lundi 7 novembre 2011

Etienne Chouard, la démocratie, le pouvoir et ses abus, et le tirage au sort comme remède


Étienne Chouard est venu à Metz samedi 22 octobre à l’invitation d’ATTAC Moselle et de Madame Turandot, sa groupie officielle. La conférence a commencé vers 18h00, et ne s’est achevée que vers 22h30. Voilà quelqu’un qui ne mégote pas sur ses heures ! Et encore, il a passé un long moment à discuter dans la salle, avant de faire des heures sup jusqu’à 1h du matin dans un bar de Metz…

Avant de commencer, je tiens à évacuer une polémique stérile qui court en ce moment sur la toile et qui prétend qu’Étienne Chouard serait en vrac complotiste, antisémite et au final un sous-marin de l’extrême-droite.

Ces gentils qualificatifs lui sont notamment donnés par ceux qui s’intitulent “antifas”, comme “antifascistes”. C’est marrant d’être antifasciste et d’utiliser néanmoins des méthodes similaires… Un gugusse affublé de lunettes noires (la nuit tombée, à Metz, et dans une salle…) s’est installé dans les premiers rangs et a apostrophé Étienne Chouard avec des questions hors-sujet avant de déguerpir au bout de quelques minutes, ne se sentant pas de taille à foutre le bordel comme il en avait sans doute l’intention. Bref.

Étienne Chouard serait d’extrême droite ? La bonne blague ! Il faudrait l’expliquer à ceux qui viennent l’écouter, dont il n’y a guère besoin de dire qu’il sont ultra-majoritairement de Gauche… Je veux dire de la “vraie Gauche”… Quant à l’accusation d’antisémitisme, elle est carrément grotesque. L’antisémitisme pour l’homme est un peu comme la rage pour le chien : l’accusation la plus infâme quand on n’a plus d’autres arguments pour s’en débarrasser. Il arrive à Chouard de dire du mal des banquiers, beaucoup de banquiers sont juifs (et plus encore ne le sont pas, d’ailleurs…), Chouard est donc forcément antisémite, c’est mathématique. La ficelle est vraiment grosse. Le même procédé ignoble a déjà été utilisé pour discréditer des gens aussi respectables que Noam Chomsky, Daniel Mermet, Siné, Pierre Péan, Stéphane Hessel ou tout récemment les zindignés de Wall Street. Étienne Chouard, parmi les 1500 livres qu’il référence, en cite quelques-uns qui ont été écrits par des antisémites plus ou moins notoires. Attention, hein, pas des livres antisémites, des livres écrits par des antisémites, il y a une nuance… Du coup je prends peur, je fais lire Tintin à ma fille de 9 ans… Or Hergé était un antisémite notoire. Suis-je antisémite ? Et ma fille ?

Trop c’est trop, basta cosi. Laissons-nous le droit de critiquer les institutions européennes, les banksters, la politique d’Israël (qui paraît-il se prépare à bombarder l’Iran… Mais faudra surtout pas le dénoncer, sous peine d’être ipso facto taxé d’antisémitisme) et tout le reste sans encourir cette fatwa ridicule.

Encore un autre préambule : je ne vais pas faire de narration chronologique de la conférence. Les vidéos tournées par ATTAC sont en cours de montage et je rajouterai les liens dès que je les aurai. Et on trouve d’autres conférences sur Internet. Car Étienne Chouard ne passe pas sur TF1 à 20h00, par contre il est bien présent sur le ouèbe. Je vais aussi faire des impasses sur quelques sujets. Mon but est ici d’essayer d’illustrer l’actualité par les théories d’Étienne Chouard, et vous verrez que c’est pour le moins troublant…

Étienne Chouard réfléchit. Beaucoup. Il connaît parfaitement son sujet, mais quand il parle, on dirait qu’il réfléchit encore à la recherche d’aspects qu’il n’aurait pas encore découverts. Il note les objections dans la salle, pour y réfléchir plus tard à tête reposée. Rien à voir avec le politicard qui lit avec plus ou moins de talent le discours qu’un autre lui a écrit.

Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Étienne Chouard est un “simple citoyen”, il habite dans les Bouches du Rhône, et “dans le civil” il est prof de droit, d’économie et d’informatique. Il n’est (un peu, beaucoup trop peu…) connu que depuis le combat contre le “Traité Anticonstitutionnel” (selon sa propre expression) de 2005. Il avoue même que c’est à cette occasion qu’il “s’est réveillé”. Il est devenu l’un des meilleurs connaisseurs de ce morceau d’anthologie, qui recèle, bien cachées dans d’obscurs alinéas, des saloperies véritables. Comme Paul Jorion ou Frédéric Lordon, il est devenu l’une de ces indispensables voix alternatives qui tentent de se faire entendre dans le vacarme du marteau-piqueur médiatico-libéral.

Le but du TCE n’était pas de créer une constitution, mais de détruire les constitutions existantes, quelque imparfaites qu’elles pussent être. D’ailleurs ce qui frappe Étienne Chouard, c’est qu’il ne s’agit en aucun cas d’une constitution écrite par le peuple, pour le peuple ; mais au contraire d’institutions écrites par des ministres et des présidents, qui ne sont naturellement jamais mieux servis que par eux-mêmes…

Hors de question de passer des heures sur son contenu : une seule référence : le meilleur site sur le sujet !

Étienne Chouard ne parle pas d’écologie. Peut-être ne connaît-il pas ou mal le sujet, peut-être cela ne l’intéresse-t-il guère… Mais la raison principale qu’il donne est qu’on doit hiérarchiser les problèmes et se concentrer sur les plus importants : ce qu’il appelle “la cause des causes” : ceux qui écrivent les constitutions le font pour préserver leurs intérêts.

Tous ceux qui me lisent ont compris depuis longtemps (enfin, j’espère !) que le massacre des droits sociaux et celui de l’environnement ont en partie les mêmes origines : la cupidité et le cynisme de la classe des “décideurs”, pour lesquels, la fin justifiant les moyens, on peut détruire l’environnement, pomper sans limites les ressources naturelles, réduire des êtres humains en para-esclavage, en laisser des millions mourir de faim, simplement pour gagner plus d’argent.

Il n’est donc pas idiot de penser qu’en combattant les ultralibéraux (les banksters, les grands patrons, leurs valets du gouvernement et leurs perroquets de la presse), on résoudrait d’un coup les problèmes sociaux et environnementaux.

Étienne Chouard part d’encore plus haut. Le problème est le pouvoir, avec son corollaire : l’abus de pouvoir (qui est aussi le pouvoir d’en abuser).

On peut se battre contre le nucléaire ou la politique sociale des entreprises, mais il serait plus simple d’éviter, par des institutions adaptées, de devoir se trouver dans l’obligation de se battre.

Je vais parler dans ce billet, que je pressens très long, de ce qui fait cruellement l’actualité ces derniers temps : la “crise de la dette”, ses causes, ses soi-disant solutions, et les génies auto-proclamés, pompiers pyromanes, qui nous imposent leurs remèdes de cheval, et dont nous devrions baiser les pieds de reconnaissance tant ils nous sauvent la vie tous les 15 jours à chaque “sommet de la dernière chance”.


Étienne Chouard situe le point de départ de la catastrophe budgétaire au 3 janvier 1973.

C’est en ce jour funeste que fut promulguée la loi 73-7 qui interdisait définitivement à la Banque de France de créer de la monnaie et de la prêter au Trésor Public. À compter de ce jour, si l’État avait besoin d’argent, il devait aller se fournir chez des banksters privés avec paiement d’intérêts juteux ou ruineux, selon le point de vue où on se place.

Je dois faire ici un mea culpa : sur ce blog, je n’ai pas assez parlé de ce jour et de la pierre noire qui le marque. Et malgré les multiples remarques à ce sujet de Madame Turandot.

Étienne Chouard qualifie cet acte de “sabordage”, et c’est effectivement le mot qui colle le mieux. “Trahison”, “félonie”, peuvent utilement le compléter.

Dans les faits, cette loi livre le budget de la France, pieds et poings liés, aux banksters. Et comme cette loi a été étendue dans toute l’Europe par les traités de Maastricht en 1992 et de Lisbonne en 2008, c’est toute l’Europe qui est dans la nasse. Les États-Unis, eux, s’y sont mis depuis 1913 et la création de la “Federal Reserve” alias “Fed”, qui est, on ne le sait pas assez, une institution privée. La dette américaine atteint désormais les 15000 milliards de dollars, elle a d’ailleurs augmenté de 50% en 3 ans…

Les coupables ? Ils ne se cachent même pas ! Ils s’appellent Georges Pompidou, alors Président de la République (et ancien directeur chez le bankster Rothschild) et Valéry Giscard D’Estaing, alors Ministre des Finances. Laissons Pompidou reposer en paix, mais rappelons que Giscard fut ensuite à mon sens le pire Président de la 5e République (avant que Sarkozy ne lui vole le titre sans contestation), en plus d’être un indécrottable récidiviste, puisque de son propre aveu il serait l’un des auteurs du “Traité Européen” de 2005, rebadgé en “Traité de Lisbonne”.

Je me pose deux questions à ce sujet.

La première : mais pourquoi ont-ils fait ça, bordel ?

Le seconde : mais pourquoi personne n’en parle dans les JT ?

À la première question, il y a une réponse officielle : pour éviter la gabegie, et freiner les dépenses publiques (on a affaire à des libéraux, ne l’oublions jamais : pour eux le mot “public” ne se prononce jamais sans une grimace). La création monétaire par la banque de France, ça s’appelle de l’inflation, et c’est l’ennemi des libéraux (on y reviendra). Giscard livre même sur son blog une explication complémentaire.

“La réforme des statuts de la Banque de France, adoptée sous le mandat de Georges Pompidou et lorsque j’étais Ministre des Finances, est une réforme moderne qui a transposé en France la pratique en vigueur dans tous les grands pays : il s’agissait à l’époque de constituer un véritable marché des titres à court, moyen et long terme, qu’ils soient émis par une entité privée ou publique.”

Les habitués des travers de Giscard se gausseront de la première phrase : tout ce qu’il faisait se trouvait forcément qualifié de “moderne” (ce qui disqualifiait toute idée contraire, forcément “ringarde”…). Quant à la deuxième phrase, “constituer un véritable marché des titres à court, moyen et long terme”, on ne voit guère à qui, sinon aux banksters eux-mêmes, cela pourrait profiter.

On peut donc légitimement se demander si la volonté de mettre l’État sous la coupe desbanksters n’était pas la première motivation. Étienne Chouard n’a pas fourni la réponse.

À la seconde question, la réponse est simple : les JT ne sont que le haut-parleur des partis dominants, et n’entrent jamais dans le détail des sujets. Ces derniers mois, ils ont fait à plusieurs reprises leurs titres avec “Sarkozy et Merkel sauvent la Grèce”, sans jamais expliquer exactement et concrètement en quoi consistent ces soi-disant sauvetages. Le spectateur de JT doit être trop con pour comprendre. Ou alors il comprendrait trop aisément que rien n’a été sauvé… Il est pourtant facile de comprendre que si la Grèce avait été sauvée, il n’y aurait pas besoin d’un deuxième plan 15 jours plus tard… Il est aussi simple de comprendre qu’on ne confie pas la résolution d’un problème à ceux qui l’ont précisément causé. Nommerait-on Jack l’éventreur au ministère du droit des femmes ? Alors pourquoi a-t-on confié la direction de la BCE à un certain Mario Draghi, ancien dirigeant de Goldman Sachs ? A-t-on déjà oublié que Goldman Sachs a été l’un des principaux artisans du naufrage grec, en aidant son gouvernement dans les années 2000 à dissimuler l’ampleur de sa dette ? Qui a décidé ça ? Comment cela a-t-il pu être possible ? Mais je m’égare, je ferai un autre billet sur la Grèce sinon dans un mois on y est encore.

Revenons à la loi du 3 janvier 1973. Pour être juste, il y a tout de même trois partis politiques qui parlent de ce problème : le Parti de Gauche de Mélenchon, “Debout la République” de Dupont-Aignan, et le parti caméléon, celui qui bouffe les idées à tous les rateliers sans être convaincu d’une seule, le FHaine de Le Pen.

Je vais même reprendre le calcul d’Alain Colbert pour le Parti de Gauche : depuis 1973, la France a payé 1176 milliards d’euros d’intérêts. Or sa dette s’élève à 1149 milliards d’euros… (NDLR : ce sont les chiffres de 2005… Depuis lors, la dette est passée à 1700 milliards, et le “service de la dette”, c’est à dire le paiement de la rente des banksters, a suivi le même chemin, et le raisonnement doit toujours être valable…)

Une simple soustraction montre donc que si cette loi de 1973 n’avait pas existé, et que l’État avait emprunté sans intérêt depuis cette période à la Banque de France, il n’y aurait tout simplement pas de dette !!! Hallucinant, non ?

“Les médias” ont décrété que les partis sus-cités sont de “petits partis”, et en tout cas “extrémistes”. Quand on comprend l’ignominie de cette loi de 1973, on se demande qui sont les vrais “extrémistes”…

Car si Pompidou et Giscard sont bien les traîtres originels, pas un de leurs successeurs, que ce soit Mitterrand (de “gauche”, pourtant) ou Chirac, ni bien évidemment Sarkozy, n’ont remis en cause cette loi scélérate. Pas plus que le “socialiste” Jospin, qui a au contraire privatisé à tour de bras et a voté la libéralisation du secteur de l’énergie avec Chirac.

Quant au futur hélas probable Président, Flanby, ne comptez-pas sur lui ! Puisque nous nous sommes faits ficeler par les traités européens qui interdisent tout retour en arrière, il faudrait désormais sortir de la zone euro pour pouvoir agir… Vous rappelez-vous cette affiche, où le ouiouiste Flanby arborait le sourire niais qui lui sert de signature en partageant la couverture de Paris-Match avec Sarkozy lors de la campagne de propagande ouiouiste insensée de 2005 ? Rien à espérer de ce côté, bien évidemment.

Pas un de ces “plans de sauvetage”, de ces “GVains” n’a effleuré le sujet. C’est la même chose que les algues vertes en Bretagne : tout le monde sait que ce sont les porcheries industrielles, mais personne n’a droit de le dire…

Il nous faudra donc subir ce fardeau, jusqu’à notre écroulement ou jusqu’à notre révolte. En espérant, sans trop y croire, que la seconde arrive avant le premier…

Mais revenons-en à la dette et à la nécessité d’emprunter aux banksters. C’est ce qu’Étienne Chouard appelle “la tenaille”. On pourrait se dire que ce n’est pas si grave. Il suffit d’être rigoureux, de faire des budgets équilibrés, et il n’y aura pas besoin d’emprunter aux banksters !

Ce serait sans compter sur la deuxième pince : il se trouve que, comme par un malencontreux hasard, tous les budgets depuis 1974 sont déficitaire ! Je ne suis pas un adepte de la théorie du complot. Et en l’occurrence, en cette matière comme d’en d’autres, il n’est point besoin d’inventer un complot : il s’agit simplement d’intérêt(s) bien compris. Il fallait “amorcer la pompe”, et c’est Giscard qui l’a fait, avec “l’emprunt” qui porte son nom : dès 1973, il emprunte 7.5 milliards de francs (environ 1.15 milliard d’euros) à 7%… Au bout du compte, cet emprunt a coûté au contribuables 12 fois plus ! 90 milliards de francs, soit près de 14 milliards d’euros… Tombés dans les poches desbanksters et des riches épargnants qui en rigolent encore… Une goutte d’eau dans l’océan de la dette actuelle, mais le petit ruisseau amorcé par cette pompe a créé un fleuve infernal.

Depuis 1983 et la trahison des idées de mai 1981, la seule doctrine budgétaire en France est la lutte contre l’inflation. Que ce soient les Delors, les Trichet, ou les différents ministres en charge des finances et du budget, tous n’ont eu que cette idée en tête : juguler l’inflation. Rappelez-vous, c’était l’objectif avoué de la loi du 3 janvier 1973. Et en 2011, c’est toujours l’objectif de Trichet et désormais de Draghi.

Pourquoi donc ? C’est simple à comprendre. L’inflation est l’ennemie du possédant et du prêteur. Elle lui ronge son cher capital, le plaçant dans l’insécurité permanente. Le salarié, lui, a très peu d’économies. Malgré la suppression de l’indexation des salaires sur l’inflation en 1982 (par le “socialiste” Jacques Delors, ce sont toujours les mêmes qu’on trouve dans les bons coups…), son salaire augmente toujours peu ou prou de la valeur de l’inflation. Autre phénomène largement démontré : une faible inflation entraîne systématiquement une hausse du chômage (attention, l’inverse n’est pas toujours vraie : durant les “années Giscard”, le chômage a explosé alors que l’inflation était proche de 10%…)


Étienne Chouard en est convaincu : la lutte contre l’inflation est donc une volonté délibérée de créer du chômage. Et ce malgré les serments main sur le cœur de tous les politicards qui clament avec une sincérité à nous tirer des larmes que la “lutte contre le chômage®” est leur “absolue priorité”. Il suffit de regarder la courbe depuis 1973 pour constater l’étendue de l’escroquerie… Nous sommes là sur un terrain bien connu des “gauchistes” : un chômeur est forcément plus docile, prêt à accepter le cas échéant le pire des boulots de merde pour un salaire en rapport. Mieux, il est un exemple pour ceux qui ont encore (provisoirement) du boulot, un peu comme ces corbeaux morts que certains paysans pendent aux arbres en pensant “faire un exemple” pour leur congénères.

Le chômeur est de surcroît discrédité dans la population : selon le vocabulaire de droite, le chômeur est une feignasse, un assisté, un tricheur qui a forcément un boulot au noir à côté et une Lamborghini dans le garage… Tous ceux qui comme moi ont récemment connu le chômage savent à quel point nos gouvernants les abandonnent, les méprisent et les humilient. Il n’y a qu’à voir ce qu’ils ont fait du “pôle emploi”, une bureaucratie brejnevienne totalement dépassée par les événements, une cour des miracles à l’efficacité proche du néant, et que, comble du cynisme, ils continuent à démanteler : plus il y a de chômeurs, et plus on supprime de postes à Pôle Emploi.

Je m’éloigne d’Etienne Chouard ? Non, je ne crois pas :

- Pensez-vous que la promotion du chômage par la lutte contre l’inflation soit faite dans l’intérêt du peuple ?

- De même, pensez-vous que la signature par le ministre Borloo de contrats d’exploration et de dévastation du sous-sol français à la recherche de gaz de schiste au profit de multinationales cupides soit le reflet d’un désir populaire ?

- Que la signature par les ministres Kosciusko-Morizet et Lemaire d’une discrète loi pour augmenter les épandages de nitrates sur les champs bretons, avec pour conséquence inévitable l’augmentation de la pollution aux algues vertes, ne soit pas une demande d’un lobby de l’agroalimentaire totalement contraire aux intérêts de la population ?

C’est là qu’on en vient au pouvoir et à la “démocratie”. Ah, ils en ont plein la bouche du mot “démocratie”. Et particulèrement ceux qui la violent en permanence. “Le pouvoir du peuple”, qu’ils disaient. Quelle mascarade ! Tiens, je prends encore un exemple dans l’actualité, il n’y a qu’à se baisser pour les ramasser… Papandreou, le sinistre gestionnaire de la crise grecque, qui s’était jusqu’ici surtout distingué par une volonté désespérante de se plier aux diktats du FMI, de la BCE et de la Commission Européenne, a décidé de soumettre à référendum le dernier “plan d’austérité” en date. Rien que de très normal, me semble-t-il.

Aussitôt, ce ne sont que hurlements du côté sarkozyste, qui crie à la traîtrise. Il faut dire qu’il n’aime pas le peuple, ce gars-là, et qu’il préfère éviter les référendums. Ça doit être trop démocratique pour lui… Voyez le “référendum d’initiative populaire”, ajouté en 2008 à la constitution. Il suffirait qu’un dixième des citoyens français et un cinquième des parlementaires (on n’est jamais trop prudent) s’empare d’une question pour en faire un référendum : jamais appliqué, évidemment…

Et dans un même élan, c’est la presse mondiale qui se met à hurler au loup, désignant Papandreou d’un doigt vengeur : cet inconscient vient d’enfreindre les règles de l’autorité libérale ! Pourtant, répètent-ils en chœur : “There Is No Alternative !®”. Les Grecs n’ont pas le choix : ils doivent accepter le brouet concocté par la “Troïka”, “Les marchés” et leurs pantins politiciens, Merkel et Sarkozy en tête. Papandreou est “convoqué” à Cannes pour se faire tancer comme un gamin par Sarkozy, Merkel et même Obama ! On complote pour le virer du pouvoir (pour le remplacer par ses prédécesseurs, l’équivalent grec de l’UMP, qui a foutu le pays dans la merde dans les années 2000 ?). On le somme de changer la question de son référendum (“aimez-vous le sirtaki”, ça parait pas mal, comme question…). Et on le menace de dégager de la zone euro, ce qui, assurent la presse étrangement unanime, serait une catastrophe pour la Grèce. Et finalement, le couteau sous la gorge, Papandreou se déballonne et retire son référendum. Une caricature de “démocratie”.

Le Grec de la rue, il doit avoir une drôle d’opinion de cette “démocratie” qui se fait complètement hors de son pouvoir… Ceux que nous élisons n’ont plus de pouvoir. Ceux qui ont le pouvoir ne sont pas élus.

S’il n’y a qu’une chose à retenir dans le discours d’Étienne Chouard, c’est à mon avis celle-ci :

Nous ne sommes pas dans une vraie démocratie. Il faut faire la grève du mot “démocratie” dans le régime actuel.

Et il argumente : nous sommes censément “représentés” par des députés (et je ne parle même pas des sénateurs). Or dans une vraie démocratie, le représentant du peuple est son serviteur : il l’écoute, et les lois qu’il vote en son nom sont le reflet des préoccupations du peuple.

Or c’est exactement le contraire qui se passe. Dans les faits, le “représentant” n’est pas un serviteur : il se prend pour le maître : il joue les importants, gagne beaucoup d’argent, roule en bagnole avec chauffeur, fréquente les puissants… Quand il revient dans la région qui l’a élu, il se conduit en pontife. Quant à créer des lois dans l’intérêt du peuple, il y a de quoi rire : nos députés ne sont que des godillots, qui sont uniquement là pour voter les lois concoctées à l’étage au dessus, la plupart du temps imposées par des lobbies (toutes les lois pour les riches de Sarkozy en sont une illustration caricaturale), et qui de surcroît ne sont plus que la transcription de directives européennes, imposées par des eurocrates non-élus et tout puissants. Le peuple devrait avoir le pouvoir, dans les faits il subit le pouvoir des puissants. Ce n’est pas une démocratie, c’est une oligarchie. Une “oligarchie aristocratique”. Ils nous ont volé le pouvoir.
Ceux qui connaissent un peu le management diraient que la démocratie devrait être une approche “bottom-up”, mais qu’elle est en fait “top-down”.
Il faut donc réécrire nos constitutions, avec l’expérience de ce qui a foiré, et de qui les a fait foirer :

Pour Etienne Chouard, l’élément qui dévoie la démocratie, c’est l’élection. L’élection n’a jamais rien changé : elle donne toujours le pouvoir à des représentants d’une oligarchie. À des riches. Systématiquement. Les banksters n’ont pas peur des élections. Au contraire, ils les financent. Au final, ils sont sûr de pouvoir faire ceux qu’ils veulent. Tocqueville le disait déjà : “les gens voteront comme on leur dira”.

Et il ne faut pas sous-estimer l’énorme pouvoir des médias, qui appartiennent majoritairement aux banksters et aux marchands de canons : ce sont eux qui choisissent les élus, pas les électeurs. Essayez donc d’empêcher Hollande ou Sarkozy d’être élu l’année prochaine… Bien du courage !

Qui donc a pu écrire une constitution dans laquelle le vote blanc n’est pas pris en compte ? Il est donc impossible de dire : “aucun de ces candidats ne me plaît, je vote blanc”. Enfin si, c’est possible, mais ça ne sert à rien, ce n’est pas pris en compte…

Étienne Chouard propose de remplacer le mécanisme de l’élection par le tirage au sort, à la manière de ce qui se passait dans la Démocratie athénienne (esclavage, phallocratie et xénophobie en moins, bien évidemment !). “Le tirage au sort sert à se protéger des voleurs de pouvoir”.

Parenthèse, devant les impératifs de fermeture de la salle à 22h30, la partie “Tirage au sort” a été extrêmement résumée. Je vous convie à regarder la conférence de Marseille qui a eu lieu en juillet dernier :


Vous pouvez aussi consulter la “compil” sur le sujet en PDF.

- Les lois actuelles sont complexes. Normal, leur but est la plupart du temps d’encapsuler quelue saloperie, qui ne révélera son venin qu’une fois appliquée. Des lois faites par des “gens simples”, pour les gens simples, seront forcément plus simples, et donc plus compréhensibles par tous.

- Le tirage au sort permettrait mathématiquement une répartition de nos représentants conforme à la composition de la population. L’assemblée nationale actuelle est une caricature : moyenne d’âge élevée, un pourcentage d’assujettis à l’ISF très supérieur à celui de Neuilly, une femme pour 4 hommes, les avocats y sont 51 fois plus représentés que dans la population réelle, il n’y a qu’un ouvrier sur 577, et hormis quelques représentants de l’Outre-Mer, quasiment tous nos députés sont blancs…

Le tirage au sort serait assorti d’autres conditions :

- Il aurait lieu parmi des volontaires. (Variante : tout le monde peut être tiré au sort, mais chacun peut refuser)

- Les mandats seraient courts, non cumulables et non renouvelables, afin d’éviter les “politiciens professionnels”, ces “notables” que nous connaissons trop bien.

- Le représentant peut être révoqué à tout moment en cas de manquement. (C’est ce que les Athéniens appellent “l’ostracisme”) : Pas question de traîner des Balkany ou des Guérini pendant des décennies…

- Les représentants se feraient évidemment aider par des “experts”. Nos représentants actuels aussi, mais la grosse différence, c’est que les représentants tirés au sort partiront d’une feuille blanche, n’auront pas d’idée préconçue, et n’auront pas la relation de clientélisme et de sujétion qu’ont les lobbyistes avec les élus à force de les fréquenter pendant des décennies.

Étienne Chouard confesse que la première fois qu’il a entendu parler du tirage au sort, il a cru au premier abord que c’était une idée idiote. Et ce n’est qu’en l’étudiant pendant de longues heures qu’il s’est convaincu que c’était en fait la meilleure solution pour choisir nos représentants, et contre l’impuissance de la démocratie devant les abus de pouvoir.

D’ailleurs, les premiers ennemis du tirage au sort sont… les élus eux-mêmes !

Sans aller jusque là, j’avoue également que ma première réaction, notamment devant l’enthousiasme de Madame Turandot, a été le scepticisme. Et sans avoir évidemment creusé la question ne serait-ce que 1000 fois moins qu’Étienne Chouard, je suis en train de devenir nettement plus positif.

On pourrait facilement commencer par le Sénat, tiens : vu que cette assemblée ne sert à rien, cela pourrait faire un très bon laboratoire…

Il y a évidemment des objections au tirage au sort. En voici quelques-unes, qui sont aisément réfutables.

- En prenant quelqu’un au hasard, on risque fort de tomber sur une feignasse, un incompétent ou un malhonnête.
Ah ? Parce que vous trouvez que vos élus sont travailleurs, honnêtes et compétents, vous ??? Pire, on dirait même que l’élection favorise l’arrivée au pouvoir de ces gens-là… Dans le système de tirage au sort, un représentant n’a pas de pouvoir. Il est notre serviteur. Et dans le système de tirage au sort, on ajoute la notion de contrôle. Un malhonnête, une feignasse ou un incompétent sera vite démasqué et viré, voilà tout. Actuellement, un gars qui ne met jamais ou presque les pieds à l’Assemblée, qui n’en branle pas une durant son mandat, et même magouille au point d’être condamné pour des délits liés à sa fonction, pourra sans problème se représenter et sera peut-être même réélu s’il appartient à une des deux écuries “UMP” et “PS”.

- Démocratie ou pas, au moins l’électeur choisit son candidat. Avec le tirage au sort, plus de choix possible : on subit.

Ah ? Parce que vous avez l’impression d’avoir le choix ? On sait déjà que la prochaine présidentielle opposera Sarkozy et Hollande. Sur 65 millions de Français, seraient-ce eux que vous auriez spontanément choisis ? Éienne Chouard dit que l’élection, c’est voter pour des candidats qu’on n’a pas choisis…

- Comment avoir une politique de long terme avec des gens qui changent tout le temps ?
Mais c’est avec des élus que ça ne change jamais ! Ils font tous la politique des riches, des multinationales et des banksters ! Pour le reste, il est naturel de changer de chemin, d’apprendre de ses erreurs…

Vous trouverez ces objections résumées sur ce site.

Voilà. Ce billet est super long. Confus. Incomplet. Je pourrais encore passer des heures à l’arranger. D’ailleurs, j’ai encore des doutes sur le tirage au sort. En fait, je ne suis pas sûr d’avoir tout compris. J’attends maintenant un débat, des réflexions. Que ceux de mes lecteurs qui connaissent mieux le sujet que moi complètent…

Tiens, je vais lire le livre recommandé par Étienne Chouard : “Les propos sur le pouvoir” d’Alain, qui dit notamment : “Les gens bons n’ont pas envie de gouverner”. Conséquence évidente : ce sont donc les pires qui gouvernent.

La seule certitude, c’est que lorsque la dernière solution que nous avons pour ne pas cautionner une élection-mascarade est de s’abstenir, c’est qu’il faut changer de système. Quand je vois les pitoyables agitations médiatiques de Sarkozy qui réussit par deux fois, et à une semaine d’intervalle, à réquisitionner les deux premières chaînes à 20 heures, pour fanfaronner et débiter des billevesées qui n’ont pour autre but que d’impressionner le quidam et disqualifier son adversaire ; et que de surcroît le dit adversaire a strictement les mêmes idées que lui (que ceux qui n’en sont pas convaincus regardent la couverture de Paris-Match en 2005…) il devient clair que toute alternative à l’élection devient légitime.

Creusons donc le tirage au sort. Examinons-le par tous les bouts. Et pour reprendre le dernier conseil d’EÉienne Chouard : parlons-en autour de nous, diffusons-le viralement, l’idée finira bien par se répandre, se banaliser, et devenir possible… Enfin, peut-être…

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