vendredi 5 août 2011

L'ONU et la famine en Afrique de l'Est


Les larmes de crocodile versées sur l’épidémie de famine

Tony Lake demande au monde entier d'envoyer des dizaines, non, des centaines de millions de dollars pour sauver de la famine les populations d'Ethiopie et de Somalie, sans jamais signaler que la majorité d'entre eux, quelque 10 millions de personnes, qui habitent dans les régions d'Ogaden et d'Oromie sont soumis par l'armée éthiopienne à un blocus de l'aide alimentaire financée par les pays occidentaux.

Ne vous fiez pas seulement à ce que je vous dis sur l'ampleur de l'épidémie de famine, jetez un coup d'œil rapide sur la carte de l'ONU des régions touchées par la sècheresse concernant la Corne de l'Afrique, vous verrez que pratiquement toute la région du sud de l'Ethiopie est concernée, ce qui correspond à 20 millions de personnes.

Cinq autres millions de personnes, peut-être davantage, souffrent de la famine en Somalie. Les dirigeants des organismes d'aide alimentaire répugnent à reconnaître qu'un million, voire plus, de ceux qui meurent de faim sont les réfugiés qu'ont produits l'armée éthiopienne et celle de l'Union Africaine, financées par l'ONU, qui envahissent et occupent la Somalie depuis 2006. Ces mêmes réfugiés à qui des gens comme Tony Lake avaient réduit de 70% les rations minimum de survie pour cause de "manque de financement" (par les dons des pays "riches", NDT) avant que toutes les larmes de crocodile ne se mettent à couler.

Depuis 2008, depuis la défaite et le retrait des troupes éthiopiennes qui avaient envahi la Somalie en 2006, l'ONU et sa branche militaire de l'Union Africaine sont intervenues directement dans le cadre de la "guerre contre le terrorisme" en Somalie sous la forme d'un déploiement de 10.000 troupes, majoritairement venues de l'Ouganda.

Ces 3 dernières années, l'armée ONU/UA a détruit plus de la moitié de Mogadiscio, l'ancienne capitale de la Somalie. Plus de 75 km2 de Mogadiscio ont été rayés de la carte par l'artillerie lourde, les tirs de mortiers, les tanks et les hélicoptères d'attaque utilisés par l'armée ougandaise.

Au cours de ces trois dernières années, quelque 500.000, voire plus, habitants de Mogadiscio ont dû fuir pour échapper à la mort à cause de l'offensive impitoyable de l'armée ONU/UA, rejoignant, ainsi, le demi-million de réfugiés qu'avait générée l'invasion éthiopienne.

La sècheresse qui ravage la Corne de l'Afrique dure déjà depuis quatre ans et est devenue la pire sécheresse qui ait touché la région depuis 60 ans. Parallèlement au début de la sécheresse en 2007, l'armée éthiopienne lançait des opérations anti-insurrectionnelles d'envergure dans la région d'Ogaden, opérations entièrement payées par les institutions d'aides (financières et autres) occidentales.

En réalisant ces opérations anti-insurrectionnelles, il était nécessaire en même temps de couvrir ce crime : la Croix Rouge et MSF ont été expulsés du territoire. Loin des yeux, loin du cœur, est le slogan actuel de la majorité des médias internationaux, sans équipe de tournage, sans journalistes, et qui ne donnent absolument aucune information, s'ils peuvent éviter de le faire, sur les 10 millions de personnes menacées de famine par force en Ethiopie du sud-est et du sud ouest, dans les régions de l'Ogaden et d'Oromie. Les derniers journalistes qui se sont risqués à se rendre dans l'Ogaden, deux Suédois, ont tout deux été remis aux autorités, moyennant rançon, par les chefs de guerre du Puntland. Pris dans une embuscade par des paramilitaires éthiopiens, leurs guides étaient assassinés et les deux journalistes, blessés, étaient jetés dans une geôle en Ethiopie - un message pour dire au monde entier de se mêler de leurs affaires en ce qui concerne le génocide en cours dans la Corne de l'Afrique.

Et donc les larmes de crocodile couleront à flot et des centaines de millions de dollars censés être destinés à nourrir des millions de personnes frappées par la famine dans la Corne de l'Afrique serviront au bout du compte, une fois de plus, à financer les derniers achats d'armes de l'armée éthiopienne, ou bien atterriront dans les comptes en banque du premier ministre éthiopien, Meles Zenawi, et de sa clique.


Et pendant un certain temps, les médias internationaux pondront des articles regorgeant d'images déchirantes d'enfants qui meurent de faim dans la Corne de l'Afrique et pas une seule fois, ils ne vous expliqueront la raison pour laquelle quelque 10 millions de ces personnes subissent un blocus de l'aide alimentaire financée par l'occident.

Thomas C. Mountain est un journaliste indépendant qui travaille dans la Corne de l’Afrique et vit en Érythrée, d’où il écrit ses articles depuis 2006. Il a fait partie de la première délégation US pour la paix en Libye en 1987.

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