"Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs." Article 35 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793
jeudi 21 juillet 2011
LETTRE à YOSRI, jeune tunisien condamné à mort en Irak.
Il aimait Roger Milla, Samuel Eto’o, Christiano Ronaldo, Alan Shearer, Bobby Charlton, Ally McCoist, entre autres maillots numéro 9.
Et puis un jour, sans prévenir, sur un tapis volant il a fugué vers l’Irak, pays des Mille et une nuits. Et là au milieu de l’enfer, presque orphelin, presque le môme de Bagdad, il n’avait pas beaucoup de choix. Sitôt débarqué, il a dû troquer son tapis volant contre une arme à feu. Être de ce camp-ci, de l’autre, un Rambo, un Abou Kodama, un lambeau de chair dans les corps déchiquetés : quel que soit le camp qui l’eût choisi, même si l’enfer ne se prête ni au jeu de la candeur ni aux présomptions d’innocence, c’est surtout Gavroche qui lui aurait le mieux réussi.
Cher Yosri,
Quand, fin juin 2006, j’ai appris qu’un groupe de terroristes comprenant un jeune compatriote surnommé Abou Kodama le Tunisien a été arrêté en Irak, je n’ai pas trop fait attention à la nouvelle. Pour te dire la vérité, les attentats de chaque jour, rivalisant de sensationnel et de punch avec la fiction, les échos des nouvelles d’explosions que nous transmettaient inlassablement les médias, les images de morts -à l’unité et en vrac- qui nous pourchassaient sur tout écran ou toute page citant Bagdad, Kaboul, Islamabad, entre autres cibles privilégiées des Escadrons de la mort, ne nous laissaient guère le temps pour nous préoccuper de l’arrestation de Abou Kodama le Tunisien ou de son sort.
Peut-être m’en voudras-tu si je te dis : je me sentais plus proche des lambeaux humains déchiquetés sur l’autel du terrorisme. J’étais davantage préoccupé par le souci de voir un jour endiguée cette absurde effusion de sang, davantage sensible aux voix appelant à épargner la vie des innocents. Que ce soit dans les zones chaudes de notre Orient ou ailleurs. Tels soucis ne me donnaient pas le loisir de m’enquérir sur ce compatriote arrêté en Irak. Et puis ce compatriote arrêté en Irak, tout compte fait, quoique je ne l’aie jamais vu ni connu, est un terroriste ! Comme l’attestent la télé, le sang des innocents, les évocations assez connotées de son nom de guerre... Et la moindre sympathie à son égard, objectivement parlant, serait une bénédiction du terrorisme.
Abou Kodama le Tunisien, membre d’Al-Qaïda, dynamiteur du mausolée chiite de Samarra et meurtrier de la journaliste et femme de lettres Atwar Bahjat(1) : voilà en gros, cher Yosri, l’image qu’on se faisait de toi en 2006. Il n’y avait pas de quoi se flatter que Abou Kodama soit tunisien.
Il va sans dire que le black-out médiatique où la Tunisie tenait bien haut son rang au nom de la lutte contre le terrorisme, entre autres facteurs, ne permettait pas de dégrossir le moindrement ce profil. Qu’on disait seulement Abou Kodama, et Ossama, la lèpre ! surgissait immédiatement au premier ou en arrière-plan. Et le principe censé cher au droit universel, stipulant que tout accusé est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire, dans ton cas précis ne pouvait que se pervertir, s’invertir même pour devenir : cet accusé-là est coupable, nonobstant preuve du contraire.
Dans les procès qu’on t’a faits, ceux de la presse et ceux de l’opinion publique, c’est tel principe introverti et perverti qui a prévalu. Et même les tribunaux irakiens, les magistrats qui t’avaient jugé, présumés au dessus de tout parti pris, probes et impartiaux ne s’étaient pas écartés d’une telle règle.
Ce n’est que longtemps après ton arrestation et ton jugement que, disposant d’assez d’éléments pour prendre mes distances avec la version officielle des faits pour lesquels tu fus jugé que j’ai pu te voir sous un autre jour. Au fur et à mesure des navigations dépistant Abou Kodama le Tunisien, j’ai appris que tu a été jugé surtout pour des aveux extorqués sous la torture. Et pire ! tu aurais été menacé par tes juges contre toute tentation de te rétracter(2).
C’est en 2003, au lendemain de la chute de Bagdad et du régime de Saddam, que tu es entré en Irak. Clandestinement par la frontière irako-syrienne. Et tu n’étais pas le seul Tunisien à avoir fait telle incursion.
Vous étiez des dizaines de compatriotes, sous diverses bannières, à rallier la résistance irakienne (3). Vous vous êtes battus de façon héroïque contre l’occupant américain et ses alliés. Beaucoup sont tombés dans des attaques menées contre les Américains, certains dans des opérations-suicides. Beaucoup aussi ont été arrêtés aux frontières, dont la plupart refoulés vers la Tunisie pour y être jugés et condamnés à de lourdes peines de prison. Je n’ai pas réussi à trouver une indication qui confirme ton appartenance à Al-Qaïda ; néanmoins, outre les motivations nationalistes soutenant ton engagement, c’est dans ta foi de musulman que tu puisais surtout la force de résister. Tu savais qu’en tout moment tu pouvais mourir ou tomber en captivité, mais tu n’avais pas d’autre choix pour soutenir tes frères en Irak. Tu a participé à de nombreuses batailles, et des plus féroces, contre l’occupant. Tu as tué un grand nombre de soldats américains. Et tout au long des trois années dans ce parcours de guérillero harcelant l’armée ennemie, toi et tes camarades avez semé la terreur dans les rangs des forces d’occupation. Et de ceux qui sont entrés à Bagdad sur les chars américains(4).
Jusqu’à cet été 2006, fin juin plus exactement. En compagnie de tes frères d’armes, tu tentais de franchir un check-point à l’entrée de Dhoulouiyya, à près de 30 km au nord de Bagdad. Face à vous, des forces mixtes irako-américaines, armées jusqu’aux dents, cela va de soi, mais qui en plus, selon toute vraisemblance, vous attendaient(5). Vous a-t-on sommés de vous rendre et auriez-vous refusé ? Vous a-t-on proposé à tel ou tel moment une reddition que vous avez déclinée ? On n’en sait rien. Mais si c’était le cas, on ne dira pas quand même de vous que vous avez soutenu une gageure et l’avez perdue. Ou que votre attitude chevaleresque était insensée. Vous êtes des fedayins instruits pour vaincre ou mourir. Il n’y a jamais de perdants dans votre guerre et votre foi. Et dans cet ultime combat, tes compagnons et toi, 16 en tout, en avez donné l’illustration.
On ne saura pas le nombre de morts et de blessés dans les rangs de vos ennemis, mais dans vos rangs à vous, pour le moins c’est un carnage. Tes quinze compagnons sont tous tombés. Vous aspiriez à la chahada, mourir debout, pour nous offrir la gloire et votre sang de martyrs. Sauf que ce jour-là, sur les seize candidats postulant à tel honneur, le destin a élu 15, de diverses nationalités, et disqualifié un : Abou Kodama le Tunisien !
Et pourtant ce n’est pas faute d’avoir sollicité un tel honneur, cher Yosri ! Criblé de balles, sept en tout logées dans ton corps de Gavroche, tu n’étais pas moins méritant pour être ainsi écarté ! le fusil entre les mains et chavirant sous tant de blessures, tu t’es pourtant dit à part toi :" Houris d’Allah, me voilà ! j’atteste qu’il n’est de dieu qu’Allah..." Et tu as franchi, ou cru franchir vers l’au-delà cet ultime check-point si éprouvant.
Dis-moi, Yosri, est-ce parce que tu es encore môme, candide, que les houris d’Allah ont délivré leur ticket de passage à tes quinze compagnons et refusé d’en fournir un à toi ?
Quand tu pus rouvrir les yeux et aviser en quel lieu tu te trouvais, tu as dû songer un moment que même un martyr est passible du jugement dernier ! Et puis tu as fini par te rendre à l’évidence que ce n’était pas le jugement de Dieu qui t’attendait à la ligne franchie. Mais celui des hommes ! De ceux qui n’avaient pas songé que tu pusses avoir besoin d’une balle de grâce quand ils avaient ramassé, ensanglanté et inanimé, ton corps de Gavroche. Incarcéré dans une prison sous l’administration américaine, sitôt rétabli, voire bien avant, tu as été soumis à la torture. Et les vers qu’on a dû te tirer du nez ne pouvaient être que flatteurs pour les bourreaux. "Signe !" qu’on t’a dit au terme de ton supplice. Et tu as signé. Signé que tu es membre d’Al-Qaïda, que tu agis sous les ordres de Haitham al-Badri, que tu es l’auteur de l’attentat contre le mausolée chiite et que tu es le meurtrier égorgeur de Atwar Bahjat. Tu as dû signer aussi d’autres crimes mais tu ne t’en souviens plus. Et de toutes façons, dans une telle géhenne, signer c’est rien face à tout ce que tu as subi d’atrocités. Que n’aurais-tu pas dit, avoué, inventé même et authentifié par ta signature et tes empreintes digitales, dans une telle circonstance, pour tempérer l’humeur de ces messieurs connaissant sur le bout des doigts les arts de l’interrogatoire !(6)
A l’automne 2006, jugé par la Central Criminal Court de Bagdad, tu as beau clamé ton innocence de tout attentat et tout crime qui ne soient dirigés exclusivement contre l’occupant militaire américain, tu as beau crier que tous les aveux retenus contre toi t’ont été extorqués sous la torture, le 10 octobre tu es condamné à la peine capitale.
Jusqu’à cette date, l’opinion communément ancrée dans la presse nationale, du moins celle qui daignait te consacrer de temps à autre une petite colonne, plus rarement un encadré, dans l’espoir de donner un coup de pouce à ses ventes, est que tu es bel et bien l’auteur des deux crimes précités. En bonne logique, seuls de tels faits d’armes pouvaient réellement concorder avec ton nom de guerre, en l’occurrence saillant, évocateur, dont les consonances riment inévitablement avec Ossama. Cependant, ta famille qui t’a éduqué dans l’amour et le respect d’autrui, t’a inculqué les justes valeurs de l’islam, entre autres l’indulgence et la tolérance, savait mieux que personne que la vérité est tout autre. Cette famille(7) qui endurait les souffrances depuis ta fugue vers l’Irak, qui vivait dans le supplice depuis qu’elle a appris ton arrestation, se battait chaque jour dans ton pays, dans ta ville, dans ton quartier natal, pour faire valoir à bon droit la légitimité de ton combat. Et clamer haut ton innocence dans les crimes qu’on t’avait indûment attribuées.
Évidemment, le plaidoyer parental, par essence subjectif, ne pouvait faire contrepoids au discours médiatique, celui-ci passant pour plus savant, objectif, désintéressé. Du moins chez le commun des citoyens.
Quand bien même la subjectivité des tiens serait somme toute relative, ta famille tenant l’essentiel de ses informations de ton avocat, irakien et résidant à Bagdad. Mais quel que soit l’impact des médias à ton propos, peu à peu la bataille des tiens a réussi à faire des percées dans l’opinion publique, ne serait-ce que dans ta ville natale et dans les milieux politisés de l’opposition. Puis peu à peu de nouveaux témoignages venant directement d’autorités irakiennes plaidaient à leur tour en ta faveur. Il y eut d’abord la déclaration du préfet de Samarra accusant des forces irakiennes en uniforme d’avoir commis l’attentat du saint mausolée.
Une telle accusation venant d’un haut responsable, et chiite, ne pouvait que réconforter tes défenseurs.
D’autres témoignages ont suivi, concernant le meurtre de Atwar Bahjat. Celle-ci aurait été vue kidnappée par une force encore en uniforme, suite à son dernier reportage pour le compte de Al-Arabya. Et on l’a retrouvée morte le lendemain aux environs de Samarra. Quoiqu’il ait fallu attendre le 4 août 2009 pour arrêter son meurtrier, un nommé Yasser Ali appartenant aux commandos de la police irakienne, l’aveu de ce dernier devait te blanchir enfin des deux crimes ayant fait le poids dans la sentence de la peine capitale.
Fin janvier 2007, temps fort dans la vie des tiens, inoubliable moment pour tes parents dont le calvaire n’est pas moindre que le tien. C’était invraisemblable, presque féerique. Le téléphone qui sonnait dans leur maison, à Sfax, décroché, leur fit entendre une voix qui leur semblait revenir de l’autre monde. Et effectivement, cette voix-là revenait de l’autre monde, tant le premier effet, poignant, inouï, a dû les étourdir. Le timbre, les inflexions ont dû changer un peu, s’imprégnant à la fois de la forte émotion et des marques du temps, mais c’était bel et bien ta voix ! c’était bel et bien, inaltérable, leur tendre enfant qui était au bout du fil.
Cela faisait combien d’années pour eux comme pour toi, certes soudés dans cette rude épreuve mais terriblement marqués, qu’un tel bonheur tant rêvé se profilait inespéré ? Tu étais toujours incarcéré sous l’administration américaine et celle-ci a daigné t’offrir à toi et tes parents ce coup de téléphone inattendu, inoubliable. Qu’est-ce que tu as pu leur dire au bout de tant d’années de séparation et de souffrances ?
Qu’est-ce qu’ils ont pu te dire à leur tour ? Sûrement pas beaucoup de choses, la communication étant chronométrée, imprévue et la voix ici et là, comme on peut l’imaginer, coupée de hoquets. Mais l’essentiel n’aurait pas été omis. Tu n’avais rien commis de répréhensible ; tu t’es battu en vaillant guérillero ; tu n’as braqué ton fusil que contre l’occupant qui a humilié tes frères et sœurs. Et s’ils t’exécutaient quand même, tu serais heureux, certain que les houris d’Allah te dédommageraient d’une telle peine(8).
La communication terminée, tes parents qui étaient tantôt dans l’euphorie se trouvaient subitement plongés dans l’angoisse. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, un sentiment oppressant, obsédant, s’est emparé d’eux. Un pressentiment funeste, des affres de la même nature que susciterait l’imminence d’une mort certaine.
Pour comprendre cette angoisse si oppressante, il faut la restituer au contexte historique de cette première communication téléphonique. Nous sommes au lendemain de la triste exécution de Saddam Hussein, survenue quatre semaines plus tôt le jour de l’Aïd al-Adha, en ce 30 décembre 2006, fête qui nous donnait du mouton un âpre goût de charogne. Du coup, la communication inattendue a réveillé le spectre de la corde.
Et ce spectre devenait hantise, lancinant. Si les Américains avaient offert au condamné cette communication, c’était signe pour tes pauvres parents que le dernier vœu du condamné à mort a été exaucé. On ne dira jamais assez ce que ta mère, ton père avaient souffert dans les jours suivant cet appel mémorable.
Peu à peu quand même, il leur fallait s’accrocher à la vie et à l’espoir que ton heure n’était pas encore décidée.
2008, première semaine du mois de janvier et par une nuit glaciale, ta famille apprend une bonne nouvelle qui radoucit sensiblement l’air ambiant de la maison. Dans son journal de 20h, Al-Arabya annonce la nouvelle de l’arrestation de Mahmoud Dahaoui qu’elle présente comme l’auteur de l’attentat contre le mausolée de Samarra. Et la chaîne de télé diffuse les images des aveux amplement détaillés, le récit de son arrestation et l’inventaire des objets de valeur récupérés par les forces de police qui réalisé telle opération. Cet événement, qui n’est pas des moindre, censé augurer d’un retournement de situation en ta faveur, ne pouvait que faire la joie de tes parents et le bonheur de ceux qui croyaient ferme en ton innocence. Pour une fois, l’espoir que ton affaire serait réexaminée, que le jugement initial ramené à une peine moins lourde, était enfin permis. Et si on pouvait rêver encore, si le traité de Genève relatif aux prisonniers de guerre avait quelque chance d’être respecté, en la circonstance la peine de mort, au moins, serait écartée.
Mais ce serait dans une République, Yosri -souviens-toi bien de ceci, même si la République, la vraie, on ne l’a jamais vue ailleurs que dans les livres de Platon ! que les rêves justes sont permis. Et non dans une oligarchie comme celles qui nous gouvernent. Le-dit traité de Genève et la justice ne peuvent avoir droit de cité là où la haine est la seule conseillère des justiciers. Il y eut bien un second procès, ou un semblant de procès, mais dans lequel tes droits les plus élémentaires d’accusé furent bafoués. En ton absence et en l’absence de ton avocat, le tribunal a confirmé le premier jugement.
Cher Yosri, Que tel semblant de procès se soit fait au moment même où la Tunisie a déboulonné son dictateur, que le tribunal n’ait voulu tenir compte d’aucun élément nouveau dans ton dossier, que la peine capitale, et seule cette peine, ait été requise par le procureur et entendue par tes juges, les autorités irakiennes nous donnent à penser qu’elles voudraient adresser par-là un message implicite à l’attention des peuples en révolte(9). Et ce n’est pas un hasard si tes frères d’armes, dont trois appartiennent à des pays marqués par le printemps, soient jugés en même temps que toi et frappés de la même sentence. Quoiqu’il en soit, et tu en conviendras cher Yosri, en Tunisie nous nous sommes révoltés contre la tyrannie et l’injustice, et non pour fonder le califat d’Abou Kodama ! Et nous ne méritons pas d’être rétribués par la décapitation de l’un des nôtres, même s’il porte un surnom pas trop catholique ! Et puis la révolution tunisienne, comme l’atteste le monde entier, a fait chuter en même temps que Ben Ali le mythe d’Al-Qaïda. Bien avant les Américains, Bouazizi a réglé son compte au cheikh Oussama Ben Laden !
Par conséquent, pour nous tu es prisonnier de guerre, pas terroriste. Notre propos ici n’est pas de défendre ton idéal politique, ni tes convictions religieuses, mais de nous élever contre une sentence injuste qui, en cas d’exécution, sera lourde de conséquences, et pour cause !
Que me reste-t-il enfin à te dire, cher Yosri ? En ce moment précis où je scrute ton visage, à travers ces quelques photos que j’ai pu glaner ça et là sur les pages web, j’apprends que tu viens d’être transféré à la centrale de Kathimya à Bagdad. Je ne voudrais pas que ces photos deviennent les saintes reliques d’un martyr. Je ne voudrais pas non plus jouer à la Cassandre. Mais en même temps, je tremble à l’idée que les autorités irakiennes aient procédé à ton transfert, quelques jours seulement avant le mois de ramadan, pour rééditer leur triste scénario macabre de l’an 2006. Il y a cinq ans, à la veille de l’Aïd, c’est dans cette même prison que Saddam Hussein a été transféré.
A cet instant-ci tant éprouvant, c’est un de mes enfants que je vois en toi. Mieux ! tu m’es le plus proche de mes petits. Compte tenu de ton épreuve, des justes appréhensions que suscite la circonstance, de ce cas de détresse qui n’autorise ni indifférence ni attentisme, je n’ai que ma voix, que ce cri de vivant pour me dresser farouchement contre l’échafaud. Je voudrais interpeller chaque membre de notre gouvernement de transition(10), Son Excellence le Président provisoire, les citoyens libres du pays et du monde, afin qu’ils s’engagent tous dans cette bataille pour la vie. De vive voix, réclamons que ce jugement injuste, barbare et lourd de conséquences soit révoqué.
Ensemble, donnons à ce cri toute sa force pour rompre à temps la corde de la mort.
J’en appelle à la conscience de chacun pour en prendre acte(11).
Cher Yosri, Je souhaite te voir bientôt en Tunisie, vivant et libre. En attendant ce jour que j’appelle de tous mes vœux, reçois ma poignée de main chaleureuse et paternelle.
A. Amri 16.07.2011.
Une traduction de ce texte, condensée, en arabe.
1- C’est ce qui ressort de la conférence de presse donnée fin juin 2006 par Mouaffik Rébiï, conseiller à la sécurité irakienne.
2- Source : site Al-Karma.
3- Il serait difficile d’évaluer le nombre exact de ces résistants tunisiens en Irak. Cependant, depuis la chute de Bagdad en avril 2003, "des dizaines de tunisiens sont tombés en martyrs dans les rangs de la résistance irakienne" : c’est ce que souligne dans un message de soutien à la révolution tunisienne un haut responsable du Baâth irakien dans une communication téléphonique à Achourouk en date du 16 janvier 2011. Par ailleurs de nombreux tunisiens se rendant en Irak ont été été arrêtés en Syrie. On recense au moins 13 personnes jugées en Tunisie, dont 4 refoulées par les autorités syriennes, pour tentatives de ralliement à la résistance irakienne. Et depuis 2003, il y aurait près de 2000 personnes arrêtées en Tunisie dans le cadre de ce qu’on appelle "lutte contre le terrorisme".
4- Témoignage du père intervenant dans un meeting organisé contre la normalisation avec l’Etat sioniste.
5-Dans la conférence de presse donnée par Mouaffak Rébiî, conseiller à la sécurité irakienne, on apprend que l’aide américaine était déterminante dans cette opération. On présume que les services d’espionnage avaient facilité la tâche des forces stationnées au chek-point de Dhoulouiyya.
6- La toile foisonne de témoignages sur la torture en Irak : on se souvient encore de la diffusion en 2004 de photographies choquantes montrant des détenus irakiens humiliés par des soldats américains (le scandale d’Abou Ghraib) . Mais il y a d’autres témoignages tout aussi accablants concernant les centres de détention à Kaboul, sans oublier tout ce qui a été révélé sur la prison de Guantánamo. Ci-dessous les liens de trois vidéos évoquant la torture en Irak :
Vidéo 1 - Vidéo 2 - Vidéo 3
7-Témoignage du père sur youtube.
8- Ce rêve associé aux récompenses divines, Yosri ne s’embarrasse pas d’en faire part à ses parents. Dans les lettre adressées à sa mère, la formule de clôture est souvent celle-ci :" Ne pleure pas, douce maman. S’il est écrit que tu ne reverras plus ton enfant, je n’en serai que plus heureux entouré des houris d’Allah."
9- Le premier à avoir établi un lien entre le printemps arabe et la reconduction de cette sentence est le père même de Yosri, Fakher Trigui. Dans un article écrit au mois de mai dernier, le père estime que les autorités irakiennes redoutent de restituer son fils, blanchi des crimes de terrorisme ou gracié, à la Tunisie nouvelle, d’autant que celle-ci entend retourner la page sombre de l’époque où les islamistes étaient persécutés.
10- Aux dernières nouvelles, le ministère de l’extérieur aurait engagé des transactions avec les autorités irakiennes en vue d’obtenir le transfert de Yosri vers la Tunisie. Souhaitons que cette initiative soit couronnée de succès.
11- Ci-dessous un modèle de Requête de grâce pour Yosri Trigui (en français et en arabe) pouvant être personnalisé et envoyé par fax à l’ambassade irakienne de votre pays. Le numéro de fax de l’ambassade irakienne à Paris est le suivant : 0033 1 45 53 33 80
Modèle en langue arabe (les éléments nécessitant la personnalisation sont écrits en rouge) :
إسمك ولقبك بلدك في 2011.07.17
صفتك
عنوانك
بريدك الإلكتروني
إلى عناية فخامة رئيس جمهورية العراق السيد جلال طالباني
الموضوع : التماس عفو
فخامة رئيس جمهورية
أكتب إليكم من تونس بلد المحبة والإخاء والسلام باسمي الخاص وأصالة عن الشعب الذي تربطه بالعراق أواصر الأخوة والحضارة ملتمسا منكم فخامة الرئيس أن تبروا بيسري الطريقي القابع في سجن الشعبة الخامسة في الكاظمية ببغداد وبذويه الذين يكتوون بالنار في تونس منذ أن صدر في حق ابنهم حكم الإعدام سنة 2006 وتم تثبيته لاحقا لدى التعقيب وإني أذ أهيب بسيادتكم فخامة الرئيس ان تشملوا بعفوكم الواسع هذا الشاب الذي ما كان قدره ليسوقه لأرض العراق لولا حبه لهذا البلد وغيرته الصادقة والعفوية على أرض وشعب كان يرى فيهما رمز العزة والحضارة ومجد الأمة أناشد سيادتكم فخامة الرئيس أن تراعوا أولا وآخرا عائلة المحكوم عليه بالإعدام وخاصة والديه، وثانيا كل الظروف التي حفت باستنطاق الشاب يسري وبالخصوص ما تعرض إليه من تعذيب حتى يتبنى التهم المنسوبة إليه، وثالثا محاكمته التي شابتها أكثر من شائبة ليس أقلها حرمانه كمتهم ومحاميه من متابعة جلسات المحاكمة الثانية ثم كل المستجدات التي حصلت بعد صدور الحكم منذ 2006 كالقبض على ياسر علي قاتل الإعلامية أطوار بهجت وبعد ذلك القبض على محمود الدهوي مفجر المرقدين بسمراء وهما عنصران أساسيان كان يفترض فيهما أن يدفعا القضاء العراقي لمراجعة كل التهم المنسوبة ليسري أو على الأقل إسقاط تهمتي القتل والتفجير اللتين رجحتا كفة الحكم بالإعدام في المحاكمة الأولى.
فخامة الرئيس ،
إن الذي زرع بذور التطرف والإرهاب في تونس هو طاغية من طينة صدام حسين وقد ذهب بدون رجعة بفضل الثورة ولدينا القناعة التامة أن الإرهاب والتطرف قد هربا من تونس في نفس اليوم الذي سقطت فيه الدكتاتورية. وبالتالي حين تتفضلون فخامة الرئيس وتشملون بعطفكم وعفوكم شابا في مقتبل العمر زلت به قدماه وهو في عمر المراهقين ثقوا أن شعب تونس لن ينس لكم هذا الفضل الكبير وسيكون ممتنا لفخامتكم ولشعب العراق الشقيق
أملنا فيكم وفي رحمة الله كبير
توقيعك
صفتك
بلدك
Modèle en langue française :
Vos nom & Prénom Lieu et date : Votre adresse votre mail Facultatif : votre téléphone ou n° de Fax
A la bienveillante attention de Son Excellence le Président de la République irakienne M. Jalal Talabani
Objet : Requête de grâce pour Yosri Trigui
Monsieur le Président, Je viens par la présente solliciter de votre excellence la grâce pour le jeune tunisien Yosri Trigui, emprisonné à la centrale de Kadhimya à Bagdad, et qui a été condamné à mort suite à un procès injuste. La jeunesse de l’accusé, les irrégularités de son procès, la nullité des aveux qui lui ont été extorqués sous la torture, autant d’éléments plaident, Monsieur le Président, pour cette faveur que je voudrais soumettre à votre bienveillante attention. J’en appelle à la générosite du descendant de Saladin pour en prendre acte.
Votre signature
janine Borel
http://bellaciao.org/fr/spip.php?article119247
photo : http://www.flickr.com/photos/23302737@N02/2235671896/
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire