Mercredi, la ministre l'avait présenté en Conseil des ministres. On l'a souvent répété, c'est le « dernier » budget de cette mandature Sarkozy. Que fallait-il en retenir ?
Story-telling budgétaire...
L'an dernier déjà, Christine Lagarde (Economie) et François Baroin (Budget) nous racontaient des bobards sur l'ampleur du redressement des comptes publics. Pour 2012, c'est rebelote... Valérie Pécresse avait préparé son exercice de communication. Il fallait oublier que Nicolas Sarkozy, à cause d'un paquet fiscal rapide, injuste et inefficace, avait gâché quelque 23 milliards d'euros de recettes fiscales et sociales en 4 ans.
Dans le dossier de presse, on pouvait lire, dès la quatrième page: « Le PLF 2012 confirme le caractère intangible de la trajectoire de retour sous les 3% de déficit public en 2013 ». On croirait entendre un chauffard qui nous promet de rouler droit après 3 ans de zig-zag !
Fichtre ! Que s'est-il passé ? Le déficit budgétaire nous est promis à 82 milliards d'euros l'an prochain, soit 4,5 % du PIB en 2012 (après 95 milliards d'euros cette année).
Budget pas crédible
Le gouvernement espère 289 milliards de recettes fiscales. L'hypothèse de croissance du PIB a été maintenue à 1,75%, dans « un souci de prudence » (sic!). Lors du Conseil des ministres, Pécresse a justifié: « le Gouvernement constate que la demande intérieure est demeurée robuste durant l’été, de même que les chiffres de la production industrielle (+1,5% en juillet). Il convient donc de ne pas sur-réagir aux évolutions des marchés. »
Jeudi matin sur France Inter, la ministre du budget a expliqué que le gouvernement avait déjà réduit de 2,25 à 1,75% sa prévision « il y a quelques semaines », c'est-à-dire en août dernier. Et pourtant, comme le rappelle Thomas Bronnec de l'Express, « la plupart des instituts de conjoncture ont révisé à la baisse leurs calculs. En moyenne, ils tablent sur 0,8% ». Et avec 0,8% de PIB supplémentaire, on n'atteindra jamais les 289 milliards d'euros de recettes fiscales attendues l'an prochain.
L'impôt reste injuste
La révolution fiscale n'a pas eu lieu. Les recettes restent majoritairement « injustes »: la TVA pèsera pour 47% des recettes de l'an prochain. L'impôt sur le revenu, percé par des niches et exonérations, représentera encore 20% du total (58 milliards). Les entreprises, via l'impôt sur les sociétés, contribueront à hauteur d'un modeste 16%.
La chasse aux niches continue, mais elle reste modeste. Comme François Baroin l'an passé, Valérie Pécresse a trouvé 11 milliards d'euros d'abandons de niches et/ou taxes nouvelles. Les prélèvements obligatoires augmenteront bel et bien. C'est encore une promesse non tenue du candidat Sarkozy.
Une dette record.
Pas un mot sur le niveau record atteint par la dette. En cinq années de mandat, Nicoalas Sarkozy aura fait progresser l'endettement public de quelques 400 milliards d'euros. Et la crise n'explique pas tout. En 2012, le budget présenté prévoit 49 milliards d'euros d'intérêts à payer.
République des Riches
Le gouvernement se cache derrière sur quatre mesures jugées significatives pour justifier que sa rigueur est « juste »: d'abord, il y a cette taxe temporaire pour quelques 20 à 25.000 foyers déclarant plus d'un million d'euros de revenu annuel ( pour un couple) ou 500.000 euros pour un célibataire (rendement attendu: 300 millions d'euros par an maximum). Soit, à ce seuil, un effort de ... 1.500 à 3.000 euros annuels. Quel effort ! Ensuite, les plus-values immobilières sur les résidences principales seront désormais taxées, avec un abattement plus la durée de détention sera longue, jusqu'à une exonération totale au bout de 30 ans. Pécresse argumente que les plus aisés sont concernés par cette mesure qui doit rapporter 2 milliards d'euros. Il y a aussi le relèvement des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine de 12,3% à ... 13,5%. Alléluia ! Enfin, le gouvernement se félicite d'avoir supprimé quelques niches fiscales affectant l'IS, pour 2 milliards d'euros, « en faisant porter l’effort sur les grands groupes ».
Le déficit budgétaire se réduit. Vraiment ?
Même le Monde s'en félicite: l'an prochain, « la part des dépenses publiques dans le PIB sera réduite de 0,5 % en 2012 après une baisse de 0,3 % en 2011 ». En fait, les dépenses budgétaires sont prévues à 362 milliards d'euros en 2011, puis de 366 milliards l'an prochain. Dans son « story-telling » adressé à la presse, les services de Bercy osent écrire: «l’augmentation moyenne en volume a été de 2,6 % par an entre 1978 et 2008, contre 0,8 % en moyenne ces deux dernières années, ce qui représente une économie annuelle, en 2011 comme en 2012, de près de 16 Md€ par an »... Rooo... Quelle jolie histoire! L'année 2009, qui sert de pivot à cette comparaison hasardeuse, est bien atypique, plombée par le Grand Emprunt et le plan de relance. Depuis, le gouvernement a tout coupé, et rien renouvelé. Présenter comme des économies la non-reconduction de dépenses exceptionnelles est une tartufferie.
Austérité cachée
Pour certains, l'austérité sera réelle. La suppression de 30.400 nouveaux postes de fonctionnaires, principalement sur les services publics essentiels du pays (14.000 sur l'éducation; 7.500 sur la défense; 3.600 dans la police) gênera surtout le plus grand nombre de nos concitoyens. La réduction de 15% des crédits affectés à l'Emploi (soit un milliard d'euros), après les 15% de perdus en 2011 par rapport à 2010, aggravera la condition des chômeurs.
Autre surprise, malgré les grandes déclarations humanitaires de Nicolas Sarkozy en faveur des pays en voie de développement, l'aide publique au développement devrait perdre 1,8 milliard d'euros (4,5 milliards en 2011, 2,7 milliards l'an prochain).
Fonctionnaires: le dernier totem
Le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite depuis 2007 (soit 150.000 postes perdus depuis 2007) n'aura quasiment rien « rapporté »: 200 millions d'euros sont attendus en 2012. Pour mémoire, la réforme de l'ISF a coûté... 1,8 milliards d'euros au budget de l'Etat ! Le gouvernement reconnaît qu'il a reversé 1,4 milliard d'euros aux agents de la fonction publique depuis 2007. En particulier sous forme d'heures supplémentaires ? Quelque 100.000 CDD ont également été recrutés sur la même période.
Au passage, on notera que les services du Premier ministre sont prévus en progression de ... 52 postes l'an prochain.
Les gadgets
Le gouvernement les a exhibé pour mieux divertir l'attention, au risque de paraître ridicule. La fameuse surtaxe sur les boissons sucrées rapportera ... 10 millions d'euros. Pour faire bonne figure, le gouvernement a aussi toiletté quelques autres niche. Le ménage était indispensable mais il reste financièrement symbolique: réduction de l'avantage "Censi-Bouvard" (quand même prorogé jusqu'à fin 2015 dans la location meublée non professionnelle) pour moins de 1 million en 2013; réduction de l'avantage Scellier pour 20 millions; rabotage complémentaire de 10 % de treize autres niches fiscales (investissements forestiers, Sofica…) déjà réduites en 2011, pour 340 millions. Certains rabots paraissent même anti-écolo, comme cette réduction du « crédit d'impôt développement durable et de l'éco-prêt à taux zéro » pour 10 millions.
Et pendant ce temps...
A Tanger (Maroc), Nicolas Sarkozy était souriant pour inaugurer un TGV local. Depuis son fiasco diplomatique lors du printemps arabe, le Monarque a trouvé urgent de s'afficher présent au Maghreb. Reconnaissons-lui l'effort. En France, l'ami Ziad Takieddine lui a réclamé, par média interposé, de lever le secret défense. On sent le Takieddine inquiet. Dans une confession télévisée à BFM-TV, l'homme d'affaires a commis un baiser de l'araignée, en déclarant, à propos de Nicolas Sarkozy : «Je connais la dignité de cette personne, qui a contrôlé toute mon action entre 1993 et aujourd'hui. C'est la dignité de la France qui est bafouée aujourd'hui.»
On comprend pourquoi, prévenu de cette interview, le Monarque préféra le Maroc.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire