Dans un des centres de Médecins du Monde en Grèce © MdM
Les traces de la crise et des plans d’austérité sont-elles perceptibles dans le profil des personnes qui frappent à votre porte?
Quand avez-vous commencé à constater cette évolution?
Cela a débuté à la fin de l’année 2010 et ça s’est amplifié début 2011, pour atteindre des sommets. Au total, environ 30.000 personnes sont passées chez nous cette année, contre 20.000 un an auparavant.
Qui sont ces Grecs qui ont recours à vos services?
Les profils sont variés, mais on observe la présence de beaucoup de femmes seules avec leurs bébés. Ces femmes n’ont plus accès aux services sociaux habituels car l’État n’a plus les moyens de les prendre en charge. Elles viennent pour faire vacciner leurs enfants. Elles ont besoin de médicaments et d’examens médicaux de base. Il y a aussi de plus en plus de personnes âgées, des retraités qui n’ont plus de revenus. On reçoit également des fonctionnaires qui ont vu fondre leurs salaires, ainsi que de nombreux anciens entrepreneurs. Dans le passé, ils pouvaient être riches, ils étaient à la tête de PME florissantes qui ont fait faillite du jour au lendemain et ils se retrouvent sans rien. Ils ont honte de venir à la polyclinique. Certains ont tellement honte qu’ils nous parlent en anglais pour passer pour des migrants. Ils ne veulent pas qu’on pense qu’ils sont grecs.
À qui en veulent-ils?
Ils sont désespérés, sans espoir. Ils pensent que les choses ne vont qu’empirer. Ils sont en colère car ils se sentent impuissants. Ils en veulent en priorité au gouvernement grec et aux hommes politiques grecs en général, qu’ils considèrent comme responsables de leur situation, mais aussi aux gros pays de l’Union européenne, au premier rang desquels l’Allemagne et la France.
Ont-ils des pathologies spécifiques?
Beaucoup de ces personnes sont sous-alimentées. On s’en rend compte quand on leur prescrit des médicaments qui doivent être avalés après un repas. Ils nous disent qu’ils n’ont pas de quoi se nourrir. C’est pour cela que nous avons lancé une campagne dans les supermarchés pour obtenir des produits alimentaires de première nécessité, comme du lait, du riz, des pâtes ou de l’huile. C’est la première fois que nous devons recourir à ce type de campagne. On se croirait en Afrique. À part cela, on retrouve les maladies habituelles des gens qui vivent dans la rue, comme les infections dermatologiques.
Quelles sont les solutions en termes de logement et de vêtements?
Il y a d’autres associations, d’autres ONG sur place, mais les financements sont insuffisants. Nous-mêmes, nous avons un foyer d’hébergement, mais il est réservé aux migrants. Nous avons un service psycho-social, avec des psychologues et des travailleurs sociaux qui informent les personnes sur leurs droits et les orientent vers d’autres structures, mais la plupart d’entre elles sont saturées. Pour les vêtements, nous demandons à ceux qui le peuvent d’en apporter et nous les redistribuons. Au moment où nous en aurions le plus besoin, au moment où l’État est défaillant et qu’il n’y a plus que nous, les associations, pour prendre le relais, les subventions publiques sont en baisse, ainsi que les aides venues de donateurs privés.
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