"Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs." Article 35 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793
lundi 24 octobre 2011
Irrespirable !
Il est des déclarations de responsables politiques qui nous laissent pantois. Il en va ainsi d’une déclaration récente de M. Brice Hortefeux, désormais conseiller spécial du Président de la République. Quand les hommes importants ont un message important à asséner au peuple ils s’invitent au « 20 heures ». Le plus souvent c’est celui de TF1, la chaîne passée maîtresse dans l’art d’attaquer « les cerveaux disponibles ». Ce soir-là ce fut pourtant le JT de France 2. Le thème de l’intervention de l’homme du président ? Le climat des Affaires !
Il est sans doute temps pour le sommet de l’Etat mis en cause dans plusieurs affaires de corruption ou de financement occulte d’envoyer au feu ses fidèles lieutenants. L’heure étant à l’indignation il fallait bien que M. Hortefeux nous serve son petit couplet en cette matière. » Trop c’est trop ! Cette avalanche de boules puantes allant toutes dans la même direction, pour affaiblir le Président de la République, produit une atmosphère irrespirable pour les Français. » Ainsi, pour le contre-feux télévisé d’un soir ordinaire les Affaires, dont la Justice semble enfin vouloir s’occuper sérieusement, doivent être considérées comme de vulgaires boules puantes que quelques mauvais garnements auraient lancées pour empoisonner l’atmosphère. Nous n’aurions donc affaire qu’à une péripétie insignifiante comme il en existe tant dans les cours de récréation ou les salles de classe accueillant de joyeux potaches. Cette atténuation des faits est évidemment grotesque et ne mérite pas que l’on s’y attarde plus longtemps. C’est ailleurs que s’exprime le culot du laquais empressé d’embobiner l’opinion publique : à cause du tapage médiatico-judiciaire l’atmosphère est irrespirable pour les Français. Voilà les Français brutalement regardés – et instrumentalisés – comme une totalité évidente. Des Français qui subitement auraient du mal à respirer parce que l’on embête le président avec des peccadilles. Eh bien, vous avez raison, M. Hortefeux, l’atmosphère est vraiment irrespirable. Non pas à cause du tapage médiatique ou de l’avalanche de boules puantes dont vous parlez mais en raison de la conception que vous avez, vous et vos semblables, de la manière de gouverner notre pays. Oui, trop c’est trop.
Irrespirable ? Irrespirable, le climat de suspicion et de peur dont les vôtres, M. Hortefeux, ont recouvert avec ardeur notre pays au fil des dix dernières années. Votre manie du fichage est issue à l’évidence de votre sentiment intime que chacun de nous est un suspect à surveiller. Pardon, corrigeons vite cet excès de langage : vous savez préserver de votre maladive attention les potentiels délinquants en col blanc. C’est la France d’en bas qui vous préoccupe au plus haut poing ! Vous voyez en chacun des quatre millions et demi d’assujettis à la CMU - un exemple parmi tant d’autres - un fraudeur possible alors même que les tricheurs ne représentent que 0,1% de cette population déshéritée que votre politique économique néolibérale ne cesse de faire grossir. Oui, ce climat de suspicion générale nous asphyxie.
Irrespirable ? Irrespirable, l’enfermement de la France dans ses frontières que les vôtres, M. Hortefeux, ont sinistrement organisé afin de surfer sur la vague lepéniste. On enferme, on enferme, on enferme à tour de bras musclés, des hommes et des femmes dont le seul crime est de ne pas avoir de papiers, des enfants alors que c’est interdit, des malades au lieu de les soigner. On expulse, on expulse, on expulse à tour d’avions réguliers, des hommes et des femmes menacées dans leur pays d’origine, des enfants scolarisés dans nos écoles où ils font leur la langue française. Oui, la traque à grande échelle que vous menez étouffe la générosité foncière de la plupart des Français.
Irrespirable ? Irrespirable,le développement de la xénophobie d’Etat dont les vôtres, M. Hortefeux se sont rendus coupables depuis cinq ans et qui a contribué à exacerber la parole raciste pour laquelle vous avez vous même été condamné par la Justice de notre pays. Les tracasseries administratives à l’encontre des étrangers « légaux » se multiplient, les formalités à remplir et les documents à fournir lors de la moindre demande adressé à une préfecture deviennent démesurées comme les queues durant des nuits entières marquées par l’espoir de pouvoir enfin être reçu au sein des services préfectoraux. Nous n’hésiterons plus à parler de l’Administration de la honte qui se double, comprenons-le bien, de la honte administrée aux étrangers par les procédures minables que vous avez mises en oeuvre depuis votre ministère de l’immigration et de l’identité nationale, ministère de funeste mémoire. Oui, de tout cela aussi nous suffoquons.
Irrespirable ? Irrespirable, la kyrielle de pressions que le pouvoir exécutif tenu par les vôtres, M. Hortefeux, exerce sur la magistrature de notre pays par l’intermédiaire de procureurs serviles placés au bon endroit. Les Français que vous semblez appeler à la rescousse devraient unanimement s’étonner que vous soyez si bien informé du contenu de certain dossier quand le juge vient tout juste de s’en saisir.
Et que penser de ces écoutes illégales de journalistes enquêtant sur les affaires sensibles que vous prétendez dérisoires ? Le chef du Renseignement vient d’être mis en examen pour de tels faits à l’encontre d’un journaliste du Monde couvrant l’affaire Woerth-Bettencourt. A qui obéissait-il ? Qui l’a nommé à ce poste stratégique, M. Hortefeux ? Oui, votre conception de la justice et de la police nous incommode gravement.
Si la République que vous êtes censé servir pouvait parler, M. Hortefeux, elle vous rétorquerait : Atmosphère ! Atmosphère ! Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? La République est assurément bien autre chose que l’atmosphère de vos troubles manigances.
Vous la salissez. Elle est là la vraie puanteur. La République ne peut plus vous reconnaître. Vous ne la méritez pas.
Yann Fiévet
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