En fait, l’équipe de patriotards, tendance Action française, avec leur porte-parole Hervé Mariton, va droit à l’essentiel en expliquant que ce serment sous-entend évidemment le sacrifice de la vie de ceux qui s’engageraient ainsi. Les mêmes s’étaient déjà illustrés en janvier 2003, en faisant adopter, dans le cadre de la loi « sécurité intérieure » de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, un amendement prévoyant les délits d’outrage au drapeau et à l’hymne national (amendement voté par les parlementaires socialistes). Cet outrage pouvant coûter aux « délinquants » six mois de prison et 7 500 euros d’amende.
Il est évident que le sinistre Paul Déroulède est appelé à la rescousse et, bientôt, les abominables chansons de ce va-t-en-guerre seront peut-être programmées dans nos écoles, après la leçon de morale quotidienne. Je me souviens qu’à l’école primaire, il y a bien longtemps, nos instituteurs « hussards noirs de la République » nous enseignaient une rengaine qui ne soulevait guère d’enthousiasme :
« Mourir pour la patrie
C’est le sort le plus beau
Le digne d’envie… »
Soixante ans plus tard, dans mon livre Aphorismes subversifs, je ne manquais pas de persifler : « Mourir pour la patrie, c’est le sort le plus con ! »
Après le vote de cet amendement scélérat, nous avions été nombreux à proclamer que nous nous réservions le droit d’outrager le drapeau et la chansonnette. Ce qu’exprimait sans équivoque le réalisateur Bernard Cerf, dans une tribune publiée dans Le Monde daté du 8 février 2003 : « Cinéastes, musiciens, artistes, écrivains, faisons des œuvres d’outrage au drapeau et à La Marseillaise, car c’est le premier droit du citoyen. Si nous ne le faisons pas nous acceptons de fait la mort de la liberté d’expression ! »
Dans la foulée, l’enseignement de La Marseillaise était de nouveau rendu obligatoire dans les écoles primaires. Comme ce n’était pas suffisant, en juin 2006, l’Assemblée nationale et le Sénat se permettaient d’améliorer la loi Sarkosy (toujours ministre de l’Intérieur) sur l’immigration et l’intégration d’un amendement permettant « le retrait de la carte de résident étranger de dix ans pour outrage public à l’hymne national et au drapeau tricolore ». Christian Estrosi, alors ministre dans le gouvernement Villepin, insistait sur le fait que « l’étranger qui outrage le drapeau et l’hymne national démontre qu’il n’est pas intégré » !
Revenons au sacrifice suprême évoqué par Hervé Mariton, le 20 septembre dernier, comme complément éventuel à l’allégeance aux armes. Cet élu républicain – comme on dit – n’a certainement pas oublié l’enseignement de Paul Déroulède, ce forcené de la revanche, après la défaite de 1870. En 1875, dans ses Nouveaux chants du soldat, il se répandait en vers de mirliton inoubliables :
« Le tambour bat, le clairon sonne
Qui reste en arrière ? Personne !
C’est un peuple qui se défend.
En avant !
En avant, tant pis pour qui tombe
La mort n’est rien, vive la tombe
Quand le pays en sort vivant.
En avant ! »
En ce mois de septembre 2011, nous bénéficions des remugles du sieur Mariton, à qui nous serions tenté de demander pour quelle cause il serait prêt à verser son noble sang qui abreuverait nos sillons. Qu’il soit permis à un Français d’origine étrangère d’exprimer ici son dégoût le plus profond face aux proclamations de ces bravaches toujours prêts à entonner l’air bien connu : « Armons-nous et partez ! »
P.S. : Le 22 septembre, Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP, convenait que l’expression « allégeance aux armes » pouvait ne pas plaire, et se disait prêt à en changer pour, « engagement loyauté ». Selon un sondage Ifop, rendu public le 23 septembre, 62 % des Français approuveraient le « serment d’allégeance ».
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