mercredi 3 août 2011

L'été des pourris

Samu Social - Asso Régis-0627

Cet été en France est dores et déjà en période pré-électorale : cela se devine à Paris comme ailleurs par quelques discrètes indications ignorées des touristes mais que ceux qui ne partent pas en vacances parce qu’ils n’ont pas de vacances ou qu’ils n’en n’ont pas les moyens, repèrent infailliblement : il suffit de noter le soin avec lequel, contrairement aux années précédentes, le personnel politique gouvernement et opposition confondue, se garde bien d’oublier une phrase bien intentionnée et creuse mais médiatiquement nécessaire à l’attention de celles et ceux - la moitié des français !- qui ne peuvent prendre de vacances en 2011: après quoi, tous ces gens fatigués des lambris dorés des palais officiels et de la nourriture trop riche des banquets et buvettes républicaines vont soigner leur foie et leur ventre goinfrés dans quelques villégiatures remparées où ils pourront à loisir se bronzer les fesses pour faire joli à la rentrée.


Pourtant, contrairement à ce qu’un vain peuple imaginait encore récemment, avant que la crise ne se matérialise dans nos villes et surtout à Paris par le nombre toujours grandissant de pauvres gens à la rue, les sans-logis les vagabonds, et les errants de toutes sortes et de toutes origines qui sont en détresse souffrent plus encore en été qu’en hiver.

J’écris ici pour ces êtres perdus, à qui ne reste que l’espoir contre tout espoir, abandonnés aux mains de nos dirigeants-malfaiteurs pleins d’autosatisfaction de morgue et de cynisme : Benoît Apparu en tête, qui ose justifier la fermeture immédiate de lits d’urgence dont on sait qu’ils sont pourtant indispensables aujourd’hui, ce soir - par la construction de logements sociaux pour dans deux ans … Mais aussi la Bachelot, qui trouve ça très bien, le Fillon qui veut faire croire qu’il gouverne, et bien sûr le Sarkozy impavide : tous ces gens sans coeur ni tripes ni conscience qui pilotent un système inique, une fabrique de pauvreté et de servitude.

Pourtant, à y regarder de plus haut, ce qui se passe à Paris comme dans la plupart des villes occidentales est irréductible à une situation et a fortiori à une explication d’ordre locale.

En regardant ce qui se passe dans le monde et qu’une télé malgré son addiction saisonnière pour les infos de plages et de festivals ne parvient décidément pas à nous cacher, la réalité se fait jour peu à peu. Le spectacle qui se joue sous les applaudissements de plus en plus rares d’un public chaque jour plus désabusé et prenant conscience des périls qui s’avancent sur nous prend peu à peu son impitoyable signification.Durant cette période estivale, les faibles moyens des SAMU SOCIAL , Restos du cœur et autres associations caritatives qui, de la Chorba aux Petits Frères des Pauvres en passant par Le Nid et l’Armée du Salut entre autres, tentent à longueur d’année avec de plus en plus de difficultés de pourvoir à l’essentiel, sont désormais au bord de la rupture.

Il ne s’agit de rien de moins que d’humanité vouée à la mort, que de droits élémentaires bafoués, il ne s’agit en cet été de guerre de famine et de massacres, que de l’éternelle désespérante et insatiable ignominie des prétendus grands de ce monde, qui n’ont de grand en effet que l’immensité de leurs crimes et de leur insatiable avidité .La récente fermeture du Centre d’accueil d’urgence de Richard Lenoir – qui a fait disparaître les seuls 38 lits destinés aux femmes à Paris – vient aggraver à un tel point la situation dans laquelle se trouve les personnes à la rue dans la Capitale – femmes et enfants surtout – que les personnels du SAMU SOCIAL viennent de se mettre en grève et manifestent en grand nombre avec la CGT et le DAL dans un Paris pourtant supposé désert !

Qui ne voit que nos propres gouvernants donneurs de leçons qui froncent à peine les sourcils et restent passifs face aux massacres en Syrie, n’accordent pas une pensée à leurs propres victimes, livrées au regard de tous ceux qui ont encore des yeux pour voir, dans les jardins et squares à l’abri sous les préaux des jeux pour enfants, tous ces pauvres qui crèvent de faim et n’ont nulle part où aller, ou dans les Centres de Rétention tous ces pauvres qui crèvent de faim et n’ont nulle part où aller - et qui en plus sont étrangers dans cette France gouvernée par la bourgeoisie avide rancie et bouffie de Neuilly sur seine !

Comme si ces gouvernants morgueux, ces bourgeois blindés de thunes, bardés de diplômes, confits de suffisance, bien propres sur eux, comme si tous les Guéant les Wauquiez les Pécresse et autres larbins de Sarkozy étaient moins coupables de la misère en France que ce fou anonyme de la tuerie en Norvège, que les escadron d’Afez el Hassad des massacres en Syrie, que la spéculateurs de la famine de la Corne de l’Afrique !
Comparaison excessive déplacée outrée ? Pas du tout !

Comparaison au contraire qui s’impose d’elle-même, entre un pays comme le nôtre où les riches possédants et leurs valets d’infamie défont patiemment jour après jour les conquêtes de siècles de luttes du peuple français, et un pays comme la Syrie où l’on tire dans la foule insurgée aujourd’hui, pour écraser avec le peuple syrien tout espoir des libertés hier si chèrement conquises chez nous.

Ces insurgés d’un courage inouï qui affrontent à mains nues les tanks de l’assassin de Damas, ou ces désespérés, ces abandonnés qui se laissent mourir dans l’alcool et l’abjection de nos rues, ce sont les mêmes, oui, toujours les mêmes, les nôtres ! Les uns tombent sous les balles les autres se noient dans nos égouts, mais tous, les uns comme les autres, sont sacrifiés sans ciller par les mêmes tueurs sans états d’âmes au service de l’argent, de l’insatiable avidité des riches possédants qui exploitent et la terre et la mer et l’air et toujours plus que jamais la bête humaine.

On nous dit, chantait hier le poête, que ces mots aujourd’hui n’ont plus cours : et c’est vrai que face à l’immensité et à l’imminence des crimes définitifs que notre impuissance laisse commettre, les mots n’ont plus leur place de jadis et qu’ils se font de plus en plus rares, qui ne soient d’emblée galvaudés, dévalués, étouffés et noyés dans le brouhaha de nos résignations désordonnées.

Que peut le peuple de chez nous ?

De plus en plus souvent, en Espagne, en Italie, dernièrement en Israêl, se lèvent la foule des « indignados » qui mélangent les bons sentiments et les grands mots des honnêtes gens, des pauvres gens, qui n’ont que leur cœur leur tête et leurs mains nues à opposer à toute l’injustice qui les toise narquoiss derrière les casques les boucliers et les blindés de la répression toujours prête à frapper.Faut-il que la situation soit désespérée pour que ces combattants de la guerre sociale, si peu et si mal payés pour être constamment, à longueur d’année, en première ligne sur le front de la misère la plus noire, se résignent à faire « grève » : c'est-à-dire en fait à continuer sur le terrain leur missions absolument vitales aux pauvres gens tout en alertant les médias devant les abus inouïs dont ils sont les premiers témoins et dont les « sdf » et, on ne le répètera jamais assez : les femmes et les enfants en urgence de logement – sont les premières victimes.

L’insurrection pacifique, dit-on, comme si le pouvoir de se battre autrement était entre les mains du peuple. Le peuple n’a de pouvoir que de se faire tuer ou de se laisser mourir, car il n’existe à notre sinistre époque aucun recours, aucune force, aucune réunion de moyens matériels et humains qui soit jamais susceptible de venir au secours de ceux qui étouffent.

L’amère vérité se devine, hors des quelques énergies qui ne cessent de se dresser contre toutes les tyrannies depuis l’aube de la grande Révolution et qui ne sont pas près de baisser les bras, - et que pourtant nous hésitons à rejoindre dans leur combat de lumière : il ne reste misérablement aux citoyens français réduits aux quidams qui veulent changer de maîtres, qu’un simple bulletin de vote, avec le nom d’un jobard, d’un jean-foutre ou d’une de ces réussites féminines à la testostérone dont la dictature du patriarcat a le secret, déjà plus peau de vache que ses prédécesseurs : pour au second tour, éliminer Sarkozy.

Ca ne règlera rien, pas longtemps et pas beaucoup, mais ça nous fera un peu de bien.

http://blogs.mediapart.fr/blog/silvagni/020811/lete-des-pourris
photo : http://flic.kr/p/68N2pQ

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