vendredi 5 août 2011

La France nie le droit à la différence, mais organise un droit de la différence

La France nie le droit à la différence, mais organise un droit de la différence.
Qu’est ce que cela signifie : "La France nie le droit à la différence, mais organise un droit de la différence". Comment en est-on arrivé là ? Que faut-il en penser ?
La négation du droit à la différence vient d’une longue tradition juridique française de plus de deux siècles qui exprime, à raison, ce qui en l’humain est égal et universel. C’est une conquête fondatrice de l’humanisme et de la République. Que la France organise sous couvert de ce principe un droit de la différence est en quelque sorte à mettre sur le compte de la souplesse du droit et sur la nécessité de prendre peu à peu en considération les particularités trop niées, les différences trop longtemps réprimées, les cultures minoritaires trop méconnues.
D Lochak explique que "le refus du principe de la différence, jamais démenti, coexiste de plus en plus nettement avec une gestion pragmatique des différences, qui sont désormais non plus seulement tolérées mais reconnues voire institutionnalisées" (in Fenet & Soulier : "Les minorités et leur droits depuis 1789".) Cela va jusqu’à condamner l’excision interdite en droit français mais sans réellement punir ceux ou celles qui la pratique ! Il en va de même du mariage polygamique du moins avant la loi du 2 août 1993.
Par ailleurs, l’auteur d’un ouvrage d’anthropologie juridique - Norbert Roulland - confronte lui (1) le modèle juridique français fondé sur l’unité du genre humain et marqué par une certaine uniformité juridique face à l’hétérogénéité socio-culturelle des sociétés. Il observe que la notion d’intégration permet une reconnaissance relative des différences entre anthropologie juridico-universaliste et anthropologie socio-culturelle.
Quand à la notion juridique d’égalité elle s’oppose à celle de "discrimination positive" mais aussi à l’idée de multiculturalisme, de sociétés pluriculturelles figées. Cependant la reconnaissance de la "diversité culturelle" est quand même possible dans le cadre juridique français à condition qu’elle ne sorte pas du cadre de "l’intégration". Mais il s’agit d’une intégration respectueuse des différences pour peu que ces dernières cherchent à s’accommoder. Dire ici que les différences doivent "s’accommoder", signifie plus élimination des aspérités culturelles trop fortes par le frottement des dites cultures que respect du multiculturalisme. Mais la diversité culturelle est censée se maintenir dans ce compromis et cet entre-deux.
Pour sauver la "diversité culturelle" sans reconnaître le multiculturalisme le Haut Conseil à l’intégration (HCI) a donné au concept d’intégration un contenu qui le distingue nettement de l’assimilation ou le "différent" doit rapidement résorber toute sa "différence" dans la société d’accueil . La différence disparait donc totalement de par l’assimilation complète à la culture dominante. En distinction, le concept d’intégration développé par le HCI promeut en quelque sorte le modèle interculturel mais sans passage préalable au pluriculturel. C’est osé mais c’est ainsi.
L’interculturel s’effectue par une dialectique de la rencontre . Le respect de chacun y est promu conformément aux préconisations de l’UNESCO mais chacun doit faire un effort dans la rencontre pour que celle-ci perdure sans conflit. On peut ici supposer - sauf naïveté sur la réalité - que le différent minoritaire à plus d’effort à faire que le membre de la culture dominante. C’est pour cela que l’UNESCO demandait à ce que soit reconnu préalablement toutes les particularités culturelles et donc le pluriculturel en même temps qu’il posait la nécessité de l’interculturel pour le "vivre ensemble".
Christian Delarue
1) http://www.reds.msh-paris.fr/publications/revue/pdf/ds27/ds027-10.pdf2) Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversite culturellehttp://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=13179&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html

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