Les risques de crise de liquidité des banques et autres boîtes ont été massivement reportés sur les États chargés de garantir le crédit (en reconstituant les prêts interbancaires et en prêtant aux banques à des taux d’intérêt proches de zéro), l’épargne des particuliers hors portefeuilles d’actions ou d’obligations, d’assurer la mise à disposition de liquidités quand les titres et autres effets de commerce deviennent invendables (c’est l’effet d’un krach boursier ou de la méfiance quant au contenu et à la valeur réelle des fameux produits structurés), de sauver les banques en danger de faillite par aide à leur recapitalisation en fonds propres et par le rachat ou la garantie de leurs actifs toxiques. Ainsi pour contrer la crise de 2008, les États ont considérablement accru la dette publique afin de sauver la dette privée. Ils l’ont fait sans garanties, sauf la Grande-Bretagne qui a nationalisé ses banques en faillite. Et, ô merveille, la crise a permis de concentrer le secteur bancaire au point que les banques US sont devenues : « too big to fail », trop grosses pour faillir. Les gouvernants ont ainsi créé un « aléa moral », ce qui veut dire que les preneurs de risques peuvent y aller à fond car ils ne paieront pas les conséquences de leur prise de risque. Comme un assuré automobile tout risque sans franchise qui peut alors s’en donner à cœur joie car ce n’est pas lui qui paye. En général, pourtant, l’argument de l’aléa moral est réservé aux assurés sociaux qui chargeraient la barque de la Sécurité sociale en surconsommant de la santé. Remarquez que c’est pour la même raison que le pouvoir tsarkozyste préfère enlever la paille de l’œil des assurés sociaux fraudeurs à la SS (2 milliards au maximum) que la poutre des fraudeurs professionnels (20 milliards, minimum) de la santé (fausses déclarations de soins ou de prestations) et des employeurs (fraudes aux cotisations et travail au noir).
Les risques financiers ont été massivement reportés sur les peuples et les petits épargnants. La titrisation, qui transforme des créances individuelles détenues par les banques prêteuses en paquets de titres agglomérés vendables à la Bourse, transfère les impayés, par exemple de crédits immobiliers, en pertes pour les acheteurs de ces produits plus ou moins structurés. Par ailleurs, cela permet aux banques de sortir leurs avoirs toxiques de leur bilan, donc de conserver leur ratio obligatoire de fonds propres. C’est d’autant plus facile que lesdits produits structurés ont été confiés à des filiales (special investment véhicules, SIV, ou special purpose entities, SPE) offshore dans des paradis fiscaux, filiales souvent minoritaires, ce qui permet de ne pas assumer les dettes éventuelles en cas de krach pour ces valeurs pourries. Cette diffusion massive, croisée, interdépendante de titres risqués a conduit à un risque systémique résultant de ce que tout le monde se tient par la barbichette. Et cela ne suffit pas : les financiers se couvrent contre les risques avec des assurances spéciales dites CDS, Credit Default Swap (échange de défaut de crédit). Ces CDS poussent au crime car ils consistent souvent à assurer un avoir que l’on ne possède pas en pariant sur la perte de valeur de ce bien financier. Pari de plus en plus juteux quand on joue à faire monter le prix de l’assurance, ce qui revient à organiser la prophétie des pertes voulues par les spéculateurs à la baisse agissant « à nu » ou à découvert (sans détenir la dette) et en empruntant aux banques à faible taux (effet de levier) pour payer la prime du CDS.
Pis, les financiers, grâce aux gouvernements qui leur obéissent, ont obtenu (mouvement non terminé, hélas) que les salariés assument les risques d’entreprendre. Comment ? Élémentaire, Watson : remplacer la Sécu par des assurances individuelles, substituer aux retraites par répartition celles par capitalisation, promouvoir l’assurance-vie grâce à des détaxations, remplacer les progressions de salaire par des plans d’épargne d’entreprise en actions de celles-ci, etc. C’est le modèle anglo-saxon que Tsarko voulait importer en France avant le krach de 2008, lequel nous a valu le superbe discours de Toulon demandant la mise à mort (verbale) de la finance. Verbale, car notre Machiavel de pissotière a continué dans les faits le processus de libéralisation (voir la réforme, à la hussarde, des retraites). Le résultat est que le salarié perd sur tous les tableaux : son épargne, sa retraite, son salaire, sa santé, sa liberté (lois de plus en plus répressives), sa sécurité (Tsarko n’en peut mais et la délinquance sur les personnes augmente, la violence persiste comme le montrent les émeutes en Angleterre).
La concurrence « libre et non faussée » est une blague peu drôle bien qu’elle soit présentée comme une condition impérative du fonctionnement libéral du capitalisme. Or ce dernier comporte une tendance à la concentration pour au moins deux raisons convergentes et cumulatives. La première est d’origine technique : les moyens de production sont devenus si productifs par rapport à une demande solvable stagnante et précaire que les marchés nationaux ne suffisent pas. Il faut conquérir des marchés à l’international et un moyen pratique de le faire est d’absorber des concurrents, ce qui automatiquement fait grossir la firme. La chose est devenue facile avec les OPA et autres OPE dans lesquelles une boîte peut en racheter une autre par échange de leurs titres. Ce qui revient à payer sans sortir d’argent frais et à créer donc de la monnaie, ce qui dans ce cas n’est pas surveillé par les banques centrales. Ce qui encourage aussi à tricher pour valoriser son action (sa valeur boursière) afin de payer en monnaie de singe. Enron ou Vivendi furent des spécialistes de ce jeu. La deuxième raison est financière : la concentration permet des « économies d’échelle » donc une meilleure rentabilité puisque les « doublons » sont éliminés et les employés superflus dégraissés. De plus, plus on vend plus on dégage de la marge quand le point mort a été atteint (niveau des ventes qui couvre juste les coûts de production), ce n’est que du bénéf. De plus, avec les moyens modernes les rendements sont devenus croissants et les coûts de production ne sont plus que de 10 % du prix de revient ; ce qui coûte cher à amortir, ce sont les dépenses fixes de recherche-développement, de conception, de lancement, de marketing et de pub. Produire des DVD ou des films ne coûte plus rien quand les dépenses initiales ont été couvertes.
Le monde s’est couvert de multinationales apatrides en configuration d’oligopoles, ce qui montre à quel point les organes publics censés lutter contre la concentration ne peuvent pas ou ne veulent pas faire grand-chose. Sauf en Europe ou la grosse commission s’évertue à empêcher la naissance de champions européens face aux interventions étatiques aux USA, en Chine, en Corée du sud, etc. Ces multinationales, par le jeu des transferts entre filiales situées de façon à « optimiser » la fiscalité, ne payent plus guère d’impôts. De façon générale, les entreprises ont obtenu des baisses d’impôts, des exonérations de cotisations sociales, des « niches » fiscales et sociales en tout genre, de telle sorte que l’impôt a été massivement reporté sur les petits et les classes moyennes.
L’épargne est censément la vertu principale demandée aux gens et aux entreprises bénéficiaires pour financer l’investissement productif et le développement. C’est l’ascétisme puritain des protestants qui aurait permis cette mentalité propice au capitalisme (Max Weber). C’est devenu faux. En effet, les riches n’épargnent plus ; ils spéculent ou touchent des intérêts sur les dettes publiques (ils le peuvent puisqu’ils sont presque exonérés d’impôts). Ils dépensent de façon ostentatoire (yachts, palais, autos, art, fêtes, danseuses, etc.) mais comme ils ont bien trop d’argent ils ne peuvent pas tout gaspiller. Alors, au lieu d’investir dans la production ils préfèrent prêter ou spéculer, d’autant plus qu’avant la crise c’était plus juteux. Une large part des petites gens vit dans l’insécurité et la gêne et ne peut rien épargner du tout. Les plus aisés ont de plus en plus de mal à acheter un logement ou à compléter leur retraite ou à s’assurer. Les boîtes par l’autofinancement (réinvestissement des profits) pourraient épargner et investir dans la production. Cela ne se fait plus : elles préfèrent les investissements financiers bien plus rentables et se sont mises à emprunter aux banques pour l’investissement productif et cela de façon plus que modérée car les capacités de production sont excédentaires.
De façon plus profonde, le capitalo-libéralisme encourage au contraire et systématiquement la dépense, la consommation, le gaspillage, l’ostentation. Car, et c’est la logique du capital, pour transformer le capital marchandise en capital argent (le seul qui intéresse les capitalistes) il faut que la production soit vendue à des consommateurs solvables. C’est le rôle essentiel de la pub et du marketing que de pousser les gens à acheter du sable au Sahara ou de la glace au pôle Nord. L’épargne est dangereuse car elle entretient la sous-consommation de la production. Sauf si elle est investie (Keynes, car alors l’achat de biens productifs supplée à la consommation d’objets courants). La question ne se pose plus ; elle n’est pas réinvestie ou peu hors dans les spéculations, les OPA, OPE, etc. D’un côté, le capital a besoin de l’épargne pour accumuler, de l’autre il fonctionne à la consommation dilapidatrice et sans souci de l’environnement, de la santé et des ressources naturelles.
Ces trois contradictions ou mensonges libéraux (il y en a bien d’autres mais ce sont les principaux) expliquent que Tsarko, libéral pur sucre de chez libéral, n’ait que des rustines à proposer pour contrer les perversités du système financier, d’autant plus qu’il est mondialisé et pas franco-hongre. Cela explique aussi que les dirigeants de la planète (y compris chinois), tous plus libéraux les uns que les autres, ne fassent rien pour démonétiser les écritures libérales et réglementer les pratiques qui en proviennent, notamment celles de l’efficacité des marchés comme meilleur allocataire des ressources. Il en est de même pour les socialistes en peau de lapin qui vont se trouver piégés s’ils restent eux aussi dans la religion du marché et de la libre circulation des capitaux, et, de façon générale, dans leur acceptation du modèle capitalisto-libéral ; Tsarko leur fera manger leur chapeau pour une politique d’austérité et de réduction des déficits. Ils sont du reste déjà allés à Canossa baiser les pieds des agences de notation. Contre la règle d’or de Tsarko qui les met entre le marteau et l’enclume, ils se contentent d’arguer qu’elle doit s’appliquer dès 2012 et non en 2013 (car Tsarko peut profiter du budget 2012 pour soigner sa clientèle électorale !) ! Le problème est très simple : soit on reste dans l’enveloppe du capitalisme, financier ou industriel ou les deux, et on s’enfonce, soit on propose un autre modèle et on agit dans ce sens. Eh oui, camarades, il va falloir choisir une réforme radicale du système. Je vous conseille d’abandonner le marxisme, le libéralisme et de lire Proudhon et les anarchistes.
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