jeudi 3 novembre 2011

«Le référendum est nécessaire, mais aussi très risqué»

deux points de vue, mais ... le peuple grec, lui, les petits tout en bas, qu'est ce qu'ils en pensent, eux ?!!
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Gerassimos Moschonas est professeur d'analyse politique comparée au département de science politique et d'histoire de l'Université Panteion-Athènes. Il a notamment publié La Social-démocratie, de 1945 à nos jours (Montchrestien, coll. Clefs pour la politique, Paris, 1994). Pour Mediapart, il commente l'annonce surprise par le gouvernement Papandréou d'un référendum sur le plan de sauvetage de Bruxelles à la Grèce.


Que pensent les Grecs du référendum annoncé lundi par Georges Papandréou ?

Le référendum a d'abord été accueilli de façon très négative, mais c'est en train de changer un peu. Vendredi soir, le Parlement va se prononcer sur la tenue de ce référendum. M. Papandréou obtiendra-t-il la majorité nécessaire ? Actuellement, il ne dispose que d'une majorité très courte. Si deux ou trois députés de son parti disent non, il sera désavoué et le référendum n'aura pas lieu. Mais il est encore vraiment trop tôt pour savoir si, en cas de vote, le «oui» ou le «non» pourrait l'emporter.

Comment peut-on expliquer la décision surprise de M. Papandréou?

Il veut redevenir le maître du jeu politique en Grèce. Son gouvernement est aujourd'hui délégitimé aux yeux du peuple, sa politique est considérée par l'écrasante majorité des Grecs comme un grand échec, son image est très mauvaise. Son parti, le PASOK [parti socialiste, ndlr], va très mal. Ce référendum a au moins un mérite : il permettra de clarifier le débat public. Si le «oui» l'emporte, cela voudra dire qu'il y a une majorité pour la politique menée actuellement. Si c'est le « non » qui l'emporte, la réponse sera aussi très claire. Cette clarification est nécessaire, mais elle est aussi très risquée. C'est même très dangereux pour le pays.

Pourquoi ?

Parce que cela va créer une polarisation extrême dans le jeu politique qui est déjà très polarisé. D'autant que le principal soutien du «oui», Georges Papandréou, est très mal en point, et le débat risque donc de se focaliser sur sa personne. Par ailleurs, si le référendum est confirmé, on entrera dans une zone complètement inconnue. Supposons que, quelques jours avant le référendum, les sondages indiquent qu'une majorité de Grecs vont voter non. Que va-t-il se passer ? Y aura-t-il une fuite des capitaux? Les petits épargnants craignant une faillite de la Grèce en cas de victoire du non ou une sortie de la Grèce de la zone euro vont-ils retirer leurs économies des banques? La simple confirmation du vote risque d'avoir des effets économiques collatéraux immenses. Pendant la campagne, les sondages pourraient créer des effets de panique et accélérer le processus de faillite du pays.

La droite qui a longtemps gouverné le pays représente-t-elle une alternative ?

La majorité de la population est contre le dernier plan de sauvetage, une large majorité est contre la politique suivie. Mais il n'y a pas non plus d'alternative crédible. L'opposition ne fait que critiquer, même si depuis quelques mois le parti d'opposition, la Nouvelle Démocratie, a fait plusieurs propositions constructives, ce qui est une nouveauté dans le système politique grec. Par ailleurs, la majorité des citoyens sont pour le maintien de la Grèce dans la zone euro, car ils ont peur de ce qui va se passer si la Grèce sort de la monnaie unique. Grande contradiction: la majorité des Grecs sont en faveur de l'Europe mais contre les politiques européennes. Mais cela ne veut pas dire qu'ils soutiennent les politiques imposées par l'Union européenne. Il est d'ailleurs probable que, pendant la campagne du référendum, le gouvernement va agiter la menace d'une sortie de la zone euro.

Vous êtes spécialiste des gauches en Europe. La gauche est-elle en train d'inventer en urgence une alternative européenne à la gestion actuelle de la crise de la dette ?

En Europe, les socialistes sont le plus souvent dans l'opposition et n'ont pas été ces derniers mois en mesure d'influencer les décisions. Et dans les trois pays où les socialistes gouvernent (l'Espagne et la Grèce) ou ont gouverné (le Portugal), les marges de manœuvre des socialistes au pouvoir n'ont donc pas été très importantes car ces pays sont sous la surveillance des marchés financiers. Cela dit, le Parti socialiste européen a bien affiné ses propositions et son programme ces derniers temps, ce qui est une vraie nouveauté. Il a posé les premiers jalons d'une alternative programmatique, propose un plan de réforme de l'Europe assez cohérent. Mais chaque parti social-démocrate européen joue un peu son propre jeu en fonction du jeu politique dans son propre pays, ce qui tend à drastiquement réduire la «solidarité socialiste». La famille socialiste européenne reste encore peu unie, et n'est donc pas en mesure d'imposer ses propositions dans le débat européen. Ce qui manque aujourd'hui aux socialistes européens, c'est un véritable leadership. Il ne peut être assumé que par les sociaux-démocrates allemands et les socialistes français, en coopération avec le Parti socialiste européen.


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Professeur de science politique à l'université Panteion d'Athènes, et ancien ministre de l'audiovisuel, Georges Contogeorgis a soutenu les «Indignés» grecs de la place Syntagma. Loin de voir un acte démocratique dans le référendum annoncé par le premier ministre Georges Papandréou, il n'y voit que l'énième geste de survie d'un système politique corrompu et à bout de souffle.

Pourquoi estimez-vous que le référendum annoncé lundi soir par le premier ministre socialiste Georges Papandréou est un «chantage»?


Je ne suis pas le seul à le dire. C'est ce que dit l'opposition, c'est ce que dit une large partie du PASOK, le parti du premier ministre. Car au fond, quelle que soit sa formulation, la question qui sera posée lors de ce référendum sera «êtes-vous pour ou contre l'Union européenne?». Or pour la société grecque, profondément européenne, la question ne se pose pas! Cette décision de convoquer un référendum a suscité ici une grande colère dans toute la société. Tout le monde s'accorde pour dire qu'il s'agit d'un chantage de la part du premier ministre pour casser ses responsabilités et transférer la responsabilité à la société. D'ailleurs, je ne suis pas sûr que ce référendum aura vraiment lieu. Car si c'est le cas, la réponse sera forcément «non» tant la société grecque est mise dans un coin depuis des mois. Le problème, c'est qu'une réponse négative aurait des conséquences terribles vis-à-vis de l'appartenance de notre pays à l'Union européenne et à l'euro. La situation est explosive.

Dans un texte publié sur Mediapart, vous demandez même à l'Union européenne de «traduire» M. Papandréou en justice...


La politique du gouvernement est mise en accusation. Le gouvernement actuel n'est certes pas responsable de l'endettement du pays, mais il a fait tout son possible pour ne prendre aucune décision pendant des mois en affirmant qu'il y avait de l'argent dans les caisses, et ce afin d'éviter l'intervention du FMI et de l'Union europénne. Par la suite, le gouvernement n'a rien fait pour respecter les engagements pris. Il fait payer l'endettement du pays aux salariés! Il n'a rien fait pour réformer l'Etat, rien. On a continué d'embaucher des fonctionnaires, alors même que le gouvernement promettait à l'Union européenne de les limiter. Papandréou aurait dû réformer le système politique et lutter contre la corruption et la fraude fiscale. Il n'en a rien fait...

Vous estimez que la société grecque est prise en otage depuis des décennies par une «partitocratie dynastique» dont la mainmise sur l'Etat menace désormais le pays et l'Union européenne tout entière.

La crise grecque est politique. Les banques grecques n'ont pas été impliquées dans les produits toxiques. La crise a été provoquée par l'endettement de l'Etat irresponsable, qui pendant des années n'a pas développé le pays et n'a pas investi. La classe politique grecque pille l'Etat depuis les années 1980. Chaque gouvernement depuis Andreas Papandréou, le père de l'actuel premier ministre, a préféré s'approprier les biens publics, au détriment du développement du pays. L'Etat a été accaparé par les grands partis. La classe politique s'est habituée à se comporter en despote vis-à-vis de la société. La société grecque est en révolte, et je crains vraiment des événements violents. Le 28 octobre, le jour de la fête nationale, le pays a boycotté les hommes politiques. Il n'y a plus un homme politique qui ose encore aller dans un restaurant ou un café, sous peine d'être insulté ou menacé. Les professeurs d'université ont perdu 40% de leurs salaires! 40% des jeunes sont au chômage. Mais les hommes politiques, eux, n'ont pas revu leurs rémunérations et leur train de vie, même de façon symbolique.

Que peut faire l'Europe?

La faute de la politique européenne vis-à-vis de la Grèce a été de donner une légitimité sans mesure à la classe politique grecque et au gouvernement. On n'a pas tenu compte du fait que nos leaders politiques ne sont pas crédibles, et que derrière ces gouvernements dangereux, le peuple souffre. La Grèce, ce n'est pas que son gouvernement. L'Etat et la classe politique sont responsables de la crise, on ne peut pas donc s'appuyer sur eux pour en sortir. Il faut renverser la table avec un gouvernement qui exclut les politiques et a pour mission de changer le système politique. Sinon, on n'arrivera à rien. De la même façon, il faut faire entrer les sociétés européennes dans le système politique. Il est oligarchique, n'a aucune légitimité populaire et n'est contrôlé par personne.
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