mardi 29 novembre 2011

Un bel automne pour la xénophobie

Citoyenneté

Quitte à enfoncer une porte ouverte, autant remarquer qu'avec l'arrivée de monsieur Guéant au ministère de l'Intérieur, de l'Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, la xénophobie d’État a trouvé une vigueur que ses prédécesseurs, sans avoir aucunement démérité dans ce domaine, n'avaient pas su lui donner.

(Par "xénophobie d’État" on entendra toute politique étatique basée sur l'idée claire et distincte que la présence de l'étranger sur le sol national constitue, en tant que telle, le point de départ d'un épineux "problème" à résoudre...)

Il n'est pas certain que monsieur Guéant soit nettement plus intelligent que messieurs Hortefeux et Besson, mais il paraît assurément un peu plus malin qu'eux aux yeux de monsieur On-n'est-plus-chez-nous et de madame, née Va-falloir-faire-kékchose. Il est, en effet, assez habile pour leur donner de bonnes raisons de leur xénophobie primaire, en flattant leurs aigrelets ressentiments face à ces autres qui ne sont pas comme nous autres.

Actuellement, il suffit de fabriquer ces bonnes raisons de bric et de broc à partir de considérations économiques simplistes et de constats de "dysfonctionnements", avec, si possible, la mise en évidence de possibles fraudes...

Claude Guéant vu par un trou de serrure à traquer les fraudes.
(Photo : JS Evrard/SIPA.)

Vendredi dernier, à Mautauban, lors d'une de ces rencontres avec les journalistes attaché(e)s à ses pas et pendu(e)s à ses lèvres qu'il affectionne, le ministre a, selon l'AFP, "annoncé (...) une réforme du droit d'asile qui, selon lui, est «détourné à des fins d'immigration économique»":
"Notre système d'asile est en danger parce que le dispositif est utilisé pour pénétrer et se maintenir dans notre pays."
Et, constatant une hausse significative du nombre de demande d'asiles de 2009 à 2011, il l'a expliquée, en toute candeur, par "des demandes infondées de plus en plus nombreuses".

Pour mener cette attaque, il a reçu le soutien infographique de l'indéfectible Figaro qui, le même jour, a publié un article de Jean-Marc Leclerc, intitulé Le nombre de demandes d'asile politique explose, qui semble aussi bien documenté qu'une brochure du ministère de l'Intérieur.


De quoi alimenter les neurones de monsieur On-n'est-plus-chez-nous
et de madame, née Va-falloir-faire-kékchose.
(Infographie : Le Figaro et Secrétariat général à l'immigration et à l'intégration.)

Mettant en avant "la saturation du dispositif" qui "entraîne des délais d'instruction de plus en plus longs, ce qui permet au demandeur de se maintenir sur notre territoire, que sa demande soit fondée ou non, et ainsi d'y rester même une fois débouté", monsieur Claude Guéant propose une réforme d'une simplicité toute biblique :

Pour inverser la tendance, le ministre a proposé de revoir la liste des pays pour lesquels la demande d'asile se fait en procédure accélérée. De même, les demandeurs d'asile dont les déclarations seraient jugées incohérentes, contradictoires ou mensongères devraient, selon lui, voir leur demande traitée en urgence, et non par la voie normale. Enfin, la demande devrait être déposée dans un délai de trois mois à partir de la date d'entrée sur le territoire (aucun délai n'existe aujourd'hui en France contre trois jours au Royaume-Uni). Ces deux dernières propositions feront l'objet d'un projet de loi qui devrait être déposé au Conseil d’État dans les prochaines semaines.

La première proposition, rapidement esquissée dans cet extrait de l'article des Échos, revient à réviser la liste des pays d'origine "classés sûrs", en y ajoutant, notamment, l'Arménie, la Moldavie, le Monténégro et le Bangladesh. Il suffira sans doute de bricoler un peu le thermomètre avec l'aide de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), et d'obtenir l'accord du Conseil d’État - ce qui, cependant, n'est pas assuré...

A en croire Le Monde (avec AFP), "un pays est considéré comme «sûr» s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales".
Ce sont des critères qui semblent bien exigeants, tout de même...

Et c'est à se demander si, en toute rigueur, la France pourrait elle-même être placée la liste des "pays sûrs".

Pour les demandeurs d'asile, sûrement pas.

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