jeudi 24 novembre 2011

République : quelle forme, quels principes pour l'utopie ?


Combats sans gloire sur fond d'egos surdimensionnés. Chacun y va à gauche de son appréciation de ce qui est juste et bon... et certains de clouer aux portes de granges les "non-conformes".

On a déjà connu ça . On pourrait même dire que le conflit est consubstantiel au débat d'idées. Jamais les passes d'armes, entre les tenants des transformations lentes et les exégètes du tout-tout de suite, n'ont pu se réduire au point de permettre la constitution de forces de gouvernement apaisées. D'un côté les laxistes, de l'autre côté les purs et durs. Les tièdes et les bouillants.

Quand les conflits d'idées ne suffisent pas, on y ajoute les conflits de personnes pour faire bonne mesure. Conflits idéologiques, petits et grands calculs, des forces de transformation sociale qui ont chacune leur vision orthodoxe du « projet ». Rien de nouveau sous le soleil de gauche.

Dès l'origine, de grands rassemblements au nom de l'honneur (l'Affaire Dreyfus par exemple) en affrontements fratricides (sur les modes de scrutin) on voit bien que la gauche n'a jamais tranché : la République qui se veut « une et indivisible » se décline de diverses manières et personne n'a encore pu mettre sur la table un projet qui satisfasse tant les farouches tenants des libertés individuelles, ou qui se disent tels, que les collectivistes, persuadés que seul le nivellement social et le gommage des distinctions entre individus sont garants de l'idée de justice.

Pour s'en convaincre, il n'est pas mauvais de remonter aux sources.Quand Gambetta propose en 1869 le Programme de Belleville*, presque tout y est, déjà. Mais, outre que ledit Gambetta renie en partie son engagement, il ne se trouve pas de majorité à l'Assemblée pour y travailler et le mettre en œuvre. La société française n'est pas encore prête à tailler dans le vif, notamment sur les questions d'instruction publique et de laïcité et les républicains n'ont pas les coudées franches.

Dès que la République s'installe « pour longtemps » on commence à voir poindre les clivages sur les méthodes à adopter. Ces clivages perdurent. D'un côté les « opportunistes » qui veulent mettre en œuvre la transformation, mais sans théoriser un système, répondant aux nécessités de l'heure comme elles se présentent. A côté, ceux qui veulent déblayer pour rendre tout retour des conservateurs impossible, voire leur faire rendre gorge. Gambetta. Clémenceau. Deux logiques. Au milieu desquelles les mouvements se réclamant du socialisme, divisés et concurrrents, n'entraînent guère de troupes. Ils ne seront que 50 à investir l'Assemblée en 1893, partagés en quatre courants et une masse indistincte d'indépendants. Jaurès s'usera à tenter de faire l'unité des socialistes. "Contre l'ennemi, nous habitions et nous défendions un édifice de concorde républicaine, ébranlé trop tôt par des mains imprudentes, il va crouler. Par quelle porte en sortirons-nous ? Par la porte du passé ou par la porte de l'avenir ?"

La « réaction » ne reste pas les bras croisés pendant ce temps-là, fort contente de l'aubaine. Et l'on voit comme toujours les marchands de canon inventer des guerres fructueuses.

Cette réaction est toujours vivante. Danielle Mitterrand le disait dans l'un des documentaires qui lui fut consacré voici quelques années : ces « gens-là » n'ont jamais renoncé. Utilisant désormais les leviers financiers, une caste confisque les fruits des efforts de tous, collectivisant les pertes et privatisant les bénéfices, ils ont simplement changé d'échelle. Elle est désormais planétaire. Et ils se gavent. Face à cela, la gauche, qui n'a rien appris en plus de cent ans. Rien. Ni sur le fond, ni sur les méthodes, encore moins sur la nécessité de la morale dans l'action.

Ce ne sont pas les derniers développements du feuilleton qui vont nous convaincre du contraire. D'un côté un appareil sur-dimensionné (changement de taille quand même en un siècle) qui dicte désormais la conduite à tenir, car il tient les moyens. De l'autre des formations opportunistes qui font révérence à géométrie variable, pour des motifs étrangers à l'idéologie (calculs perso, manque d'argent collectif).

A la tête de ces "estimables" formations, des caciques, pas tous chenus, qui utilisent des méthodes écoeurantes pour réduire les uns ou favoriser les autres.

A côté d'eux, des regroupements d'ardents jusqu'au-boutistes travaillant par défaut à pérenniser la main-mise d'une clique sans scrupules à qui ils fournissent toutes les armes nécessaires, tant conceptuelles que circonstancielles.

Au bout du compte à quoi s'attendre ?

Ou bien au maintien en place des saigneurs du pays, dont l'hymne pourrait être la chanson de Brel « Salut à toi dame Bêtise ».

Ou bien à l'arrivée dans les travées de l'Assemblée de cohortes de récompensé(e)s dont le seul talent (la seule compétence) aura été de courber l'échine et de lécher de manière opportune. On peut juste espérer qu'ils seront moins cyniquement voraces que les prédécesseurs et peut-être un peu plus motivés pour faire pièce à la pègre financière internationale.

Ce qui ne serait pas mince, pour commencer.

Jusqu'à ce qu'ils goûtent eux aussi aux joies de la non-responsabilité devant le peuple et se gavent des prébendes expressément prévues par la fonction qu'ils convoitent...

A mon sens, celui de minuscule citoyenne perdue dans la masse, si l'on veut trier le bon grain et l'ivraie, on devrait commencer par annoncer la couleur des transformations institutionnelles : plus de privilèges de fonction, plus de tarifs préférentiels, plus d'assistants grassement rémunérés et choisis en famille, plus de passe-droits de toutes sortes, de cocardes, de chauffeurs, de prêts, j'en passe et des pires. Obligation de présence et de travail, tickets restaurants comme tout le monde et voyages en seconde classe. Modestie. Sobriété.

« Etre de gauche » en somme.

Annoncer cela d'emblée et voir ensuite qui maintiendrait courbée son échine de courtisan, de courtisane, causerait sans doute quelques joies au bon peuple qui se sent floué pour l'heure.

Peut-être même qu'il retrouverait l'envie d'aller voter...

*http://fr.wikipedia.org/wiki/Programme_de_Belleville

Intéressant : "Jaurès et les Radicaux, une dispute sans rupture", de Jean-Michel Ducomte et Rémy Pech, Editions Privat (Toulouse)

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