lundi 31 octobre 2011

Nous refusons de mourir en silence : Les Palestiniens s’organisent pour résister aux attaques des colons pendant la récolte des olives (Mondoweiss)


Un nouveau groupe de résistance non violente appelé "Nous refusons de mourir en silence" patrouille la Cisjordanie pour protéger les familles palestiniennes qui récoltent leurs olives dans toute la Palestine historique contre les violences croissantes de colons.

Depuis le commencement de la récolte 2011 des olives, au début d’octobre, on a enregistré une inquiétante montée des attaques de colons. Le 20 octobre, selon OXFAM, les colons israéliens ont déjà coûté 500 000 dollars aux fermiers palestiniens de Cisjordanie en oliviers détruits depuis le début de l’année. Rien qu’en septembre, 2500 oliviers ont été détruits sur les 7500 détruits cette année (et on estime que 800 000 ont été détruits depuis l’annexion israélienne de la Cisjordanie en 1967). C’est particulièrement grave parce que la récolte est mauvaise et on pense qu’elle produira seulement la moitié de l’huile de celle de l’année dernière, rendant chaque olivier encore plus précieux.

Une carte interactive diffusée par l’organisation des droits de l’homme Al-Haq illustre "la multiplication alarmante des violentes attaques" de colons en septembre en Cisjordanie. C’est pourquoi "Nous refusons de mourir en silence", qui a été lancé le 19 septembre par crainte d’une augmentation des violences pendant le vote à l’ONU, a organisé des patrouilles quotidiennes dans les territoires entre Ramallah et Naplouse pour protéger les fermiers pendant la récolte. Le mouvement regroupe des militants palestiniens, israéliens et internationaux armés de caméras et engagés dans la résistance non violente ; il a mis en place un dispositif coordonné de voitures de patrouille, dirigé par un centre de contrôle basé à Ramallah, pour répondre aux attaques des colons au fur et à mesure qu’elles se produisent.

Haifam Katib, un coordinateur de "Nous refusons de mourir en silence" qui fait partie du groupe depuis sa création dit : "Nous avons crée ce groupe à cause des attaques des colons dans les villages de Palestine, surtout au moment de la récolte. L’année dernière il y a eu beaucoup de problèmes et donc nous avons décidé de protéger notre peuple, de les aider à récolter leurs olives et de faire savoir ce qui se passe... pour les aider, pour les encourager à continuer, à ne pas avoir peur des colons, à sauver leur terre —c’est ça notre projet."

Comme en septembre, il a eu beaucoup d’attaques en d’octobre. Le 1er octobre, des colons armés ont arraché des douzaines d’oliviers dans le village de Madama au sud de Naplouse et des colons de Yitzhar ont brûlé de nombreux oliviers dans les villages de Einabous et Huwwara au sud de Naplouse. Le même jour des oliviers ont aussi été arrachés et brûlés par des colons dans les villages de Nabi Saleh et Dier Nidham dans le district de Ramallah ; les Palestiniens auraient pu éteindre le feu pour sauver leur seule source de revenus mais les soldats israéliens les en ont empêchés.

"Nous refusons de mourir en silence" est en contact permanent avec des villages palestiniens proches de colonies israéliennes pour pouvoir aider les Palestiniens en cas d’attaque de colons. L’aide est seulement à un coup de fil de distance. "Nous sommes allés dans tous les principaux villages pour donner notre numéro de téléphone aux instances locales, aux comités populaires et à ceux qui habitent près des colonies et qui doivent récolter leurs olives. Ils ont notre numéro et ils peuvent nous appeler en cas de problème. Nous venons tout de suite voir ce qui se passe ; tous nos gars sont des journalistes et ils filment. C’est leur boulot et ils savent le faire."

Le 6 octobre, des colons ont arraché 200 oliviers juste après minuit dans le village de Qusra, au sud de Naplouse, quelques heures avant que leurs propriétaires ne viennent cueillir les olives. Katib explique : "A Qusra nous sommes arrivés le matin et nous avons vu que les colons étaient venus dans la nuit couper les arbres. La terre est très importante pour les Palestiniens et surtout les oliviers qui poussent très lentement et ils soignent les arbres pendant de nombreuses années avant de pouvoir récolter des olives. C’est donc très dur pour eux [quand les colons détruisent leurs oliviers]."

Le 9 octobre, des douzaines de colons armés de bâtons et de pierres ont attaqué les Palestiniens du village de Awarta au sud de Naplouse alors qu’ils tentaient de récolter des olives près de la clôture de la colonie de Itamar. Deux jours plus tard, le 11 octobre, des colons de la colonie de Elon Moreh ont attaqué des gens qui récoltaient des olives près du village de Azmoot, à l’est de Naplouse, dans une échauffourée consécutive à des agressions verbales. Le même jour, des colons ont mis le feu à des oliviers des villages palestiniens de Ras Karkar, Beitillu et Deir Ammar, à l’ouest de Ramallah.

"C’est toujours pareil partout," se lamente Haifam. "Les colons essaient de couper les arbres, de les brûler, de brûler tout l’endroit, d’empêcher les fermiers d’aller sur leurs terres. Et après ils prennent la terre. C’est ce que font les colons, c’est leur politique, le but est de construire de plus en plus de colonies."

La liste continue. Le 12 octobre, des colons de la colonie de Havat Gilad ont attaqué des fermiers du village de Jit ainsi que des membres de "Nous refusons de mourir en silence" et en ont blessé un ; le 21 octobre, un groupe de colons a photographié des fermiers de Burin qui cueillaient des olives et leur a jeté des pierres pendant que des soldats arrêtaient deux d’entre eux ; le 26 octobre, les colons de Yitzhar ont empêché des Palestiniens d’aller récolter leurs olives près du village de Huwwara.

Au milieu de cette vague d’attaques, l’Autorité Palestinienne a publié une déclaration pour condamner l’inaction israélienne, disant que "les violations israéliennes contre les Palestiniens, leurs biens et leurs sources de revenus continuent d’augmenter sans que les autorités israéliennes ne fassent quoi que ce soit pour faire respecter la loi". Le jour suivant, l’ONG des droits de l’homme israélienne Yesh Din a publié des données qui accusent l’IDF (l’armée israélienne ndt) "d’échouer totalement à faire respecter la loi" quand il s’agit de protéger les oliviers de la violence des colons en précisant que sur les 127 cas sur lesquels l’armée avaient enquêté pendant les six dernières années, un seul avait donné lieu à une inculpation.

L’attaque la plus grave de cette année a eu lieu le 21 octobre, quand des colons masqués de la colonie de Esh Kodesh, amés de barres de fer et d’extincteurs, ont assailli des villageois qui récoltaient des olives à Jaloud près de Naplouse, en ont blessé quatre dont un garçon de 12 ans ainsi qu’un militant israélien. Katib explique que la présence des caméras à Jaloud a contribué à calmer la situation qui aurait pu vraiment mal tourner. "A Jaloud, un groupe international était venu aider les fermiers à ramasser les olives. Quand les colons ont vu les fermiers arriver pour la récolte, ils sont venus avec des fusils. Mais comme il y avait un groupe avec des caméras, les soldats sont arrivés ; ils ont essayé de parler aux colons et pour une fois ils ont fait du bon travail. Mais soyez-en sûr, quand nous n’avons pas de caméra les colons ne nous font pas de cadeaux."

Les caméras sont comme l’oeil de la communauté internationale fixé sur les colons, et leur présence peut calmer les esprits et empêcher les agressions. "Il me semble que la caméra peut arrêter la violence" dit Katib, "parce que la caméra est toujours un témoin sur les lieux... Je crois que les colons savent maintenant que s’ils viennent faire ce genre de choses ils seront filmés. Ils commencent peut-être à avoir peur des caméras et c’est très bien." La caméra peut aussi forcer les soldats à respecter les ordres officiels de protéger les fermiers contre les attaques des colons. Dans le village de Jeet près de Naplouse, par exemple, "Nous refusons de mourir en silence" a accompagné les fermiers à leur champs "parce qu’ils avaient peur d’aller ramasser leurs olives. Il y avait des soldats qui surveillaient l’endroit, nous les avons vus mais nous ne leur avons pas prêté attention et nous avons commencé à cueillir les olives. Une demi-heure plus tard, des colons masqués sont arrivés et ont commencé à jeter des pierres pour faire peur aux fermiers ; les soldats n’ont pas bougé. Mais quand le groupe de colons a vu les caméras, il y a eu un moment de surprise, et quand les soldats et la police ont vu les caméras ils se sont dépêchés de venir repousser les colons. C’est grâce aux caméra qu’ils l’ont fait."

Thorn, un militant anglais qui travaille avec "Nous refusons de mourir en silence" confirme que la caméra peut effectivement empêcher les colons de commettre des violences. "L’idée [de créer "Nous refusons de mourir en silence"] nous est venue en constatant le manque de couverture médiatique des attaques de colons. Il y a de nombreux rapports sur la violence des colons et les médias parlent des exactions après qu’elles aient été commises mais il n’y avait personne quasiment pour couvrir les attaques au moment où elles se produisaient. Alors nous avons décidé de combler ce vide ; de plus nous ne voulions pas nous cantonner dans le rôle d’observateur, nous voulions faire jouer la solidarité internationale ici en Palestine pou essayer de prévenir les agressions."

La présence des internationaux dans l’organisation est capitale, selon Katib : "Il y a toujours des militants israéliens et internationaux avec nous et c’est très important. Personne ne croit les Palestiniens. Personne, sauf parfois les médias d’ici. Quand les médias viennent de l’étranger, comme CNN par exemple, ils ne nous croient pas quandnous leur disons que les colons ont tué deux ou trois ou quatre personnes et cela prend du temps. Mais quand ce sont des militants israéliens ou internationaux qui leur expliquent ce qui se passe, qui le leur montrent et qui écrivent des rapports, personne n’ose leur dire qu’ils mentent. C’est très important pour nous. Ce qu’ils voient de leurs propres yeux en fait des témoins de ce qui se passe en Palestine et quand ils rentrent chez eux ils peuvent témoigner."

La présence des internationaux sur les lieux, cependant, ne peut pas toujours sauver la journée des Palestiniens qui récoltent les olives. Comme c’est malheureusement devenu un rite annuel dans cet endroit où le conflit fait rage, les Palestiniens n’ont pas pu récolter les olives de leurs oliviers vieux de 3000 ans, le 22 octobre, à proximité de la colonie illégale de Hébron, Tel Rumeida, sans être constamment harcelés par des colons extrémistes qui les provoquaient en piétinant le drapeau palestinien et par des soldats israéliens qui se sont joints aux colons pour le harceler et qui ont empêché les militants internationaux présents de manifester contre l’occupation et d’exprimer leur solidarité envers les fermiers.

’James’ qui vient d’Angleterre, était un des militants internationaux. "Nous sommes venus manifester notre solidarité envers les fermiers et les aider" dit-il, "parce qu’ils vivent en état de siège et qu’ils souffrent particulièrement ici. Ils sont entourés de quatre colonies et ils ont besoin du soutien extérieur. C’est très important pour eux que les internationaux sachent ce qui se passe ici." Haifam Katib, et les autres coordinateurs de "Nous refusons de mourir en silence" ont bon espoir de parvenir à créer un réseau pour coordonner les interventions dans toute la Cisjordanie afin de s’opposer efficacement aux agressions des colons au fur et à mesure qu’elles surviennent. "A Hébron ils ont des comités populaires qui font le même travail. Il y a beaucoup de gens en Palestine qui font cela, partout, à Jérusalem, Bil’in, Al Masara. B’tselem fait aussi le même travail, ils distribuent des caméras et sillonnent les territoires occupés pour rassembler des témoignages et des preuves.

"C’est le début" ajoute-t-il, "et nous voudrions nous développer, avoir plus de militants et avoir des voitures partout en Cisjordanie mais c’est vraiment difficile. Il y a parmi nous des étudiants, des gens qui ont un autre travail, alors ils viennent un jour mais ne peuvent pas venir le lendemain et il faut les remplacer ; c’est comme ça que ça marche. Nous souhaitons de tout coeur poursuivre notre mission, nous renforcer et continuer à avoir une influence bénéfique."

Ben Lorber
Ben Lorber milite avec le Mouvement de Solidarité International à Naplouse. Il est journaliste au Centre d’Information Alternatif de Bethlehem. Son blog est : freepablogly.wordpress.com
Pour consulter l’original : http://mondoweiss.net/2011/10/refusing-to-die-in-silence-pal...
Traduction : Dominique Muselet

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