dimanche 13 novembre 2011

Grèce: un gouvernement de la honte, des enseignements à tirer pour la France


Le 13 novembre, nous publions un article qui nous a été demandé par un journal du nord de la Grèce Aggelioforos (Le Messager) avec pour titre : L'avenir de la Grèce s'écrira en grec ! Cet article a été écrit le jeudi 10 novembre, avant que la composition du nouveau gouvernement grec n'ait été annoncée. Article déposé également en français sur le site de Mediapart. Nous savons désormais que le gouvernement grec compte trois représentants du parti d'extrême droite "LAOS" (PEUPLE) qui exerceront leurs fonctions dans les domaines qui sont tout sauf anodins : ceux des transports, de la marine marchande et...de la Défense.


Nous n'aurons pas besoin d'insister sur les liens entre l'idéologie du parti LAOS et l'armée, dont le changement complet d'état-major a été une des dernières décisions du gouvernement Papandreou... La nomination d'un représentant de la droite extrême au ministère de la marine marchande doit cependant attirer l'attention quand on sait ce que représente ce secteur dans la société grecque. La marine marchande grecque ne paie pas d'impôt sur les bénéfices en Grèce et semble ainsi pouvoir faire concurrence, en France, à Total. Les armateurs acceptent de jouer le rôle de "bienfaiteurs" en achetant, quand bon leur semble, des ambulances ou en investissant dans des hôpitaux. Ce ministère a, à présent, à sa tête un représentant de la droite extrême...Aura-t-il pour mission de faire enfin payer l'impôt à cette catégorie très particulière de citoyens grecs ou se résoudra-t-il aisément à prolonger un régime de protection inscrit dans la Constitution qui prévoit que les armateurs ne paient en Grèce qu'une simple taxe en fonction du tonnage du navire mais pas d'impôt sur les bénéfices ?

Le fait d'ensemble nouveau que constitue l'entrée de trois ministres et secrétaires d'État dans le nouveau gouvernement grec, nous conduit à compléter notre appréciation de la situation tant dans le contexte grec que dans celui de la France.

Voici donc, avec la nomination d'un nouveau gouvernement que nous qualifions "de la honte", l'épilogue (provisoire) des évènements politiques les plus récents en Grèce qui ont débuté il y a moins de deux semaines avec l'annonce d'un referendum, avorté depuis (lire ci-dessous).

"Consternés" par l'annonce d'un referendum, les dirigeants européens se sont, a contrario, réjouis de la nomination de la nouvelle équipe gouvernementale. Nicolas Sarkozy a aussitôt félicité le nouveau premier ministre. "Je me réjouis de la formation, sous votre autorité, d'un gouvernement de large union à même d'assurer la pleine mise en œuvre de l'accord du 27 octobre et des mesures qui en découlent."

Le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel se sont entretenus avec le nouveau Premier ministre, Monsieur Papadémos, samedi 12 novembre, lui rappelant que la situation actuelle est "urgente" et que la "mise en œuvre complète et intégrale de tous les engagements pris" par la Grèce pour sortir de la crise doit être une priorité.

Contrairement à ce que nous considérons comme essentiel pour l'avenir de la Grèce, les Grecs ne semblent donc toujours pas autorisés à écrire leur propre avenir. Comme l'a titré un journal grec récemment, la capitale politique de la Grèce est bien Berlin, Paris faisant office de porte-parole du gouvernement allemand.

Le condominium germano-français continue de dicter sa politique au gouvernement grec, bientôt relayé sur place, à Athènes (ravalée au rang de "chef-lieu"), par les émissaires de la "Troïka" (les représentants de la Banque centrale européenne, ceux de la Commission et ceux du FMI).

La "marge de manœuvre" du nouveau gouvernement grec, pour peu qu'on veuille lui accorder le crédit qu'il en souhaite une, est donc bien faible. Mais le plus grave n'est peut-être pas là. Le plus grave est bien l'entrée, avec la bénédiction du haut clergé grec et celle des "autorités" européennes, de trois ministres ou secrétaires d'État de l'extrême droite.

Le gouvernement grec est celui de la honte

Honte aux dirigeants européens et à tous ceux en Europe qui avaient jeté l'opprobre sur la Grèce lorsqu'a été faite l'annonce du referendum !

Quelle idée que de vouloir donner la parole au peuple ! Au moins que la date lui soit imposée et, surtout, que la question posée lui soit terrible ! Voulez-vous rester dans la zone Euro ? Sous-entendu : si vous ne le souhaitez pas, voulez-vous l'apocalypse pour vous et vos enfants ?

L'idée horrifiante du referendum étant abandonnée, les Grecs étant redevenus "raisonnables" (pour reprendre l'expression de Madame Merkel), leurs deux principaux partis actuels, le Pasok (Parti socialiste) et la Nouvelle Démocratie (la Droite), ont accepté de former un gouvernement "d'union nationale"...avec les représentants de la droite extrême.

Honte à ces deux partis qui acceptent de constituer un gouvernement dirigé par un homme qui non seulement ne porte pas de mandat électif, se présente comme "apolitique", mais ne semble avoir aucun état d'âme à inclure dans son équipe trois ministres ou secrétaires d'État venus de la droite extrême ! Et ce, à quelques jours du 17 novembre, jour de la commémoration de la révolte estudiantine de 1973 contre la junte des colonels...

Honte à la classe politique européenne, allemande, française et grecque, qui ne prend nullement en compte les aspirations du peuple grec et de tous les peuples en Europe. De mille manières, ces peuples ont marqué leur refus que soit poursuivies des politiques d'austérité qui conduisent à la récession économique et à une gigantesque régression sociale qu'elles ont pour but de légitimer.

L'austérité et la régression tant sociale qu'économique vont toujours de pair avec le recul de la démocratie.

En France, dans la campagne présidentielle qui s'annonce, il faudra peut-être méditer l'enseignement des évènements en Grèce. Il est encore temps d'éviter qu'une réponse, toujours la même, opposée aux peuples qui aspirent au renouveau et auxquels on assène des plans dits de "rigueur" sans cesse plus désespérants, ne conduise à fournir à la droite extrême les moyens de son accès au pouvoir.

Cette droite extrême, si elle a, en Grèce comme en France, changé de discours, sachant mettre (un peu) en sourdine ses relents xénophobes pour gagner en respectabilité, reste la même que dans les années 1930.

Plus que jamais, la démocratie et le développement économique et social apparaissent liés.

Les Français seraient sans doute bien inspirés de se demander non quels sont les Partis les plus sérieux ou les plus "crédibles" (d'abord aux yeux et aux oreilles des marchés financiers), qui prônent le retour prioritaire à l'équilibre des finances publiques, mais quels sont ceux qui sont prêts à engager un nouveau projet de développement.

Cependant, cette attention à ce clivage déterminant ne suffira pas.

Un projet de développement véritable et sincère doit allier progrès économique et social mais aussi respect de l'autre et affirmation de la démocratie. Aucun de ces termes n'est séparable.

Dans les années 1930, certains Allemands ont voulu fonder la restauration de la puissance de leur pays sur le rejet de l'autre. D'autres, plus nombreux, n'ont pas voulu voir que le respect de l'autre, par définition quel qu'il soit (juif, tsigane, communiste, homosexuel...), était inséparable d'un projet de développement. Ils ont préféré ne retenir que les seuls messages sonnant juste à leurs oreilles, ignorant le bruit des paroles xénophobes et homophobes. Ces paroles, même lorsqu'elles sont proférées à voix basse, sont pourtant celles qui révèlent de façon la plus sûre la vérité des desseins de ceux ou de celles qui demandent qu'on leur fasse confiance, disant qu'ils ont changé.

Même sous une peau différente, la bête immonde évoquée par Bertol Brecht ne change pas


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