dimanche 9 octobre 2011

Tel des buffles furieux


En Italie, pas bien loin d’ici, à 750 km en ligne d’air...
Nous habitons la France, pays appartenant à l’Europe ce qui se passe en Italie maintenant risque d’être notre futur si on les laisse faire

Samedi 1 octo­bre :

Dans le pré en face au CIE (centre de réten­tion) en cours Brunelleschi l’atmo­sphère est sereine.

Si ce n’était pas pour ce mur, mille fois marqué par des graf­fi­tis de liberté, mille fois effa­cés et mille fois ré-écrits, ce serait un après-midi comme tant d’autres, dans cette fin d’été qui traîne.

Il y a à peu près soixante-dix per­son­nes : anti­ra­cis­tes de tous bords, des jeunes immi­grés qui ont déjà goûtés aux cages, des famil­les, sur­tout péru­vien­nes, qui sont venues sou­te­nir le lutte d’Ysmael, un acti­viste très connu, y com­pris dans les sphè­res en dehors de sa com­mu­nauté. Ysmael est enfermé dans une des cages et depuis plu­sieurs semai­nes il se bat, parce que sa vie est à Turin et qu’il ne veut pas quit­ter la ville.

Le 27 sep­tem­bre, ils ont essayé de le char­ger dans un avion en direc­tion de Lima. Cela parais­sait l’épilogue habi­tuel de l’his­toire, mais Ysmael a com­mencé à crier, à se débat­tre, jusqu’à quand sa pro­tes­ta­tion a attiré l’atten­tion du pilote, qui lui a demandé la chose la plus natu­relle, il lui a demandé s’il vou­lait partir pour le Pérou. Devant la réponse néga­tive, il a ordonné de le faire des­cen­dre : les poli­ciers n’ont pas pu faire autre chose que le rac­com­pa­gner au CIE, dans la cel­lule en iso­le­ment dans laquelle il a séjourné une bonne partie de son incar­cé­ra­tion.

La mani­fes­ta­tion de Samedi était un signe de soli­da­rité qui ras­sem­ble des gens dif­fé­rents, qui ont en commun la volonté de faire fermer le CIE et de donner du sou­tien à la lutte de tous les pri­son­niers, lutte que dans ces mois devient de plus en plus forte dans toute l’Italie.

Tout le monde com­prend dès le pre­mier moment que les hommes en tenue sont mal dis­po­sés : l’allée est blo­quée par les camion­net­tes, les force anti-émeute ali­gnées avec cas­ques et matra­ques, fonc­tion­nai­res avec bandes tri­co­lo­res, celles qui, au moins à Turin, met­tent uni­que­ment pour pou­voir décla­rer légi­time une charge.

Musique, inter­ven­tion, slogan. Rien d’autre.

Le pré­texte est fourni par un petit chien. Un quatre pattes imper­ti­nent qui n’a pas encore com­pris qu’il y a des limi­tes qui ne sont pas bonnes à fran­chir. Le chiot tra­verse la route, se dirige vers les hommes en tenue. Une fille lui court der­rière criant : « je vais récu­pé­rer le chien ».

Les gen­tils­hom­mes en tenue font partir quel­ques insul­tes, il y a des répon­ses. Les cas­ques des­cen­dent et c’est parti.

« Ils avaient l’air d’un trou­peau de buf­fles furieux » écrira une femme le len­de­main. Elle a une main enflée ; elle a reçu un coup de matra­que lorsqu’elle a inter­posé son bras dans une vaine ten­ta­tive d’arrê­ter un poli­cier qui était en train de tabas­ser son fils de 15 ans, qui, comme elle, était assis dans le pré.

Aux urgen­ces le garçon aura droit à une minerve et à 7 jours de pro­nos­tic réservé.

Les bles­sés sont nom­breux. Une cama­rade est frap­pée à répé­ti­tion sur la tête, se pro­tège avec la main, et gagne une frac­ture mul­ti­ple au petit doigt. Les autres ont sur la figure et sur le corps les mar­ques des coups reçus. Un groupe nom­breux d’anti-racis­tes se fait char­ger sur une cen­taine de mètres, tout au long de la rue Monginevro, en se fai­sant repous­ser vers les auto­bus et les voi­tu­res, très nom­breu­ses, comme tous les samedi après midi. Et c’est seu­le­ment à l’angle du cours Montecucco que les fonc­tion­nai­res rap­pel­lent les « forces de l’ordre ».

Il a été pro­ba­ble­ment décidé au com­mis­sa­riat : basta avec les ras­sem­ble­ments soli­dai­res devant les CIE ; les pri­son­niers doi­vent rester isolés, comme les tuni­siens enfer­més dans les bateaux-pri­sons après avoir incen­dié leur centre à Contrada Imbriacola.

Disons-le clai­re­ment ! A ces tabas­seurs en tenue, qui étaient enfer­més depuis quatre mois dans la cage de ciment et bar­belé à la Maddalena de Chiomonte (à cause des mani­fes­tants anti-TAV, qui refu­sent le pas­sage d’un TGV dans leur vallée), quel­ques satis­fac­tions fal­lait bien la donner.

En Val de Susa, les matra­ques, les coups de pied dans la figure, le bruit des os qui se bri­sent, jusqu’à main­te­nant ils ont pu le donner qu’à petite dose. Du gaz à hau­teur d’homme, quel­ques pier­res lan­cées de l’auto­route, mais rien de plus. En rue Grattoni savent que la Val Susa est une pou­drière et ils n’ont pas le cou­rage de déchaî­ner les buf­fles.

Les révol­tes et les fugues des immi­grés sont en train de se mul­ti­plier en toute l’Italie, ils déchi­rent les filets et détrui­sent les cages. A Turin le 22 sep­tem­bre 22 hommes ont réussi à fuir et récu­pé­rer leur vie.

L’envie de liberté brûle les fron­tiè­res, sym­bo­li­ques et réel­les, mise en garde d’un ordre féroce. Les détruire est un choix moral encore plus que poli­ti­que. Maintenant l’appren­nent même les petits chiots : il y a un mau­vais côté de la route, celui qui court aux longs des murs entou­rés de bar­belé, pro­té­gés par des hommes armés et méchants.

P.-S.

En France, à Lyon, jeudi dernier, j’ai passé la journée en GAV parce que j’avais collé quelques tracts sur les murs de la place du lieu que j’occupais.

Etant donné que je me suis fait expulsé, je voulais dire au revoir aux voisins et leur faire savoir pourquoi je ne continuais pas ce que j’avais commencé.

Pour avoir collé quelques tracts avec de la colle à farine j’aurais pu encourir une amende, comme lorsqu’on passe avec le rouge.

La GAV était parfaitement illégale, mais comment l’expliquer
au troupeau armé qui m’a prélevé sous les yeux médusés de mes ami/es ?

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