mardi 29 novembre 2011

Nicolas Sarkozy, à droite toute


Engagé dans une course contre la montre pour reconquérir son électorat, le chef de l’Etat maintient le cap à droite, pour des raisons sociologiques et politiques.

"La société française est à droite, elle glisse de plus en plus vers la droite."Cette confidence, nourrie par des enquêtes d'opinion lui décrivant un pays vieillissant et craintif, Nicolas Sarkozy la répète comme un mantra à chacun de ses interlocuteurs. Président en campagne, pas encore candidat déclaré, le chef de l'Etat est persuadé - et son fidèle conseiller droitier Patrick Buisson ne fait bien évidemment rien pour le dissuader - qu'il gagnera l'élection présidentielle du printemps 2012 en renouant les fils entre toutes les droites et surtout en cultivant avec un soin particulier le courant qui flirte souvent avec la ligne rouge, du côté du FN.

Dès son entrée en campagne, sans doute en février, le Président sortant veut parler sécurité et protection aux Français.

"Il se dit que, si Aubry avait été candidate, ça aurait valu le coup d'aller draguer au centre parce qu'elle avait cette image d'archaïsme qui effraie les bien-pensants. Mais là, avec Hollande qui fait les yeux doux à Bayrou et qui prépare un programme à l'eau tiède, à quoi ça servirait ?", confie un sarkozyste de choc.

Dénoncer les promesses "démagogiques" du PS

Depuis que la cote du chef de l'Etat a entamé une remontée, timide mais régulière, l'UMP reprend du poil de la bête face au candidat PS. François Hollande fait l'objet d'un pilonnage systématique. Le camp sarkozyste est certain qu'en répétant jour après jour que le député de Corrèze n'a pas les épaules pour être président, l'argument finira par payer. Jean-François Copé, François Fillon ou encore Bruno Le Maire, chargé lui aussi du projet présidentiel pour 2012, mènent l'offensive sur le terrain programmatique en dénonçant les promesses "démagogiques" du socialiste. "Mais cela ne suffira pas, explique un ténor du parti, il faut aussi qu'on s'adresse aux nôtres."

Pour rassurer les électeurs de droite, et surtout ramener au bercail ceux qui se sont éloignés vers le Front national, Nicolas Sarkozy a son peloton de voltigeurs : Patrick Buisson, qui garde la confiance absolue du chef de l'Etat, a fait émerger une nouvelle génération, représentée notamment par Guillaume Peltier, un transfuge du FN et du MPF de Philippe de Villiers, ou encore par Jérôme Lavrilleux, efficace lieutenant de Jean-François Copé. Le Président a aussi trouvé son émissaire : Claude Guéant, le ministre de l'Intérieur.

Jeudi 17 novembre, c'est lui qui recevait les trublions de la Droite populaire pour un dîner place Beauvau. C'est lui aussi qui multiplie les propositions"clivantes" pour tenter de pousser la gauche dans ses retranchements : durcissement des conditions de mariage entre Français et étrangers, tour de vis en matière de sécurité et d'immigration. Ce haut fonctionnaire, qui a grandi en politique dans l'ombre de Nicolas Sarkozy, assume sans trop d'états d'âme le rôle du "bad cop" de la future équipe de campagne. Il est de plus en plus sur le terrain.

"Que la France reste la France"

En meeting vendredi soir dans les Pyrénées-Orientales, Claude Guéant a dévoilé quelques-uns des "marqueurs" de la future campagne présidentielle."La crise oblige à bâtir un autre monde, avec d'autres règles et principes qui sont les valeurs que nous portons à l'UMP", a-t-il dit en vantant le travail et en fustigeant les 35 heures. Mais c'est sur l'immigration qu'il se déploie, avec un slogan-phare : "Nous voulons que la France reste la France", et une attaque en piqué contre les socialistes qui "proposent plus d'immigrés et le droit de vote aux élections locales".

L'immigration, c'est aussi le terrain de jeu de la Droite populaire. Marine Le Pen, candidate du FN à la présidentielle, combat avec acharnement cette quarantaine de députés UMP regroupés, selon elle, dans "une entreprise d'enfumage électoraliste". En septembre, les élus de la Droite populaire ont rendu publique une douzaine de propositions pour "crédibiliser" leur démarche. Beaucoup étaient un simple copier-coller du programme du FN.

Le 19 octobre, c'est dans l'hebdomadaire d'extrême droite Minute que le ministre des Transports, Thierry Mariani, ex-déçu du sarkozysme revenu en grâce, a annoncé le lancement d'une pétition contre le vote des étrangers. Le 25 octobre, le député Philippe Meunier, cofondateur du collectif de la Droite populaire, a suggéré de réserver l'allocation de solidarité aux personnes âgées aux " Français, Européens et ressortissants étrangers ayant combattu pour la France", une mesure initialement proposée par le parti lepéniste.

Les élus de ce courant extrême de l'UMP sont bien vus à l'Elysée, où on apprécie leur activisme et leur énergie à défendre le bilan de Nicolas Sarkozy. Ils ont pris l'ascendant sur les autres groupes au sein du parti présidentiel. Ils donnent le la.

Des débats "sans tabou"

Les différences idéologiques paraissent minces. Ce qui explique qu'une élue comme Brigitte Barèges, la députée-maire de Montauban, réputée pour ses déclarations homophobes, s'est inscrite dans tous les courants de l'UMP ! Ainsi, la Droite sociale de Laurent Wauquiez, le ministre de l'Enseignement supérieur, vise la reconquête des classes moyennes éreintées par trois années de crise financière et économique, mais sur une ligne clairement conservatrice. On parle de "lutter contre les profiteurs du haut et les profiteurs du bas", avec une proposition sur l'interdiction des stock-options et une préférence accordée aux travailleurs "modestes" au détriment des chômeurs pour l'accès au logement social.

En mai, le jeune ministre n'a pas hésité à fustiger "le cancer de l'assistanat".Même la Droite humaniste, conçue pour faire contrepoids à la Droite populaire et rassurer l'électorat centriste, apparaît comme touchée par le virus. Elle prône aujourd'hui des débats "sans tabou".

"C'est plus facile de faire de l'agit-prop sur ces sujets que sur les questions économiques, où le bilan de Sarkozy est quand même, et c'est un euphémisme, contrasté", note un député UMP, qui ajoute : "Le Président ne pourra pas faire campagne uniquement sur la sécurité et l'immigration mais sur le plan économique, c'est vrai que c'est la crise qui lui dictera l'agenda. Autant commencer la campagne par un bout."
Hélène Fontanaud

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