On savait la représidentialisation de retour, après les années Fouquet's et celles des cliquetis dorés et des hochets... mais notre Constitution continuait de servir de dogme à la République. Une simple lettre diffusée le 26 juillet 2011 et adressée aux représentants de la nation change complètement la donne. La séparation des pouvoirs déjà malmenée depuis quatre ans vient de subir un coup de scalpel, comme jamais dans l'histoire de la Ve République... comme jamais dans l'histoire de nos institutions.
Notons au passage que le temps de la courtoisie et de la politesse des princes est bien fini; autrefois, avant le Fouquet's, avant les Rolex, les dames recevaient les hommages et l'on aurait écrit au moins «Mesdames, Messieurs» et non l'inverse!
Plus gravement et peu importe le contenu de la lettre, peu importe la rédaction finale de «la règle d'or» et peu importe son bien-fondé, peu importe encore l'enjeu d'un Congrès du Parlement, c'est de l'usage constitutionnel du droit de message dont il s'agit.
Le président de la République ne peut communiquer avec les parlementaires de manière collective que de deux manières... et deux seulement (article 18 de la Constitution révisé par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008):
- «Le Président de la République communique avec les deux assemblées du Parlement par des messages qu'il fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat.»Prétextant de la nécessaire «règle d'or» qu'il a imposée en débat au Parlement et dont il a dicté les votes à l'Assemblée et au Sénat, le Président de la République s'est permis d'adresser une lettre à «Messieurs et Mesdames les sénateurs, Messieurs et Mesdames les députés», inaugurant ainsi un troisième moyen –cette fois non constitutionnel– de communiquer avec les «Chambres».
- «Il peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès. Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l'objet d'aucun vote.»
Le même article ajoute: «Hors session, les assemblées parlementaires sont réunies spécialement à cet effet.»
La Constitution, dans son titre consacré aux pouvoirs du président de la République, a bien délimité le périmètre de ses attributions; au-delà, le président se trouve hors sol. Seulement, le président élu en 2007 a inauguré une nouvelle forme du périmètre constitutionnel: le «périmètre comportemental», très personnel, à l'insu des textes... et de fait «bordé» de techniques de coups portés à l'Etat. Le Conseil constitutionnel ne peut rien faire contre ces excès de pouvoir car la Constitution ne lui en donne pas les moyens.
Le même article ajoute: «Hors session, les assemblées parlementaires sont réunies spécialement à cet effet.»
La Constitution, dans son titre consacré aux pouvoirs du président de la République, a bien délimité le périmètre de ses attributions; au-delà, le président se trouve hors sol. Seulement, le président élu en 2007 a inauguré une nouvelle forme du périmètre constitutionnel: le «périmètre comportemental», très personnel, à l'insu des textes... et de fait «bordé» de techniques de coups portés à l'Etat. Le Conseil constitutionnel ne peut rien faire contre ces excès de pouvoir car la Constitution ne lui en donne pas les moyens.
Demeurent les hommes... Aux pires heures du pouvoir personnel, ou dans le cours modéré de la gouvernance élyséenne, jamais les présidents des assemblées, consultés, n'auraient laissé piétiner le domaine du droit de message: sûrement pas Jacques Chaban-Delmas, ni Jean-Louis Debré, ni Edgar Faure; imagine-t-on un seul instant, au Sénat, Gaston Monnerville ou Alain Poher se plier au caprice présidentiel. Les présidents actuels des assemblées, aujourd'hui, ont choisi la soumission –et ce n'est pas la première fois–, c'est-à-dire l'abandon des lieux de représentation exclusive dont ils devraient être en principe les gardiens, au pouvoir personnel du chef de l'Etat.
Certes, faute d'interdiction absolue d'écrire aux parlementaires, l'Elysée exploite, une fois de plus, le vide juridique pour écrire à sa manière une Constitution parallèle. Néanmoins, dans la mesure où c'est la loi fondamentale qui dicte les pouvoirs autorisés au président pour exercer sa fonction –et pas un autre texte ou une supposée tolérance en l'absence de texte– l'acte du 26 juillet demeure un forfait.
Quant à la «lettre», à l'heure d'Internet et des mails, elle appartient à la case du «courrier indésirable» et dans la mesure où la domiciliation parlementaire n'est pas une destination institutionnelle d'un message du président de la République, l'opposition parlementaire pourrait symboliquement renvoyer au destinataire son pli et l'estampiller du traditionnel NPAI : « n'habite pas à l'adresse indiquée » !
Denys Pouillard
Directeur de l'observatoire de la vie politique et parlementaire : site www.vlvp.fr
Denys Pouillard
Directeur de l'observatoire de la vie politique et parlementaire : site www.vlvp.fr
Rappel : Le message présidentiel du 22 juin 2009, devant le Congrès, était issu de la réforme constitutionnelle de 2008. L'introduction de cette procédure nouvelle et additive à la procédure traditionnelle créait une rupture avec les principes définis depuis 1873. Au demeurant, juin 2007 représentait également une autre rupture: pour la première fois depuis septembre 1871, un chef de l'exécutif ne présentait pas de message de remerciements aux représentants de la nation. Certes, ces derniers ne sont en rien comptables, depuis 1965, de la légitimité acquise par le président élu au suffrage universel direct; Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac avaient, aussitôt après leur élection, adressé un message de remerciements aux parlementaires; un signe d'élégance et de reconnaissance; la manifestation aussi que le président élu par une catégorie de Français est, dès la validation des résultats par le Conseil constitutionnel, le président de tous les Français dont les représentants sont, avant tout, les élus de la nation.
photo :http://flic.kr/p/4HU1Qy
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