vendredi 11 novembre 2011

Allégements de «charges» : l'assistanat des patrons


Le montant des exonérations de cotisations sociales a atteint, en 2010, la somme rondelette de 30 milliards d'euros. Soit une progression de 55% en neuf ans.

Le chiffre publié jeudi par l'Acoss, la fédération nationale des Urssaf, est en diminution de 2,3% par rapport à 2008 où il avait frôlé 31 milliards, un record. Mais il reste impressionnant puisqu'il représente plus de 10% du total des cotisations dues par les salariés et les employeurs à la Sécurité sociale. La majorité des exonérations concernant la part patronale, les entreprises sont dispensées de payer 20% des cotisations qu'elles doivent théoriquement.

Le gros morceau concerne des «mesures générales d'encouragement» à la création d'emplois et au pouvoir d'achat.

Un peu moins de 21 milliards d'euros, soit 70% du total, ont été engloutis dans des allégements de cotisations patronales sur les bas salaires (dits «allégements Fillon»), un montant en hausse de 44% depuis 2002. Ce mécanisme vise à diminuer le coût du travail pour les emplois rémunérés entre 1 Smic (qui ne supportent plus aucune cotisation) et 1,6 Smic [1] afin de les rendre plus compétitifs. Plusieurs études, notamment de la Cour des comptes, ont montré l'utilité de ces ristournes. Leur suppression reviendrait à renchérir le coût du travail peu qualifié et entraînerait la suppression, selon certains économistes, de centaines de milliers d'emplois, sauf à alléger le montant des charges elles-mêmes en transférant le financement de la Sécu vers l'impôt sur le revenu ou la TVA.

Dans la même catégorie se trouvent les exonérations de cotisations au titre des heures supplémentaires déclarées. Leur montant, qui avoisine 3 milliards d'euros par an, a progressé de 5% depuis 2008, première année de pleine application de la mesure phare du programme de Nicolas Sarkozy, symbolisant son «travailler plus pour gagner plus».

Une deuxième catégorie d'exonérations (7,5% du total) concerne les «mesures en faveur de publics particuliers».

Outre les ristournes pour l'embauche de jeunes en apprentissage (960 millions en 2010), il s'agit essentiellement des exonérations liées aux contrats aidés. Leur montant, en baisse de 11% en neuf ans, dépasse aujourd'hui 1,1 milliard d'euros. Cette subvention de l'État sert aujourd'hui, pour 80% de l'enveloppe, à financer des contrats aidés dans les collectivités territoriales, les administrations, les hôpitaux ou les associations (le solde concerne des contrats aidés en entreprise), contre 60% il y a neuf ans.

Une dernière catégorie, avec près de 2,7 milliards d'euros d'exonérations en 2010, englobe les «mesures en faveur de secteurs particuliers». Comme l'emploi à domicile, dont les exonérations de cotisations ont frôlé 2,2 milliards en 2010. Les allégements dans ce secteur ont bondi de 165% en neuf ans et permis d'en «solvabiliser la de­mande» et d'y limiter le travail au noir.

La part des exonérations compensées par l'État à la Sécu est stable sur la période, aux alentours de 90% [2].


(Source : Le Figaro)

[1] Véritable trappe à bas salaires, les «allègements Fillon» expliquent le fait que la France soit championne du salaire minimum (notre taux de Smicards est le plus élevé des pays de l'OCDE) et que la moitié de ses salariés gagne moins de 1.600 euros nets par mois.

Autre détail important : les allégements de cotisations sociales sur les bas salaires ont été instaurés bien avant les 35 heures par le gouvernement Balladur en 1993, puis renforcés sous Juppé en 1996. L'objectif était de réduire le coût du travail peu qualifié. Certes, de 1998 à 2002, ces allégements furent - partiellement et provisoirement - conditionnés à la réduction du temps de travail : les entreprises signant des accords «35 heures» plus vite que les autres bénéficiaient d'allégements plus importants. Mais ce mécanisme incitatif a disparu en 2002, quand la durée légale du travail est passée à 35 heures pour tous. Le gouvernement Raffarin a mis alors en place «l'allégement Fillon» (du nom du ministre du Travail de l'époque). Ce nouveau système de réduction de cotisations sociales sur les bas salaires, qui s'applique depuis près de dix ans (2002-2011), amplifie les dispositifs Balladur-Juppé en vigueur en 1993-1998 et est indépendant du temps de travail. Attribuer aujourd'hui ces allégements aux 35 heures alors qu'ils ont été mis en place, amplifiés et pérennisés par des gouvernements de droite, relève de la désinformation pure et simple...

[2] Ce qui signifie que, dans l'affaire, la Sécurité sociale perd 10% de ses cotisations. Sans oublier que l'Etat, qui décide de tous ces cadeaux aux employeurs, ne compense pas sa part en temps et en heure : chaque année, plusieurs milliards non reversés manquent à l'appel dans les comptes de la Sécu.

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