samedi 26 novembre 2011

Une démocratie tenue en laisse



C’est sans doute ce que l’on appelle communément un lynchage médiatique. Le silence puis les déclarations d’Eva Joly au sujet du contenu et des modalités de l’accord (final ?) intervenu entre son mouvement et le PS ont suscité une véritable bronca journalistique. Comment peut-on dénigrer un compromis négocié de haute lutte par ses partenaires ? Comment peut-on refuser d’annoncer son futur effacement devant François Hollande ? Comment peut-on contester voire refuser sa condition de vassal obligé ? La représentante d’EELV ne pouvait ignorer à ce point les codes et les réflexes de notre vie politique nationale sans soulever l’indignation et l’ironie méprisante de médias bien-pensants qui ,décidément, n’aiment pas que les hommes et les femmes politiques s’écartent des chemins balisés. Dans ce pays, la liberté de ton dérange : elle insulte, par effet de contraste, tous ces beaux esprits, enchaînés par intérêt ou par conformisme.




La grande majorité des journalistes préfèrent stigmatiser le sectarisme, l’intransigeance voire « la folie » d’Eva Joly plutôt que de s’indigner de l’ingérence d’Areva dans les négociations entre deux partis politiques. Mais la pression et l’anathème proviennent aussi de son propre camp. Les « amis » d’Eva Joly se sont chargés de regretter publiquement son amateurisme et son inexpérience. Un petit quarteron de députés verts ( ils sont trois à l’Assemblée), emmenés par Noël Mamère, s’est employé devant micros et caméras à minimiser un incident de campagne regrettable et à rassurer la direction socialiste : la vilaine enfant sera désormais bien « entourée ». Ces messieurs tiennent évidemment beaucoup à conserver leurs sièges de députés. Ceux qui nous avaient promis d’ouvrir toutes grandes les portes du débat s’emploient à les refermer dès lors que leurs intérêts sont en jeu. Daniel Cohn-Bendit, le libertaire libéral, plaide notamment pour un retrait pur et simple de la candidature écologiste.

Pourtant, la préparation des élections présidentielles et législatives à venir pourrait être l’occasion d’écouter pour une fois les voix dissidentes et de permettre aux citoyens français d’avoir accès à une diversité d’approche et d’analyse. C’est certainement beaucoup trop demander aux tenants du système. Il n’est toujours pas question de donner une meilleure place aux points de vue habituellement occultés par les prises de position dominantes. Notre débat politique reste bien convenu, des chiens de garde veillent à la permanence de nos dogmes nationaux : le nucléaire, la défense nationale avec sa force de frappe, le défilé du 14 juillet, l’agriculture intensive, etc . . . Il existe des sujets qui doivent obligatoirement faire consensus ( ils ne sont paraît-il ni de droite ni de gauche) et qui ne peuvent pas être discutés. Ils font sans doute désormais partie de notre identité nationale et mériteraient sûrement d’être inscrits sur le drapeau. A bien des égards, nous sommes un peuple de religieux laïcs. Et malheur à celui ou celle qui tente de remettre en cause certaines croyances. Notre République mais aussi notre industrie s’appuient sur quelques fondamentaux intangibles ; pour les maintenir le conditionnement des esprits est d’autant plus aisé que les puissances d’argent contrôlent désormais les principaux médias. Le quatrième pouvoir, loin d’éclairer les consciences, concourt très souvent à enfermer les citoyens dans le moule d’une pensée totalitaire. La seule bataille d’idées qui compte aux yeux des principaux leaders d’opinion est celle qui oppose le néolibéralisme de droite au libéralisme de gauche. Au deuxième tour des Présidentielles, si la hiérarchie actuelle des sondages est respectée, notre belle démocratie se prépare à organiser une confrontation factice et illusoire entre les défenseurs d’une économie qui impose son ordre aux politiques et qui finit par les dévorer sans distinction de camp ainsi que le démontrent les dernières élections en Europe. La bipolarisation de notre vie politique entre deux partis de gouvernement libéraux et favorables à l’Europe des traités de Maastricht et de Lisbonne n’offre qu’une alternative pauvre à l’électorat. Pourtant, en politique comme ailleurs, la diversité est une richesse indispensable et un formidable atout pour permettre aux populations de s’adapter et imaginer de nouvelles solutions pour prévenir et éviter les catastrophes.

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