lundi 21 novembre 2011

Un chômeur en procès pour avoir «outragé» Pôle Emploi


Mardi 22 novembre à 9h, à la 10e chambre correctionnelle du TGI de Paris, un militant de la Coordination des intermittents et précaires d'Ile-de-France comparaît pour «outrage à Pôle Emploi», délit passible de six mois d'emprisonnement et de 7.500 € d'amende.

La directrice du Pôle Emploi Vicq d'Azir (Paris 10e) a porté plainte suite à une action collective du 19 octobre 2009 destinée à faire valoir les droits de plusieurs intermittents dont les allocations chômage n'étaient pas versées depuis des mois.

Selon elle, ce qui justifie cette plainte est que l'accusé aurait qualifié les agents du Pôle Emploi d'«incompétents, fainéants, bons à rien». Il est vrai que ce jour-là, la directrice avait ordonné à ses agents de ne pas étudier les réclamations que lui adressaient des intermittents privés de leurs droits. Le simple fait de revendiquer ses droits et d’attendre du Pôle qu’il les respecte est désormais un outrage passible de poursuites.

Ce procès est une première dont les chômeurs se seraient bien passé. Si l'accusation d'outrage est fréquemment utilisée par des policiers qui obtiennent ainsi de nombreuses condamnations basées sur leurs seuls témoignages, on ne sache pas qu'elle l'ait déjà été par Pôle Emploi.

Pôle Emploi est une zone de non droit. Il existe peu de moyens de débloquer des situations rendues inextricables par une institution opaque dont dépend pourtant la survie de nombre de précaires. De ce fait, tous les collectifs de chômeurs, précaires, intermittents sont conduits à intervenir dans les agences et dans d'autres institutions sociales pour tenter d'y faire respecter les droits de chômeurs en butte à l'arbitraire et aux dénis de droit. La loi garantit d'ailleurs aux usagers des institutions sociales la possibilité de se faire accompagner lors de leurs démarches. Si adresser un courrier de mise en demeure argumenté, avertissant qu’une procédure judiciaire va être lancée, conduit souvent Pôle Emploi à ouvrir des droits ou à revenir sur une décision négative (radiation, prélèvement d'indu), il est fréquent que le fait de venir à plusieurs permette de débloquer une situation lorsqu’une série de démarches individuelles n’a rien donné.

Ce procès pour «outrage à Pôle Emploi» intervient après une campagne d’affiches dans les agences menaçant de poursuites judiciaires les usagers récalcitrants. Pôle Emploi va jusqu'à adresser par courrier de telles menaces. Lors d’une convocation en septembre dernier, un chômeur au RSA, qui a eu le tort de dire ce qu’il pensait de l’utilité de Pôle Emploi, a été menacé par la direction régionale de poursuites judiciaires pour... «propos désobligeants». En portant plainte individuellement contre l'un des présents rue Vicq d'Azir ce 19 octobre 2009, Pôle Emploi choisit de judiciariser le conflit. Il s'agit de dissuader les actions de défense des droits et toute action collective.

Le fonctionnement du Pôle repose sur une logique managériale et comptable qui asservit ses agents à des objectifs quantitatifs, au mépris de leurs conditions de travail, de son utilité sociale éventuelle, comme des droits des chômeurs. De l'autre côté du guichet, Pôle Emploi assujettit les chômeurs à une logique de concurrence, d'individualisation, d'employabilité à tout prix, et précarise toujours davantage ceux qui passent par le chômage et l'emploi discontinu (non indemnisation, radiations, prestations imposées, "offre raisonnable d'emploi", travail gratuit, etc.). Les abus de droit font ainsi l’ordinaire d'une institution qui ne veut tolérer aucune contestation, aucun contre pouvoir. On le vérifie avec ce chômeur menacé de poursuites pour «propos désobligeants» : tous ceux qui, en quelque façon, ne jouent pas le jeu que l'institution impose s'exposent à des sanctions.

Pôle Emploi s'attaque désormais à tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à une mise en cause, ou, pire encore, à une coalition qui viendrait modifier ou rompre une relation asymétrique, un rapport du faible au fort, où chacun doit isolément rendre des compte à une institution qui n'aurait jamais, elle, à se justifier. Pour renforcer cet assujettissement à la logique concurrentielle et à la culpabilisation, l’option sécuritaire n’est jamais loin et la judiciarisation des conflits est l’une de ses ressources les plus maniables.

Nous refusons bien évidemment ce fonctionnement, tout comme nous n'acceptons pas que l'on cherche à interdire les trop rares possibilités de se défendre et de se faire respecter.

Ce procès doit se conclure par la relaxe du mis en cause.

Vous êtes invités à y assister et à exprimer votre solidarité.

La Coordination des Intermittents & Précaires d'Ile-de-France
www.cip-idf.org
13 bld de Strasbourg 75010 PARIS
Tél : 01 40 34 59 74

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