Mais en coulisses, il enrage de ces coups qu'il juge trop bas; cherche à remotiver ses troupes encore une fois.
Et il a peur.
La peur du fiasco
La semaine avait mal commencé. Nicolas Sarkozy venait de perdre son Sénat, la veille. A l'Elysée, il convoqua François Fillon et Jean-François Copé. Puis le lendemain, quelques autres ténors de Sarkofrance. Il était choqué et en rage. Il accusa les défaites passées (municipales, cantonales, régionales), qui ont réduit le nombre de grands électeurs de droite pour assurer, comme à chaque scrutin sénatorial intermédiaire depuis 1958, une confortable majorité à droite. Ce changement de majorité risque aussi de freiner l'adoption des dernières (rares) réformes sarkozyennes, ou permettre de lancer des quelques commissions d'enquête.
Pour remotiver ses troupes, le Monarque avait peu d'arguments. Il dénonça la calomnie malgré les preuves; et voulait rester optimiste dans l'épreuve. Cette semaine, il a aussi « labouré » ses thèmes favoris de campagne (famille, universités, Alzheimer), et ciblé quelques « communautés » électorales clés (cinéastes, seniors, arméniens).
A droite, on se reprend à douter de sa capacité à gagner la prochaine élection présidentielle. Jeudi soir sur France 2, Alain Juppé s'est dépensé pour convaincre de tout le bien qu'il pensait de la candidature du Monarque. Mais au passage, il confia qu'on n'était jamais à l'abri d'une surprise. Quel soutien !
A gauche, la primaire socialiste se déroule sans accroc, ou presque.
La peur de la Bourse
Nicolas Sarkozy est-il otage des marchés et des agences de notation ? La situation boursière l'angoisse. Pour 2012, son projet de loi de finances, le dernier de son mandat, affiche encore des comptes publics détestables.Près de 50 milliards d'euros iront encore régler nos agios. Au second trimestre, la dette publique de la France s'est accru de 46 milliards d'euros en 3 mois, pour atteindre 1.692 milliards d'euros à fin juin 2011. Quand Sarkozy est devenu président, elle n'était « que » de 1.250 milliards d'euros.
Cet homme-là ose encore donner des leçons de gestion.
Le projet de budget a été déposé pour examen à l'Assemblée nationale mercredi. Le coup de rabot sur les niches fiscales est encore modeste (11 milliards d'euros, comme en 2011). A ce rythme-là, il faudra attendre cinq ou six ans avant d'espérer approcher l'équilibre. La ministre du budget Valérie Pécresse promet que la dette publique baissera... à partir de 2013. La pauvre ne sait même pas où elle sera l'an prochain. Pour l'heure, ce projet de budget est déséquilibré, insuffisant et truffé de gadgets. Il repose sur une hypothèse de croissance de 1,75% (dégradée de 0,75 point l'été dernier), alors que la plupart des instituts nous promettent 0,8%. Les plus fortunés sont, comme souvent, plutôt épargnés: une micro-taxe temporaire de 3% pour les très riches, un relèvement d'un point des prélèvements sur les revenus du patrimoine, et une taxation progressive des plus-values immobilières des résidences principales qui ne frappe pas que les riches. En revanche, certaines réductions de crédits (-30.000 enseignants, policiers et autres fonctionnaires; -15% des crédits pour l'emploi; -7% des indemnités d'arrêt maladie dans le projet de financement de la Sécu), financièrement modestes, auront des conséquences désastreuses pour le plus grand nombre.
Bref, Pécresse, comme Sarkozy, espère bien convaincre agences et marchés de leur crédibilité. Vendredi, le Monarque pouvait souffler. La veille, les députés allemands ont voté en faveur du plan de sauvetage de la Grèce proposé le 21 juillet dernier. Ce vote angoissait l'Elysée au plus haut point. En juillet dernier, Nicolas Sarkozy nous avait présenté les décisions du sommet européen comme « la » solution miracle. Mais ces grandes mesures estivales, adoptées dans l'urgence des agences de notation et d'une nième crise de l'euro, nécessitaient une ratification des parlements des 17 Etats membres. Et oui. Il nous fallait 17 ratifications. Il en manque encore 3, dont la récalcitrante et minuscule Slovaquie.
Chez Nicolas Sarkozy, le problème se cache souvent dans les détails. Les communiqués de victoire sont souvent publiés avant la fin des combats. Vendredi matin, le président pouvait accueillir sereinement le premier ministre grec Papandréou. A l'issue d'une réunion qu'il voulait symbolique, le Monarque s'exprima, exceptionnellement, sur le perron de l'Elysée, avec micro et solennité: « Lorsqu'un membre de la famille éprouve des difficultés, les autres membres de la famille doivent l'aider. »
Et ses conseillers tentent de convaincre Angela Merkel d'un mini-sommet improvisé à Berlin ... le 9 octobre, jour du premier tour de la primaire socialiste. Quelle coïncidence !
Ces petites manipulations médiatiques ne sauraient cacher l'essentiel.
La peur du juge
Il n'y a pas que le climat économique qui est détestable. La multiplication des affaires et leurs rebondissements ont définitivement pourri cette fin de mandat. La presse est à nouveau unanime, ou presque : « Nicolas Sarkozy regarde ses hommes tomber » (L'Express), « Les coulisses d'une fin de règne » (Le Nouvel Obs); « Un parfum de fin de règne » (Le Point); « les affaires continuent » (Marianne)
Lundi, Henri Guaino, conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, monte en défense. Il affirme que rien ne lie Sarkozy à l'affaire Karachi. Le retour de bâton est cinglant. En direct sur le plateau de France2 puis ensuite sur le site de Mediapart, Edwy Plenel exhibe six documents incontestables et incontestés qui placent Nicolas Sarkozy, comme quelques-autres, au coeur du scandale. Trois jours plus tard, le coup se complète. Ziad Takieddine se confie à BFM TV et samedi à Libération. Il a été mis en examen une seconde fois, par un autre juge, pour faux témoignage. Il a décidé de parler. Il ne dit pas tout, mais il balance davantage. Il réclame une levée totale du secret défense sur les contrats d'équipement militaire qui le concerne. On croyait, comme nous l'avait encore expliqué tous les défenseurs du Monarque, qu'il avait été levé sur toutes les pièces nécessaires à l'instruction... Takieddine explique aussi qu'il a toujours agi sur ordre de Sarkozy dans ses négociations avec l'Arabie Saoudite (contrat Miksa, 2003), la Libye (depuis 2007) ou la Libye (2005-2007). Il appelle Sarkozy « le patron ».
Le même jour, Brice Hortefeux fait une autre bourde. Le Nouvel Observateur révèle que l'ancien ministre a estimé que l'avocat des familles de victimes de l'attentat de Karachi mériterait d'être «fracassé ». Ce dernier a porté plainte.
Mercredi, le choc est tout aussi grand. Philippe Courroye, l'ami des dîners, décoré d'une Légion d'honneur comme tant d'autres, allait être mis en examen pour son rôle dans l'espionnage de trois journalistes du Monde en juillet 2010 dans l'affaire Woerth/Bettencourt.
Un procureur de la République mis en examen ! Vendredi, la juge Isabelle Prévost-Déprez était entendue à la Cour d'appel de Versailles. Certains voudraient nous faire craindre une sanction. La juge s'était confiée dans le livre Sarko m'a Tuer. Elle y rapportait un témoignage embarrassant mais officieux, démenti depuis, sur le financement illégal de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. L'ancienne comptable de Liliane Bettencourt, autre témoin, confirme à Libération: (1) Nicolas et Cécilia Sarkozy visitaient régulièrement la milliardaire avant 2007; et (2) Patrice de Maistre lui a demandé de retirer 50.000 euros pour la campagne de Sarkozy.
L'étau se resserre. Et Sarkozy est contraint à faire sauter ses fusibles. Les hommes du président sont un à un écartés du premier cercle.
Après les mises en examen de deux proches du Monarque, Brice Hortefeux est allé s'expliquer chez la police judiciaire de Nanterre: « J’ai pu préciser et démontrer que je n’avais eu aucun accès à des éléments de l’enquête et de la procédure judiciaire » a-t-il déclaré à sa sortie. Vendredi soir sur France2, Hortefeux a baragouiné de mauvaises explications sur ses appels à Thierry Gaubert, ce proche de Sarkozy finalement inculpé la semaine dernière. Il aurait eu « l'intuition » que l'épouse de Gaubert parlait beaucoup au juge... Des écoutes téléphoniques avaient montré qu'il avait prévenu Thierry Gaubert, l'un des futurs mis en examen, avant son interpellation. Avec cette confession accélérée, Hortefeux espère avoir recouvrer quelque crédit. Sarkozy, depuis 15 jours et du propre aveu du ministre, ne l'a toujours pas appelé.
« Tout cela est infâme. C'est toujours les mêmes, comme par hasard. C'est toujours la même volonté de nuire.» Nicolas Sarkozy était en rage.
Ami sarkozyste, où es-tu ?
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