jeudi 24 novembre 2011

Taper sur les pauvres et les victimes de la crise, une manœuvre bassement électoraliste


L'UMP repart en guerre contre l'assistanat et propose de plafonner les revenus des minima sociaux, d'inciter les bénéficaires du RSA à travailler et de rendre dégressives les allocations chômage. Une stratégie pour capter les voix des classes moyennes inférieures.

Mardi soir a eu lieu la première des trois conventions nationales de l'UMP qui doivent accoucher du programme du parti présidentiel pour 2012. Ce rendez-vous était consacré à l'économie et au social. Au menu notamment : la fin des 35 heures et l'instauration d'une TVA sociale rebaptisée "fiscalité anti-délocalisation". Et surtout, la lutte contre l'assistanat. Le "parti des droits et des devoirs", comme il se qualifie, considère que "la France a le modèle social le plus généreux de l'OCDE". Il critique un système conçu sur une "logique d'assistance" et propose de passer à une "logique de responsabilité".

Un véritable glissement sémantique s'est donc opéré au sein de l'UMP depuis la polémique sur le "cancer de l'assistanat" lancée par Laurent Wauquiez au printemps dernier. "On sort des excès de langage pour revenir à un discours plus traditionnel, à un recentrage moins stigmatisant, plus responsabilisant, analyse Nicolas Duvoux, maître de conférence en sociologie à l'université Paris Descartes. Mais sur le fond, les propos restent les mêmes : on veut faire croire aux Français que système social repose sur une logique d'assistance sans contrepartie. Ce qui est faux. Le système social repose en grande majorité sur une logique d'assurance. L'assistance n'est là que pour en palier les manques les plus criants."

Concrètement, l'UMP veut plafonner le total des revenus sociaux à 75% du Smic (hors prestations familiales). Soit un plafond de 820 euros nets par mois, un niveau inférieur de 130 euros au seuil de pauvreté monétaire en France... Cette proposition, dont Laurent Wauquiez est le père, repose sur l'idée que les bénéficiaires des minima sociaux gagnent plus que ceux qui travaillent au Smic. "L'idée qu'en France, aujourd'hui, on puisse mieux gagner sa vie sans travailler qu'en ayant un emploi est une pure fiction", expliquait en mai dernier à L'Expansion.com Hélène Périvier, économiste à l'OFCE.Une étude du ministère des Solidarités publiée alors montre en effet qu'un couple sans enfant et sans emploi bénéficiaire du RSA reçoit 905 euros contre 1.073 euros pour le même foyer touchant un Smic. La tendance est la même pour les couples avec un ou deux enfants. Selon l'Insee, une personne en emploi dispose d'un niveau de vie moyen supérieur de plus de 50% à celui d'un chômeur (24.420 euros en moyenne en 2009 contre 15.960 euros).

Draguer les classes moyennes inférieures

Autres propositions phares de l'UMP : rendre dégressives dans le temps les allocations chômage et "inciter" les bénéficiaire du RSA à retrouver un emploi. Le parti ne précise pas quelles seraient ces incitations, mais la menace de sanctions est évidente. D'ores et déjà, le gouvernement va expérimenter dans une dizaine de départements l'obligation de 7 heures de travail par semaine pour les allocataires du RSA. "Ce type de programme de court terme ne résout pas les problèmes de long terme d'employabilité des personnes, d'adaptation à la demande du marché de l'emploi", critique Ludovic Subran, chef économiste chez Euler Hermes.

Concernant la dégressivité des allocations chômage, ce serait une première en Europe. Seule la Suède a mis en place un telle mesure : le montant de l'indemnité chômage est de 80% du salaire pendant 200 jours, puis 70% pendant 100 jours. Partout ailleurs, l'indemnisation est fixe mais limitée dans le temps. En France, il faut avoir cotisé au minimum quatre mois pour toucher des allocations chômage. La durée de l'indemnisation dépend ensuite de la durée de cotisation et est limitée à 24 mois.

Selon la logique de l'UMP, rendre ces allocations dégressives devrait inciter les chômeurs à retrouver plus rapidement un emploi. Or "le problème n'est pas de retrouver rapidement un emploi, mais de trouver un emploi tout court", fustige Maurad Rabhi, secrétaire confédéral de la GCT en charge des négociations au sein de l'Unedic. Il rappelle que pour créer des emplois, l'économie française doit croître d'au moins 2%. On en est loin : en 2012, le PIB n'atteindra que 0,8% selon la plupart des économistes. Pour Maurad Rabhi, ce type de mesure ne fait qu'ajouter une pression supplémentaire sur les chômeurs pour qu'ils acceptent des emplois moins qualifiés et moins bien payés, avec un risque accru de précarisation des salariés. Surtout, cela va faire basculer plus rapidement un grand nombre de chômeurs dans les minima sociaux et dans la pauvreté. "Un demandeur d'emploi sur deux n'est actuellement pas indemnisé parce ses droits sont épuisés", rappelle de son côté Eric Aubain (CGT).

"Frapper sur les petits et les faibles va être une tendance forte de la droite pour la campagne présidentielle, prédit Matthieu Angotti, directeur général de la Fédération des associations d'insertion (Fnars). Cela rassure les classes moyennes inférieures, fragilisées par la crise, qui ont peur du déclassement." "Surfer sur cette thématique de la lutte contre l'assistanat offre une réassurance morale à l'électorat traditionnellement conservateur et permet à la droite d'envoyer des signes aux strates fragilisées de l'électorat salarié, dont le vote est plus fluctuant entre les extrêmes", conclut Nicolas Duvoux.

(Source : L'Expansion)
Pour compléter > En finir avec l’«assistanat», c’est possible !

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