vendredi 11 novembre 2011

Sarkozy réinstalle discrètement le grand parti unique... en multipliant les courants



C'est une chronique discrète, publiée sur le site d'information Atlantico, mercredi. Sous couvert d'une étude Ifop, l'auteur nous «dévoile une nouvelle typologie des droites». Exit les trois droites théorisées par René Rémond, il y aurait désormais quatre pôles (social-humaniste, républicain-libéral, national-populaire, droite extrême). La plume de ce prétendu «décryptage» ? Guillaume Peltier le nouveau «Monsieur Sondages» de l'UMP et oreille des ministres (lire notre portrait). Présenté uniquement comme «chef d'entreprise» et«directeur de la Lettre de l'opinion» par le site, le jeune homme distille chaque semaine un pan de la stratégie élyséenne pour 2012.

Et ce 9 novembre, le message qu'il tente de faire passer est clair: la diversité de la droite s'exprime à l'intérieur de l'UMP, au sein de quatre courants. Les quatre électorats qu'il décrit ne sont autres que les quatre «sensibilités» que l'on voit émerger depuis quelques mois: Droite populaire, Droite sociale, Droite humaniste, Réformateurs libéraux (voir l'infographie du figaro.fr). Une éclosion qui ne doit de fait rien au hasard. Cette stratégie aurait été impulsée par le conseiller de l'ombre de l'Elysée, Patrick Buisson. «Buisson veut que l'UMP soit organisée en courants», expliquait il y a peuau Parisien un dirigeant du parti. Guillaume Peltier serait «chargé de clarifier les différentes offres», précisait-on à l'UMP en septembre. L'idée, c'est qu'en multipliant les chapelles à l'UMP, on ratissera plus large. Nicolas Sarkozy encourage ce projet. «Le parti unique, je n'y ai jamais cru», a-t-il confié le 26 octobre à des élus centristes. Une ironie quand on sait que c'est lui-même, en prenant la tête du parti, en 2004, qui avait interdit les courants.

En réalité, à travers ces pseudo-courants, le président recrée le grand parti unique, cette machine UMP qu'il avait (re)construite pour happer l'UDF, Démocratie libérale et le RPR, et faire le plein de voix dès le premier tour en 2007. Une manière de torpiller les tentatives d'exil ou d'alternative hors UMP, mais aussi de conserverces électorats qu'il pourrait perdre en 2012. Démonstration.

La Droite humaniste pour retenir centristes et radicaux

Le 27 novembre, Hervé Morin annoncera sa candidature, sur ses terres de Normandie. Mais les idées et les troupes du patron du Nouveau Centre se trouveront, elles, à l'UMP. Au sein du courant centriste, recréé le 12 octobre par les ministres Jean Leonetti (affaires européennes) et Marc Laffineur (anciens combattants), et composé de 109 parlementaires. Le retour de l'UDF?

«Nous sommes à l'intérieur de l'UMP. Nous ne sommes pas une écurie présidentielle», ont bien précisé ses fondateurs. L'idée n'est donc pas de s'émanciper comme l'avait tenté Jean-Louis Borloo (il avait quitté le gouvernement en novembre 2010, puis l'UMP cinq mois plus tard pour créer l'Alliance centriste, son «alternative sociale et humaniste», avant de jeter l'éponge en octobre dernier). Les “humanistes” visent clairement à retenir les centristes dans le giron présidentiel en redonnant une voix à la droite modérée. «Faire vivre l'unité dans un parti politique, ça ne se fait qu'en acceptant la diversité. Sinon, on va vers la fracture», a expliqué Jean Leonetti dans le Journal du dimanche.

«La discrétion, pour les libéraux, c'est fini!»

Une fois par semaine, ils se réunissent pour coucher sur le papierdes propositions censées alimenter le projet UMP. En parallèle, leurs poids lourds se chargent de dégonfler la candidature de Morin. Le secrétaire général adjoint de l'UMP, Marc-Philippe Daubresse, a prédit que celui-ci n'irait «pas jusqu'au bout». François Sauvadet, l'ex-patron du groupe centriste à l'Assemblée, devenu ministre de la Fonction publique, a carrément dit «stop» à son ancien camarade au «Talk-Le Figaro» et qualifié sa candidature de «dangereuse». Stratégie efficace. Une partie des radicaux rentrent au bercail, comme Yves Jégo, le vice-président du parti radical, qui avait filé avec Borloo et tiré à boulets rouges sur Nicolas Sarkozy.

Les “réformateurs” pour satisfaire les libéraux déçus de la fausse «rupture»


Et pour ceux qui s'inquiétaient de savoir ce que devenait Démocratie libérale, Alain Madelin a donné une réponse, le 9 novembre. Le candidat à la présidentielle de 2002 était présent, mercredi, au dîner de ses descendants, les réformateurs libéraux de l'UMP. Un club créé par le secrétaire général adjoint du parti, Hervé Novelli, et relancé aujourd'hui avec l'aide de deux ministres: Luc Chatel (éducation) et Gérard Longuet (défense).

En 2007, les libéraux avaient apporté un soutien inconditionnel au candidat Sarkozy, applaudissant des deux mains sa volonté de «rupture» et de réformes, son «gagnant-gagnant», son «travailler plus pour gagner plus». Un an plus tard, ils se plaignaient dans nos colonnes de n'être plus écoutés comme avant, «quand Nicolas Sarkozy assurait la présidence» de l'UMP. Et mettaient en garde: «Le paradoxe serait qu’on exprime notre sensibilité à l’extérieur de l’UMP.»

Aujourd'hui, ils sont déçus que le chef de l'Etat ne soit pas allé au bout de la libéralisation promise et qu'il ait démantelé les dispositifscensés mettre en pratique son credo de 2007 (comme les mesures de la loi TEPA). En juillet dernier, Hervé Novelli avait créé la polémique lors de la convention sur la refondation sociale, en réclamant la suppression des 35 heures et «un big bang social».




Mercredi, l'ancien ministre des PME l'a promis: «La discrétion, pour les libéraux, c'est fini!»(vidéo ci-dessus).«Libre au candidat de reprendre nos propositions, mais s'il ne le fait pas, le regroupement que j'envisage avec mes amis continuera à porter ses idées à l'intérieur de l'UMP ou à l'extérieur, si les circonstances l'exigent.»

Ce sera donc à l'intérieur. L'Elysée le laisse lancer ses propositions chocs, comme celle de réserver le statut de fonctionnaire aux seuls agents relevant des missions régaliennes (police, défense, justice...). Mercredi, autour de la table, sous la coupole du Printemps Haussmann, à Paris, 500 personnes étaient réunies. Toute la galaxie libérale: des entrepreneurs, des experts, des économistes et des essayistes comme Nicolas Baverez (qui s'était, à la mi-quinquennat, montré critique de la politique de Sarkozy), Michel Godet, et des politiques. Y compris des libéraux non UMP.


La lutte contre la fraude sociale pour concurrencer le FN

La Droite populaire et la Droite sociale pour contrer le FN

La première a été créée le 14 juillet 2010 et a été largement contentée avec le discours de Grenoble et le virage à droite qui a suivi. La seconde a été relancée par Laurent Wauquiez en avril 2010, après la débâcle aux régionales. A eux deux, ces mouvements pèsent près de 100 parlementaires (44 pour la Droite populaire, 47 pour la Droite sociale). Leur but? Empêcher la désertion d'une partie de l'électorat droitier vers Marine Le Pen et reconquérir les classes moyennes.

Pour cela, ils bénéficient d'autorisations de sortie particulières et d'aucun recadrage de l'Elysée. La Droite populaire a été omniprésente dans les médias, et, même si ses propositions ont rarement été adoptées in fine, elle a été très entendue à l'Assemblée. Immigration, sécurité, binationalité, laïcité, patriotisme économique, elle aborde les mêmes sujets que le FN, bien souvent sous le même prisme (lire notre enquête et notre portrait de Thierry Mariani).

Les propositions les plus dures sont évoquées par ses membres: pétition contre le droit de vote aux étrangers, suppression de la binationalité, interdiction des grèves pendant les périodes de vacances, pénalisation des «outrages et insultes à la nation française et au fait d'être Français». Certaines sont même reprises par la majorité (le fichage des allocataires sociaux, le rapport sur l'ampleur des fraudes sociales en France du député Dominique Tian). Le 25 octobre, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), le gouvernement a suivi cette aile droite de la majorité en annonçant de nouvelles mesurespour sanctionner plus durement les fraudeurs.

La lutte contre la fraude sociale, c'est précisément le cheval de bataille de Laurent Wauquiez, pour qui «l'assistanat» est «le cancer de la société». En avril, le ministre de l'enseignement supérieur avait proposé de faire travailler les bénéficiaires du RSA en contrepartie de leur allocation. Une idée reprise par le rapport Daubresse cinq mois plus tard. Ses dernières propositions? Réserver une partie des logements sociaux à ceux qui travaillent (alors même que c'est déjà le cas), supprimer les stock-options, interdire les hausses de rémunérations des patrons qui suppriment des emplois, imposer à toute personne vivant plus de trois mois en France d'y payer ses impôts (contre six mois aujourd'hui). Avec cette formule, toujours la même, soufflée par Guillaume Peltier: «les profiteurs du haut, les profiteurs du bas».

Une idée que l'on retrouve mot pour mot dans la bouche de Marine Le Pen (lire notre enquête). Ce n'est pas un hasard non plus si le chef de l'Etat se met lui aussi à marteler ce message: lors de son allocution télévisée du 27 octobre, dans ses déplacements à travers la France (lire notre décryptage et notre reportage de sa visite en Mayenne).

Avec cette stratégie des quatre droites, Nicolas Sarkozy peut couvrir tout le spectre politique de la droite, du centre à l'extrême droite. Mais certains ténors 
du parti s'inquiètent d'une possible «balkanisation». "L'erreur de cette législature, c'est d'avoir accepté les chapelles. Aujourd'hui, on n'entend plus que les chapelles et on ne sait plus quelle est la ligne de l'UMP», se plaignait un responsable parlementaire UMP, après la réunion des libéraux. Jean-François Copé marche sur des œufs, il assure que ce ne sont pas des «courants» mais juste «des sensibilités». Nicolas Sarkozy s'en moque. Après 2012, qu'il gagne ou qu'il perde, il n'aura plus besoin de la machine UMP.
source

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire