vendredi 25 novembre 2011

Agent Orange Viêtnam : bienvenue Joan la colombe


Joan Baez 11


Joan Baez, égérie de paix, rejoint le Comité International de Soutien aux victimes vietnamiennes de l’Agent Orange (CIS).

Sa mère grandit à Édimbourg ; son père, mexicain, à Brooklyn. Ils sont enfants de prêtre et de pasteur. Le père, éminent physicien, déclinera tout travail dans l’industrie de l’armement, refusant de participer à la construction de la bombe atomique… semant les graines de ce que deviendra la petite Joan. Puis il obtient un poste au Massachusetts Institute of Technology (MIT). À Boston, avec sa première Gibson acoustique, Joan démarre sa carrière d’artiste de rues et de cafés.

En 1961 – année du premier épandage d’Agent Orange au Viêt Nam – Joan Baez est disque d’Or. Elle à 20 ans, fait connaître Bob Dylan. Peace pour le Viêt Nam and Love pour Dylan.

Elle sera de tous les engagements politiques et sociaux : combattra pour les droits civiques, contre la ségrégation raciale au côté de Martin Luther King et participera à la Marche vers Washington. Elle se lie aux activistes anti-guerre du Viêt Nam. Joan donne des concerts gratuits en opposition à la guerre, notamment au Washington Monument. Résistante non-violente, elle pratique la désobéissance fiscale, refusant de payer l’impôt militaire. En Californie, Joan bloque l’entrée du Centre des Forces Armées, à la suite de quoi elle est arrêtée à plusieurs reprises, puis jetée en prison en 1967. Deux ans plus tard, le Festival de Woodstock établit sa notoriété internationale. Ensuite elle se rendra à Hanoi sous les bombardements, visitera les camps de prisonniers de guerre, dénoncera les violations des droits de l’homme de quelque origine qu’elles soient.

En 1971, elle chante à la fête de l’Humanité et, 40 ans plus tard, la voici de nouveau : année du 50ème anniversaire du premier épandage d’Agent Orange au Viêt Nam.

Une occasion rêvée de lui demander de soutenir les victimes vietnamiennes de l’Agent Orange dans leur quête de justice, donc de paix. Cependant, entre elle et moi, 100 000 personnes qui l’attendent nous séparent, auxquelles viennent s’ajouter les personnels de sécurité et d’urgence sanitaire, les hautes grilles et les consignes strictes des grands rassemblements, rendant la colombe inaccessible.

Tout d’abord, c’est Josiane Comet qui trouve la solution à mes jambes déficientes : un fauteuil roulant. Michel Laviec conduit le fauteuil, tandis que Joselyne et Alain Grimaud ouvrent la foule devant nous, pas à pas. Les roues avant heurtent les chevilles des gens qui se retournent, donnant aussitôt un coup de main pour faciliter le passage sur les mètres suivants. De temps à autres un danseur embrumé échoue sur moi. Le portable sonne, quelqu’un s’inquiète de notre lente progression. Lavilliers en a terminé et nous sommes encore loin du but. Lorsque nous arrivons enfin aux premières barrières, Joël Lumien est là, comme prévu, portable visé à l’oreille. C’est lui qui a la « clé ». Le premier rideau franchi, les choses se durcirent. « Ce n’est pas possible, c’est les directives…. » Le téléphone chauffe : « Passe-moi Michel Decker ! » Cette personne n’est pas disponible à cet instant. Et on ne déroge pas, même si on connaît… Finalement, Joël joint Michel, et les mâts des hautes grilles sont retirés momentanément des ancrages de béton… On traverse devant la Grande scène. Le spectacle à suivre est celui de Patrice, les décibels-tests nous traversent de part en part. Nous filons sur le côté opposé. Le ciel est menaçant au-dessus de la foule formant un cratère. Le service de secours nous offre gracieusement des bouchons d’oreilles. On repère : si Joan Baez arrive par là… Non, c’est mieux de se positionner ici. En vérité nous ne savons ni comment ni par où elle arrivera… L’erreur majeure serait de la solliciter avant le concert. Le spectacle de Patrice déroule, les personnels du Samu secourent de jeunes « inanimés », les portent dans les bras, prodiguent les premiers soins, puis ils repartent sur leurs jambes quelques instants plus tard… quand la pluie fait son apparition. Elle s’intensifie. Puis c’est un déluge… On se demande si Joan Baez va chanter ? Les précipitations ne faiblissent pas. Nous trouvons refuge dans le hall de la régie. On pourrait croire que je suis tombé au fond d’une piscine avec le fauteuil roulant, moins présentable qu’un rat. Je m’égouttais lorsque nous vîmes sur une des portes l’affichette Joan Baez : sa loge. Programmée pour 20h 20, il était presque 21h. Je me positionne dans l’angle près de la porte en question. Un van arrive tous feux allumés et s’immobilise devant les bâches déployées pour endiguer les bourrasques. Des parapluies s’affairent autour du véhicule.

Joan Baez apparaît.

Cheveux blancs coupés courts, pull et jean, simples souliers, silhouette « trentenaire » : je la croyais plus grande ! Concentrée, elle remarque le type sur son fauteuil roulant : esquisse un sourire poli au passage puis entre dans sa loge. Sous l’orage la foule gronde, Joan, Joan, Joan… Au pied de l’escalier intérieur menant au niveau de la scène, un écran permet de voir la multitude de parapluies à perte de vue comme une champignonnière sous le déluge. Joan Baez ressort de sa loge, elle a simplement jeté une longue écharpe fuchsia sur ses épaules.

Elle y va.

Regardant le plancher, décidée, elle emprunte cet escalier métallique propre aux structures évènementielles, puis disparaît. Dans un tonnerre d’applaudissements et de cris elle nous réapparaît de dos sur l’écran posé devant nous. Les précipitations battent le faisceau des projecteurs. Joan passe la sangle de la guitare, effleure les premières notes, puis sa voix cristalline monte à l’assaut de la liesse générale, impose silence et frisson, et il n’y a plus qu’elle.

Intérieurement, je cherche la jolie phrase pour entrer en contact avec elle au moment propice, tandis que la voix soprano monte, monte avec justesse : d’ailleurs, il ne pleut plus. L’émotion est palpable. Au rappel, elle chante « Le Déserteur », en français (chanson enregistrée pour la première fois le jour de la défaite de Dien Bien Phu, et reprise aux États-Unis pendant la guerre américaine au Viêt Nam).

La voici de retour. Elle marque un arrêt en haut de l’escalier à cause du changement brutal de lumière entre la scène et ici. Puis, accommodée, descend, visiblement éprouvée. Je l’applaudis. Elle approche en souriant, m’adresse son fameux clignement des yeux, me prend les mains : la jolie phrase toute prête s’en est allée… Je lui remets les papiers préparés à son attention.

« Madame Joan Baez, acceptez-vous de soutenir les victimes vietnamiennes de l’Agent Orange ? »

« Oui, je les soutiens. »

André Bouny, fondateur de D.E.F.I. Viêt Nam, constitue et conduit le CIS, auteur du livre Agent Orange – Apocalypse Viêt Nam, préface d’Howard Zinn, aux Éditions Demi-Lune (Collection Résistance), Paris, 2010.http://www.editionsdemilune.com/agent-orange-apocalypse-viet...



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