"Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs." Article 35 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793
mercredi 19 octobre 2011
L'ogre Guéant à la chasse aux sans papiers malades ou handicapés
Au pays de Miriam.
C'était autrefois, dans un autre pays, très loin d'ici.
Andréa et Gesse y vivaient heureux avec Miriam et Raquel, leurs deux filles.
Cependant l'inquiétude les gagna, Miriam n'allait pas très bien.
La maladie Epilepsie l'avait atteinte.
Leur pays c'était le Brésil et là-bas il était difficile de bien combattre cette maladie.
Pire encore, les médicaments auxquels elle pouvait avoir accès lui abimaient encore plus le cerveau et son corps déjà fragile.
Ce n'était pas la vie qu'Andréa et Gesse rêvaient pour Miriam dont l'état de santé se dégradait à vitesse grand V, ni pour Raquel qui évidemment en souffrait.
Andréa et Gesse passèrent des jours et des nuits à chercher comment faire.
Le pays où pouvait guérir Miriam n'existait pas, mais il en existait un ou elle pouvait apprendre à vivre avec le handicap installé. On l'appelait le pays des Droits de l'Homme ; la terre de Liberté, d'Egalité et de Fraternité.
En fait c'était beaucoup plus près qu'Autrefois : c'était en 2007.
Et finalement l'espoir donnant des ailes, le Brésil n'étant pas si éloigné de ce pays...
Ils sont arrivés ici, Miriam avait 14 ans et Raquel 12. Mais Andréa et Gesse n'imaginaient pas que nos gouvernants refuseraient que Miriam bénéficie des médicaments et des soins qui existaient pourtant pour tous les enfants de notre pays.
Des amis brésiliens en France depuis plus longtemps qu'eux leur conseillèrent d'aller voir d'abord le RESF car les préfectures obéissaient à des gouvernants expulseurs et que passés les trois mois du visa, il fallait faire un peu attention.
Le RESF obtint le soutien de citoyens et de la communauté scolaire de St Jean de la Ruelle(45), ainsi que de celui du Service de Soins à domicile qui accueillait Miriam, de l'Association des Paralysés de France et du Collectif Les Malades Solidaires.
Ils trouvèrent une avocate, et dès que Miriam put être admise à l'institut spécialisé « Le Levain », ils demandèrent pour la famille un titre de séjour, le 28 mars 2008
Les docteurs s'ingénièrent à stabiliser puis à améliorer l'état de Miriam dont les crises étaient très fréquentes et la motricité quasi inexistante.
Les éducatrices, psychomotriciennes, ergothérapeutes et infirmières s'affairèrent comme des fourmis pour apprivoiser cette déjà jeune fille qui au Brésil ne disposait que de l'aide de sa grand-mère pendant que ses parents travaillaient pour payer les médicaments destructeurs.
Les professeurs, surveillants, documentalistes adaptèrent leur pédagogie et leurs interventions afin que sa sœur Raquel investisse notre langue, nécessaire passage avant l'apprentissage des savoirs.
Les assistantes sociales se décarcassèrent pour trouver des solutions aux problèmes administratifs et sociaux.
Raquel s'adapta à la vitesse de l'éclair.
Pour Miriam, en quelques semaines, les crises d'épilepsie s'espacèrent. Pour le reste cela fut nécessairement plus long : apprendre à marcher, se concentrer sur une activité, améliorer sa communication ; augmenter sensiblement son autonomie dans les tâches de sa vie quotidienne.
Andréa et Gesse savaient bien que de si bons médicaments et les soins de rééducation fonctionnelle qui permettaient à Miriam de progresser coûtaient cher et ils voulaient travailler légalement. Mais pour cela il fallait avoir des « papiers »
En réponse à leur demande de titre de séjour, ils reçurent le 10 juillet 2008 une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF), confirmée par le Tribunal Administratif d'Orléans le 22 octobre 2008 et furent contraints de vivre dans la précarité et le secret.
Malgré toutes leurs précautions, Gesse fut arrêté à la fête foraine de la ville, sous les yeux de Raquel qui se fit toute petite, et s'éloigna discrètement. A 15 ans à peine, elle avait compris qu'il aurait été dangereux pour toute sa famille qu'elle aussi soit arrêtée. Gesse fut renvoyé au Brésil en mai 2009.
Andréa et ses deux filles durent déménager, Miriam, déstabilisée, perdit les repères qu'elle avait péniblement acquis.
Après quelques mois, Gesse revint en France retrouver sa femme et ses filles
Le 3 novembre 2009 la Cour d' Appel de Nantes annula les OQTF d'Andrea et de Gesse et enjoignit la préfecture de leur délivrer une Autorisation Provisoire de Séjour (APS) en raison de l'état de santé de Miriam :
La préfecture s'exécuta à minima en délivrant au compte-gouttes des APS de deux mois, renouvelables. Cela n'empêcha pas les parents de se mettre aussitôt à travailler.
Andrea est femme de ménage, et Gesse, électricien de formation, travaille dans le bâtiment.
Ils ont demandé la mise sous tutelle de Miriam, jeune majeure depuis octobre 2010, et qui malgré tous ses progrès, ne sera jamais complètement autonome.
Raquel, de son côté, a trouvé sa voie, elle est entrée en Seconde au Lycée Gaudier-Brzeska pour obtenir un Bac « Economie du bâtiment » afin de devenir architecte ou conducteur de travaux.
Dés qu'ils le peuvent, ils participent aux mobilisations de RESF, pour Najlae, pour Guillherme de Lyon,
Le 19 octobre 2010, ils étaient à Paris avec Miriam, le RESF et l'APF, pour manifester, interpeller les députés, près de l'Assemblée Nationale, et exiger le retour d'Ardi. A cette occasion, ils ont été interviewés par Marion Rousset, pour le Collectif « Cette France là ».
Le 22 juin 2011, le juge des tutelles a déclaré les parents de Miriam ses tuteurs légaux et comme la préfecture leur avait laissé entendre, ils ont pensé que leurs ennuis seraient terminés, et se que le prochain titre de séjour ne pourrait être que pérenne.
Ils se sont dit : « ça y est ! La France est enfin devenue le pays de Miriam, notre fille. Tout le reste est passé. Il ne reste plus qu'à construire l'avenir ici, dans le pays des Droits de l'Homme ; la terre de Liberté, d'Egalité et de Fraternité. »
Ils se sont dit encore : « un jour Raquel sera Architecte et elle ne construira que des bâtiments accessibles et adaptés à toutes les personnes même si elles sont en situation de handicap. »
On aurait pu croire à une fin heureuse pour ce mauvais conte...
Mais le 29 septembre 2011 tout bascule :
Le préfet use et abuse de son fameux pouvoir discrétionnaire, en refusant de leur délivrer un titre de séjour, et en leur notifiant une nouvelle OQTF, assortie d'une Interdiction de Territoire Français (ITF) de 6 mois après reconduite à la frontière. Les thérapeutes et personnels soignant du Levain l'ont pourtant bien signifié : tout changement présente un caractère anxiogène pour Miriam... Encore une fois, la violence administrative décuple la violence de la maladie et du handicap.
Plus de papiers, plus de droits, plus rien du jour au lendemain !
Vouloir expulser une jeune polyhandicapée, au motif qu'elle prend la place d'un jeune handicapé français, et qu'elle coûte cher à la sécurité sociale, est ignoble.
Faire en sorte d'empêcher les parents d'une enfant polyhandicapée de travailler, pour pouvoir dire qu'ils sont une charge, et qu'ils profitent de la société, est innommable.
Et nous devons empêcher cette ignominie !
Frédérique Perrotin et Chantal Thabourin , RESF Loiret
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