singularité, qu'elle a posé comme sa différence. Elle a, consciemment ou pas, cru normal d'interroger parce que si cela gêne l'interrogé alors cela signifie que c'est lui qui n'est pas vraiment intégré, qui n'assume pas, qui ne va pas bien que sais-je encore. Cette idéologie double notre vie, l'envahit, sans prise de conscience, ce qui est la définition même de l'idéologie au sens marxiste du terme. Elle est aujourd'hui l'autre du racisme triomphant. Elle me fait peur. Pour aujourd'hui et pour demain

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